Limoux : Un bastion blanc dans le Midi rouge

Limoux : Un bastion blanc dans le Midi rouge

Située à 25 km au Sud des remparts de Carcassonne, dans l’Aude, Limoux est l’appellation la plus occidentale du Languedoc et offre une réjouissante palette de vins : quelques vins rouges mais surtout une belle collection de vins blancs, tranquilles ou effervescents. L’histoire et la géographie s’y sont mises à deux pour faire de la région une exception dans le Languedoc. Une lettre de compte datée de 1544 fait état d’une commande de « 4 pinctes de blanquette » destinées au « disner » du Seigneur d’Arques. Le mot désigne un des cépages blancs locaux, le mauzac, appelé blanquette car ses feuilles se couvrent d’un léger duvet blanc. A Limoux on vous racontera aussi que c’est dans les caves de l’abbaye de Saint-Hilaire qu’ont été produits en 1531 les premiers vins effervescents, imités plus tard par quelques opportunistes champenois. C’est difficile à prouver, mais nul doute que la région possède une vieille tradition de vin blanc et de vin effervescent. Sa blanquette était très prisée au XIX ème siècle – un vin qui a « de la douceur, de la légèreté, assez de spiritueux et un joli bouquet » (André Jullien, 1866) – au point de donner au Languedoc sa première AOC dès 1938.

Les anciens avaient vu juste en plantant ici des cépages blancs. Le climat le permettait : dans un Languedoc marqué par l’aridité, Limoux est situé à un carrefour climatique avec des influences méditerranéennes largement adoucies par les entrées océaniques et montagnardes venues de l’Ouest et du Sud. Plus humide, le vignoble est niché sur les collines pré-pyrénéennes qui longent la haute vallée de l’Aude, à des altitudes oscillant entre 150 et 450 mètres. Les nuits sont suffisamment fraîches pour conserver dans le raisin ce qu’il faut d’acidité et produire des blancs équilibrés. A côté de sa traditionnelle Blanquette, un vin effervescent à base de mauzac qui peut être sec ou doux, Limoux a élargi sa gamme aux blancs tranquilles (AOC en 1959), aux crémants et plus récemment aux rouges (2004). Avec la clairette qui a quasiment disparu, le mauzac est le cépage historique de la région. On y a ajouté récemment d’autres variétés venues de régions de climat frais, le chenin blanc et le chardonnay.

Blanquettes et crémants

Au domaine Taudou, on est resté fidèle à la bulle. « Mon père a produit ses premières bouteilles en 1981, des blanquettes méthode ancestrale, c’est ce qui se faisait le plus chez les petits producteurs, les négociants ne voulant pas prendre de risque » explique Jean-Pascal Taudou. Délicate à maîtriser, cette méthode consiste à effectuer la mise en bouteille du vin avant la fin de la fermentation qui reprendra au printemps dans le flacon jusqu’à épuisement des levures mais pas du sucre du raisin. Ces vins doux issus à 100% du mauzac sont, dans les bonnes versions, un compromis idéal entre saveurs très fruitées, légèreté et douceur avec cette pointe de fraîcheur indispensable ; « pour que le sucre n’empâte pas, c’est la clé de l’équilibre et ça se travaille dès la vigne » précise Jean-Pascal. Arrivé sur le domaine en 2001, il a planté du chenin, du chardonnay et du pinot noir pour produire toute la gamme des bulles limouxines : la Blanquette en version brut (mauzac dominant) et le Crémant (chardonnay dominant), tous deux issus de la méthode traditionnelle, celle en vigueur en Champagne.  « L’Ancestrale est unique, elle a sa clientèle de fidèles qui a tendance à vieillir. Les bruts plaisent de plus en plus mais il faut que les gens franchissent le pas. On a toujours un problème d’image, lié au passé mais aussi au fait que les gens n’imaginent pas que l’on puisse produire de bons blancs effervescents dans le Sud ». Ses vins, francs, faciles et fruités, sont une excellente réponse.

