Quels vins avec la cuisine végétarienne ou vegan ?

Quels vins avec la cuisine végétarienne ou vegan ?

Actuellement, on parle davantage du mode de nutrition vegan que du mode végétarien, pourtant de loin le plus répandu. A cela, il y a une très bonne raison, suscitée par les témoignages sur les souffrances cinglantes infligées aux animaux destinés à l’abattage, que ce soit pour leur viande, leur peau, leur fourrure ou un autre usage. Disons que le veganisme, assimilable au végétalisme dans le sens où il exclue strictement tout produit d’origine animale, apparaît plutôt comme une attitude militante, sinon une philosophie, dépassant les simples considérations sur l’alimentation.

Pur produit du raisin, le vin est compatible avec toutes ces diététiques, y compris le mode vegan, avec quelques réserves(*), cependant, sa consommation reste liée au système alimentaire dominant où les produits carnés et laitiers tiennent aujourd’hui une très grande place. Cela n’a jamais été le cas dans le passé, car les cultures méditerranéennes, berceau du vin, étaient proches du végétarisme, car peu consommatrices de viande. Elles sont d’ailleurs à la source d’un régime nutritionnel fort recommandé de nos jours, appelé aussi régime crétois. Cela dit, force est de constater que l’accord vin rouge-viande est devenu un universel, cette denrée étant devenue incontournable dans bien des cuisines du monde. Relégués au statut de garniture, légumes, légumineuses et céréales sont les parents pauvres de cette sempiternelle alliance, et en eux-mêmes n’inspirent guère les préceptes de la sommellerie. Loin d’être une science exacte, cette dernière préconise toutefois quelques mariages usuels sans fausse note, plutôt avec des blancs, fruits d’une expérience partagée du métier. Voici un petit aperçu des usages, de la haute gastronomie à notre simple quotidien.

 

Quand de grands chefs s’y mettent

Si certaines tables renommées surfent sur cette vague en proposant des plats végétariens, leurs chefs mettent avant tout en honneur des produits de haute qualité, sinon luxueux, et ne sont guère enclins à adopter la cuisine végétarienne, même si les légumes n’y sont pas négligés et articulent même bon nombre de plats.

Cependant, il est un maître « ès légumes », Alain Passard, dont le restaurant L’Arpège est triplement étoilé au Guide Michelin. Il s’est donc démarqué de ses pairs en élaborant une cuisine axée sur des légumes récoltés d’ailleurs presque exclusivement dans ses propres potagers. Clément Lefaux, le sommelier qui y officie agit avec une approche conforme à la saisonnalité des produits et préconise essentiellement du blanc, couleur occupant d’ailleurs les trois-quarts de la cave du restaurant. Ayant ainsi une place mesurée, les rouges privilégiés sont surtout des pinots noirs (Bourgogne, Alsace), dont le caractère nerveux sied particulièrement à cette cuisine. Dans une carte largement inspirée par des légumes sous toutes les formes, on peut noter, entre autres, un tartare végétal fondé sur de la betterave de pleine terre et assaisonné comme son homologue animal. Avec ce plat très original, on sert un blanc qui ne l’est pas moins, provenant du pays niçois, un Bellet au bouquet si singulier.

Autre restaurant célèbre, L’Atelier de Joël Robuchon, propose un menu végétarien et qui plus diététique, car garanti sans gluten. Il se compose d’une déclinaison de légumes connus de tous, chacun étant prétexte à un plat. Ces variétés très communes (betterave, chou-fleur, artichaut, asperge blanche, aubergine, marron) sont travaillées sans complexe vis-à-vis de leur goût et de leur texture primitive. Il en résulte des compositions aux saveurs mêlées, sinon sophistiquées, exigeant du sommelier de service, Antoine Gries, tout son savoir-faire. Il m’est impossible de donner ici même un bref écho des alliances choisies, aussi ne citerai-je que celle avec la betterave, en écho au plat précédemment cité. En l’occurrence, c’est un classique Chablis qui est conseillé, car la nature douce du légume a été estompée par l’acidité et l’amertume d’un accompagnement bien trouvé (pommes Granny Smith, salade amère, moutarde verte).

 

Petit mémorandum d’accords mets-vins

Si l’on peut dire qu’un vin blanc sec convient bien mieux qu’un rouge avec des légumes, il faut nuancer ce principe de base suivant leur variété et leur préparation, selon qu’ils soient crus ou cuits, servis seuls ou accommodés. Je propose ici quelques accords généralement admis, étant entendu que les synergies n’opèrent pas toujours ! La matière étant inépuisable, je m’en suis tenu à quelques exemples typiques pris parmi des catégories usuelles.

