Le classement de Saint-Emilion : à bas les pleureuses !

Le classement de Saint-Emilion : à bas les pleureuses !

Je ne suis pas un fervent adepte des « classements » qui, à Bordeaux, donnent l’illusion d’une grille de lecture facile d’une supposée hiérarchie qualitative des vins. D’ailleurs, la plus connue de ces tentatives date de 1855 : c’est dire si elle est d’une grande actualité !

Le système, comme la nomenclature adoptée, varie aussi entre les trois classements bordelais : Médoc et Sauternes, Graves, Saint-Emilion. Parmi ces trois, Saint-Emilion est la seule région qui ose réviser régulièrement son classement[1]. Bien plus récent, puisqu’il date de 1955, il a été révisé en 1969, 1985, 1996 et 2006. Et la rigueur semble être de mise, car le nombre de crus acceptés a diminué dans la dernière version. Il est, de surcroît, basé en partie sur la dégustation (à l’aveugle) des vins, et cela sur dix millésimes. C’est pourquoi ce classement est pour moi le seul en France qui a une réelle valeur aujourd’hui.

Je suis donc attristé par le long imbroglio juridique autour de la dernière révision. Déçus d’avoir été exclus de l’édition 2006 du classement des Saint-Emilion, quatre propriétaires ont porté l’affaire devant les tribunaux. Cette action me semble aussi mesquine que malhonnête, car tous connaissaient les règles du jeu avant de se porter candidats au classement. C’est comme si une équipe de rugby portait plainte contre les règles à chaque fois qu’elle perdait un match.  Et les dernières nouvelles sont consternantes, car elles aboutissent à une annulation pure et simple du championnat ! Après bien des rebondissements jusque devant le Conseil d’Etat, on attendait la décision du Tribunal Administratif de Bordeaux, qui a été rendue le mardi 2 juillet 2008. Ce Tribunal annule le classement établi pour la période 2006 à 2016. Depuis le 2 juillet 2008, il n’y a donc plus de classement, dans l’attente d’une décision du gouvernement pour pallier ce vide.

Pour beaucoup, l’annulation est une catastrophe. C’est particulièrement le cas de deux d’entre eux qui ont vu leurs efforts récompensés par un meilleur rang dans la dernière édition. Christine Valette, propriétaire du Chateau Troplong-Mondot, a déclaré:  » Je suis en état de choc. Comme toute mon équipe au château. Nous avons travaillé vingt ans pour obtenir cette place dans le classement qu’on annule aujourd’hui. Je n’aurais jamais imaginé que cela puisse arriver ». »C’est une aberration de condamner le classement pour si peu », déclarait mardi Nicolas Thienpont, propriétaire de Château Pavie-Macquin. « …Certains producteurs ont déjà embouteillé et étiqueté, avec la mention de leur classement. J’étais sur le point de le faire moi-même et j’ai l’intention de le faire malgré le jugement. C’est trop tard pour tout changer.. »

L’affaire n’est pourtant pas close, car l’instance qui régit ce type de questions au niveau national (L’Institut National des Appellations d’Origine) a deux mois pour faire appel du jugement. Espérons que la raison l’emportera sur la petitesse d’esprit des mauvais perdants. Dans le passé, d’autres perdants ont décidé de retrousser leurs manches pour regagner leur place perdue en améliorant la qualité des vins. Cela me semble être la bonne solution. A bas les pleureuses !

NB : Une partie de ces informations est issue de l’excellent site d’information Vitisphere


[1] Demander le classement est un acte volontaire de la part d’un domaine candidat. Le candidat doit produire du Saint-Emilion Grand Cru (qui est une appellation, non pas un rang du classement). Le premier niveau est Saint-Emilion Grand Cru Classé, avec, au-dessus, Saint-Emilion Premier Grand Cru Classé « B » (avec 11 châteaux dans l’édition 2006) et, au rang le plus élevé, Saint-Emilion Premier Grand Cru Classé « A » (qui ne concerne que deux châteaux : Cheval Blanc et Ausone).

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