Grands blancs au Château de Gaure

Autre trajectoire et autre pari pour Pierre Fabre, propriétaire du Château de Gaure, producteur de grands vins blancs tranquilles à Limoux. Issu d’une lignée de vignerons coopérants du Gard, installé en Belgique pour raisons professionnelles, il s’est mis en quête d’un bel endroit dans une région encore abordable. En 2004, le hasard met sur sa route le lieu dont il rêvait, une bâtisse chargée d’histoire, au milieu des vignes, des cèdres et des pins. Il l’acquiert avec plein de projets en tête, dont l’aménagement de gîtes et l’envie de renouer avec la tradition familiale mais avec le bons sens du fils de vignerons qui a en mémoire la vie de sacrifices des parents. Il gardera donc sa base en Belgique où il continue de diriger une usine. Autre heureux hasard : la dégustation d’un grand chenin blanc lors d’un salon en Allemagne, puis la rencontre avec celui qui l’a inspiré, Jean Armand Bloc, un consultant « autodidacte, ancien cadre dirigeant qui est devenu un grand talent du vin, peu connu mais hyper compétent ». Avec Benoît Arletaz, qui a longtemps piloté la propriété sur place, le trio met en œuvre le projet : arrachage des parcelles de plaine, culture biologique, vinification au plus proche du raisin avec le moins d’interventions possibles. Le premier millésime les séduit, un assemblage de mauzac et de chenin au style tranché et oxydatif. « Un distributeur potentiel en Belgique le goûte, me dit c’est très bon mais ajoute, c’est pour des initiés et je n’en vendrai pas une ! Ça a été une leçon. On doit produire un vin qui nous ressemble mais il faut aussi penser à le vendre ». En 2007, on refait l’assemblage, avec cette fois une dominante de chardonnay, un peu de chenin et une touche de mauzac ; c’est la cuvée Oppidum devenue l’emblème du domaine, un vin magnifique d’intensité et de relief, qui prouve les belles dispositions du chardonnay sur les hautes terres de Limoux. En quelques années, Gaure s’est taillé une belle réputation, mais curieuse facétie : à cause d’1 ou 2 grammes de sucre résiduel en trop, son Oppidum 2010 ne peut plus afficher Limoux sur l’étiquette. « On vendange des raisins bien mûrs et on a fait le choix de n’utiliser que des levures naturelles. Mais c’est dommage, si Gaure est reconnu, ça profite aussi à Limoux » regrette Pierre Fabre. Ça ne l’empêchera d’avancer : en 2006 il a acheté une quinzaine d’hectares dans le Roussillon à Latour de France plantés de vieilles vignes qui donnent des rouges très convaincants, et plus récemment 5 autres hectares à Limoux avec le projet de produire aussi des bulles.

Notre sélection

Blanquette de Limoux Méthode Ancestrale

Domaine Delmas, Clair de Lune (6,90 €)

Tendre et très fruité, aux saveurs douces et parfumées, excellent apéritif par temps chaud.

www.blanquette-delmas-bio.com – 11190 Antugnac – tel : 04 68 74 21 02

Taudou (6,20 €)

Saveurs généreuses de pomme vertes avec un moelleux parfaitement allégé par une jolie fraîcheur. Vin croquant, au fruité pur et net.

11300 Loupia – tel : 04 68 69 50 14

Domaine Georges et Roger Antech, Doux et Fruité (6,90 €)

Des saveurs de levures et de cidre, de la rondeur en bouche avec un sucre bien présent mais avec ce qu’il faut de relief. Accord tout en légèreté avec une tarte ou une salade de fruits frais.

www.antech-limoux.fr – 11300 Limoux – tel : 04 68 31 15 88

Blanquette de Limoux

Domaine J. Laurens, Le Moulin, Brut (7,50 €)

Nez tout en vivacité, sur les agrumes et le fruit vert, avec des saveurs croquantes et une longueur plus qu’honorable. Frais et parfaitement désaltérant. A l’apéritif.

www.jlaurens.com – 11300 La Digne D’aval – tel : 04 68 31 54 54

Domaine Georges et Roger Antech, Réserve Brut (6,90 €)

www.antech-limoux.fr – 11300 Limoux – tel : 04 68 31 15 88

Une cuvée tonique aux notes de pomme verte, de fleur avec une pointe végétale qui n’entame en rien le plaisir que procure cette bulle nette et fraîche. Pour l’apéritif.