  • Crudités : donner priorité à des blancs assez vifs et légèrement fruités, comme des vins de Loire type Muscadet ou issus de sauvignon (Touraine, Sancerre, etc.), des Bourgogne du même genre : Petit Chablis, Chablis, Bourgogne Aligoté.  En pratique, bien d’autres accords sont possibles, pourvu que le vin respire la fraîcheur et n’ait pas trop d’arômes envahissants.  Le rosé peut également convenir, à condition qu’il soit tonique et gourmand, comme un rosé de Loire.
  • Légumes verts : les précités feront l’affaire, même si certains alliances sont difficiles à satisfaire, ainsi avec des asperges, là où certains conseillent un muscat sec alsacien (ou languedocien) plutôt qu’un compromis avec le sauvignon.
  • Légumes cuits : leur nature et le mode de cuisson font qu’il est difficile de trancher sur la question. Ainsi, la pomme de terre sautée ou en écrasée peut aisément s’accommoder d’un rouge léger et nerveux (Loire ou Beaujolais), tandis qu’en gratin, surtout dauphinois, un blanc riche (type Mâcon) sera plus indiqué. Les champignons, autres que ceux de Paris, préfèrent également les blancs généreux, dont les origines peuvent être diverses : Bourgogne, Côtes du Rhône, Jura, etc. Un mariage plus chic se fera avec des rouges à complète maturité ou même un peu vieux, dont on dit qu’ils « truffent », ainsi les Saint-Emilion ou plus largement des Bordeaux de bonne source à base de merlot.
  • Plats végétariens : chaque spécialité serait un cas d’espèce, surtout si des adjuvants entrent en jeu, d’où un large éventail de vins envisageables. Dans cette catégorie figurent les céréales, presque jamais consommées toutes seules. Cela dit, on ne se trompera guère en choisissant un blanc polyvalent à base de sauvignon (Loire, Bordeaux, Bergerac). Cependant, des accords plus singuliers sont à prévoir si l’on cuisine par exemple un curry (riz ou légumes), là où un Alsace épicé (Pinot Gris, Gewurztraminer), même légèrement doux, trouverait sa place.
  • Cuisine méditerranéenne : une ratatouille ou un gratin (tian) de légumes équivalents peut indifféremment s’accorder avec des rouges souples et puissants ou des rosés de sa région : Côtes du Rhône, Languedoc, Provence. En rouge, on privilégiera des vins où le grenache domine, sa puissance, son moelleux et des senteurs épicées douces et fortes s’avérant de bons alliés pour des légumes très cuisinés, voire compotés. Du côté des rosés, les profils corsés, et typiquement le Tavel, sont préférables au genre plutôt délicat caractérisant les Provence.

Pour finir sur une note moins directive, mon expérience des fontaines à vins (« bag-in-box ») a parfois révélé des contenus, surtout en rouge, en adéquation à des assortiments les plus variés d’un buffet. Ces vins légers, presque fluides, fruités et vivaces ont honorablement égayé mon palais en la circonstance, d’où mon conseil pour arroser des repas conviviaux et… végétariens. En ce cas, misez sur des Vins de Pays – siglés aujourd’hui IGP – pour être sûr des caractères décrits.

 

(*) Un vin certifié vegan ne doit comporter aucun adjuvant d’origine animale. Par conséquent, son mode d’élaboration proscrit  l’usage des protéines animales que l’on utilise couramment pour clarifier et stabiliser les vins, opération appelée collage.  

 

L’auteur de l’article :
Diplômé en histoire de l’art, Mohamed Boudellal est journaliste et consultant en vins. Il a écrit pour la presse spécialisée, principalement pour la Revue du Vin de France et d’autres titres comme L’Amateur de Bordeaux, Gault & Millau et Terre de Vins. Co-auteur dans l’édition 2016 du « Grand Larousse du Vin ».

Commentaire (1)

  • Didier

    Bonjour Mohamed
    Merci pour cet article qui est dans l’actualité tant la cuisine végétarienne prend de plus en plus de place. Chacun a l’occasion de goûter cette cuisine « plus diététique ». L’accord avec le vin est donc une bonne préoccupation. Heureusement, à la lecture de votre article, tous les vins ont leur chance selon les végétaux choisis, des rouges tanniques en passant par les rosés fruité et blancs sucrés. C’est un bel éventail.

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