Château d’Agassac, une singularité bordelaise

Château d’Agassac, une singularité bordelaise

Situé dans la commune de Ludon-Médoc et bénéficiant de l’appellation Haut-Médoc, Château d’Agassac est déjà singulier par l’édifice qui le caractérise, une forteresse d’origine médiévale, dont l’allure actuelle de vrai château date cependant du XIXème siècle. Sa vocation viticole est ancienne et remonte au XVIIème siècle, époque qui a vu l’assèchement des marais dans le Médoc. Aujourd’hui propriété des Assurances Groupama, Château d’Agassac est devenu un domaine à part entière sous la direction éclairée de Jean-Luc Zell, qui le gère avec un sens intelligent de la différence. Ainsi, le conformisme n’a pas ici voix au chapitre, tandis que les valeurs qui fondent l’identité et l’agrément des produits sont affirmées. Ses vins sont le reflet de cette philosophie, témoins d’un terroir spécifique et conçus dans un style fait de justesse et de mesure, où le naturel tient sa place.

 

Brèves de son histoire

En se référant à sa généalogie, on notera le nom des Pommiers, une lignée de notables qui l’occupa du XVIème siècle jusqu’à la Révolution. Pendant toute la seconde moitié du XIXème siècle, il a été la propriété de la famille Richier, dont l’un de membres fut un agronome précurseur en matière de technique viticole, puisqu’il inventa le palissage des vignes au fil de fer, universellement répandu de nos jours. Plus proche de nous, son rachat par les Capbern-Gasqueton en 1960 fait qu’il rejoint le patrimoine de cette famille, qui possédait alors Château Calon Ségur, un Cru Classé de Saint-Estèphe.

 

Des vins reflets d’un terroir

La reprise en main du domaine en 1997 et le profond remaniement qu’elle a entraîné, ont permis une identification des différents terroirs d’un vignoble relativement hétérogène. Les sols les plus qualitatifs sont composés de graves dites médocaines ou encore gunziennes, aux vertus drainantes, pour le grand bénéfice d’un enracinement profond. Là, le cabernet sauvignon est dans son élément et façonne très largement le premier vin, Château d’Agassac, avec les plus vieilles vignes de la propriété. Une autre partie importante du domaine est constituée de graves fines, appelées aussi graves garonnaises, très sableuses par endroits, responsables de la souplesse des cuvées qui en sont issues, sous le nom de Château Pomiès-Agassac. La transition entre ces deux principaux terroirs forme une bande de nature composite, associant avantageusement leurs qualités au profit d’un vin d’une stature proche du premier vin, baptisé en conséquence, Château Pomiès-Agassac « Tête de cuvée ».

 

 

Une viticulture durable

La gestion du vignoble en fonction de ses terroirs prend pleinement son sens du moment qu’elle respecte la nature de ses fruits et l’environnement qui les conditionne. C’est ce principe d’exploitation qui prévaut à Château d’Agassac, où la pratique d’une viticulture raisonnée certifiée est la règle. Aussi, l’usage d’intrants chimiques est-il minimisé et n’intervient-il que lorsque l’impose la pression des maladies de la vigne ou l’action d’insectes ravageurs. Suivie consciencieusement, cette discipline lui a d’ailleurs valu le label Haute Valeur Environnementale, une certification attestant de la biodiversité d’une exploitation et d’une production ayant un moindre impact sur l’environnement.

 

L’achèvement d’un style

Fils de restaurateur et affectionnant la légèreté des rouges de Loire, Jean-Luc Zell a cherché à préserver des caractères frais et sapides aux vins d’Agassac. Dans ce parti, il a démarqué ses produits d’une globalité bordelaise moins préoccupée par ces critères. La recherche d’une empreinte modérée du fût de chêne dans le goût des vins répond également à cette volonté de garder du naturel à leur expression.

Cette quête de l’équilibre avec toujours le repère du terroir a trouvé une nouvelle dimension en 2014 grâce à l’intervention de l’équipe de Stéphane Derenoncourt, un consultant atypique pour la région par son approche intégrant justement la notion de terroir. Son action a permis de renforcer le statut du premier vin, celui portant le nom de Château d’Agassac, en sélectionnant de manière rigoureuse la part des vignes qui lui est dédiée. Conçu jusque-là comme un produit de second ordre, Château Pomiès-Agassac bénéficie alors des lots écartés du grand vin et gagne une véritable identité, due à ses sols à dominante sableuse, propices au merlot. Dans cette redéfinition de la vocation de chaque cuvée, les plus sélectives sont maintenues, ainsi « Précision d’Agassac », produite seulement dans les grands millésimes, et la « Tête de cuvée », une version plus concentrée de Château Pomiès-Agassac.

Dans cette démarche, les choix culturaux n’ont pas cherché à bouleverser les techniques acquises ni le calendrier des vendanges. On est surtout intervenu au stade de la taille ainsi qu’au plan de la nutrition des sols afin d’assurer au final une maturité plus homogène des raisins. Sur le plan des vinifications, les ajustements ont porté sur la nature des extractions, opérées dès lors d’une manière plus approfondie et plus progressive.

En dégustation, l’inflexion du style est sensible dès le millésime 2014, avec des expressions plus complètes, tout en plénitude, voire en suavité, avec une richesse de fruit sans compromis, à la faveur des années propices qui ont régné depuis l’amorce de cette nouvelle ère. Pour autant, les vins ainsi obtenus ne présentent aucun déficit de fraîcheur et restent dans la lignée de ceux initiés par Jean-Luc Zell.

 

L’art de l’impertinence

Cultivant sa différence, sans toutefois jouer au trublion, Jean-Luc Zell présente en 2004 une cuvée en rupture avec ses considérations habituelles sur le terroir, conçue ostensiblement à contre-courant de l’idée d’un Bordeaux bon teint. Judicieusement nommé L’Agassant, il s’agit d’un produit marketé comme un vin du Nouveau Monde, jouant résolument la carte de l’expressivité et de la séduction. D’une facture soignée et issu quasi exclusivement de merlot, il a été travaillé pour faire valoir la générosité du fruit, une texture juteuse et des tanins tendres, le tout en assumant un boisé flatteur. Breuvage avant tout convivial, il fait si peu Cru Bourgeois !

 

 

 

L’auteur de l’article :
Diplômé en histoire de l’art, Mohamed Boudellal est journaliste et consultant en vins. Il a écrit pour la presse spécialisée, principalement pour la Revue du Vin de France et d’autres titres comme L’Amateur de Bordeaux, Gault & Millau et Terre de Vins. Co-auteur dans l’édition 2016 du « Grand Larousse du Vin ».

Aucun Commentaire

Publier une Réponse

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Aller à la barre d’outils