Château Rives Blanques, Vintage Brut rosé, 2008 (8,80 €)

Crémant de Limoux

Jolie robe qui assume sa couleur. Nez gorgé de fruit rouge frais et bouche voluptueuse, pleine de saveurs et de caractère.

www.rives-blanques.com

Domaine Delmas, Cuvée Passion Brut 2008, Crémant de Limoux (8,60 €)

Nez riche, de fruit sec, fruit jaune et brioche. Belle présence en bouche pour ce crémant puissant et vineux plutôt taillé pour la table.

www.blanquette-delmas-bio.com

Sieur d’Arques, Toques et Clochers, Brut, 2007 (15 €)

Nez fin, frais, citronné, de fleur blanche, de tilleul, de noisette. Bouche tout en élégance, avec une bulle bien affinée par le temps et beaucoup de pureté et d’éclat. Belle bouteille à déguster sur un poisson fin ou à l’apéritif.

www.sieurdarques.com – tel : 04 68 74 73 70

Domaine J. Laurens, Les Graimenous, 2009 (8,50 €)

Notes douces de levure, de vanille, de miel. La bouche est tendre et caressante, c’est agréable et bien fait.

www.jlaurens.com – tel : 04 68 31 54 54

Taudou, brut (8 €)

Des arômes de pomme mûre et de fleur, une bouche ronde, généreuse en saveurs fruitées. Un plaisir simple pour l’apéritif.

11300 Loupia – tel : 04 68 69 50 14

Domaine Georges et Roger Antech, Cuvée Héritage (10 €)

Crémant vineux, aux notes de miel, d’acacia, rond et puissant, fait pour la table.

www.antech-limoux.fr – tel : 04 68 31 15 88

Limoux blanc

Château Antugnac, Gravas, 2009 (15 €)

Nez beurré, fumé, de pâtisserie, très appétissant. De la rondeur, du fruit, une pointe de sucrosité, l’ensemble est séduisant, agréable et facile d’accès.

www.collovrayterrier.com – tel: 04 68 74 22 38

Domaine Rives-Blanques, Odyssée, 2009 (10,85 €)

Nez aérien, avec une pointe végétale. La bouche offre un beau contraste entre des saveurs crémeuses et une structure fraîche, pleine de vie et d’élégance. Deux autres belles cuvées recommandables chez ce bon producteur : Dédicasse et La Trilogie.

www.rives-blanques.com – tel : 04 68 31 43 20

Gérard Bertrand, Domaine de l’Aigle, 2009 (12,50 €)

Beaucoup de volume pour ce vin à la texture caressante, aux notes de fruit, de vanille et d’épice, ample et plutôt chaleureux, taillé pour un viande blanche ou un poisson à la crème.

www.gerard-bertrand.com – tel : 04 68 45 28 50

Sieur d’Arques, Terroir Haute Vallée, 2009 (12 €)

Cette bonne cave coopérative produit plus des deux tiers des vins de l’appellation dont une série de blancs secs qui déclinent les quatre terroirs de la région. On retiendra en priorité la Haute Vallée dont la belle acidité tranche joliment dans un fruit qui s’exprime sur des notes vanillées et des parfums de fruit jaune et de fruit sec.

www.sieurdarques.com – tel : 04 68 74 73 70

Château de Gaure, Vin de France, 2010 (15,50 €)

Nez tirant sur le miel, la pomme verte, sur un fond de fraîcheur. La bouche offre ce qu’il faut de rondeur avec une acidité croquante, aérienne, un peu saline. L’ensemble laisse une impression magnifique d’élégance, de gourmandise et de plénitude.

www.chateaudegaure.com – tel : 04 75 39 82 37

Crédit photo : Château de Gaure

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