Tavel : un rosé pour l’automne

Tavel : un rosé pour l’automne

Au pays des châteauneufs et des gigondas, existe un bastion imperméable aux modes, entièrement voué aux vins rosés, ou plutôt au Tavel.On ne peut pas s’empêcher de s’étonner : paysage méditerranéen, vieux ceps noueux, chaleur torride en été, sols arides localement recouverts de gros galets et de cailloux calcaires (les lauzes)… Bref, plutôt un décor pour des rouges puissants que pour des rosés. Et pourtant, au pays des châteauneufs et des gigondas, existe un bastion imperméable aux modes, entièrement voué aux vins rosés, ou plutôt au Tavel. Car ici on vous dira qu’il existe quatre couleurs de vins : le rouge, le blanc, le rosé et le tavel. Tavel est donc fière de son exception : ce village du Gard, situé entre Orange et Nîmes, est l’unique cru ou appellation communale de France exclusivement dédié aux vins rosés. Des affiches vous le rappellent à l’envi à l’entrée du village, « Capitale mondiale du rosé », « Bienvenu au royaume du rosé », « Tavel, cité du 1er rosé de France ».

Si on glisse à Richard Maby, vigneron et président de l’appellation, que « le rosé c’est en Provence qu ‘il est né » (slogan officiel des rosés de Provence), il ajoute goguenard « peut-être mais c’est ici qu’il a grandi ! ». Tavel n’a pas toujours produit du rosé. Au XIX ème siècle, A. Jullien (Topographie de tous les vignobles connus, 1866) évoque des vins blancs et des rouges de « Première Classe » et L. Maurial (L’art de boire, connaître et acheter le vin et toutes les boissons… 1865) des rouges « peu colorés, fins, légers, spiritueux et d’un goût agréable ». Richard Maby rappelle que le vignoble historique, avant son extension, était situé sur les parties sablonneuses et donnait des rouges plus pâles, moins en vogue à l’époque, d’où l’idée de produire des rosés soutenus. Fabrice Delorme (domaine de la Mordorée) donne une autre version : le baron Le Roy, père des AOC en France, aurait organisé en 1936 le partage des couleurs entre Châteauneuf-du-Pape et Tavel : le rouge et le blanc au premier, le rosé au second.

Un rosé de gastronomie

Quoiqu’il en soit, dès 1936, Tavel ne produit plus que du rosé et pour être sûr de ne pas céder à la tentation du rouge, elle s’est même interdit la possibilité de replier ses vins en appellation Côtes du Rhône. Depuis, les rosés locaux cultivent leurs différences : des robes soutenues issues de macérations longues, des arômes tirant franchement sur le fruit rouge, et beaucoup de rondeur et de puissance en bouche avec parfois des tanins légers qui donnent ce qu’il faut de relief à l’ensemble. « Des clients nous demandaient des vins plus pâles, on n’a jamais cédé et on a bien fait » précise Richard Maby. « C’est beaucoup plus facile de vendre du tavel que du rosé, mais il faut défendre notre spécificité » ajoute Fabrice Delorme. Pas question donc de marcher sur les plates-bandes des provençaux : Tavel garde le cap d’un autre rosé, coloré, vineux, puissant, qui n’a pas vocation à désaltérer par grande chaleur mais qui est capable de  tenir tête à une grande variété de saveurs et de textures à table, en toutes saisons.  Autre caractéristique, il sait vieillir, « jusqu’à 10 ans les grandes années » pour Fabrice Delorme, même si la plupart sont bus dès leur mise sur le marché.

Les vignerons de Tavel composent à partir de 8 cépages autorisés (grenache dominant) et de 3 grands types de sols : hautes terrasses de galets au Nord, moyennes terrasses et plaines sableuses au Sud et lauzes sur calcaire à l’Ouest. La plupart des producteurs assemblent des raisins des trois origines et jouent sur la palette des cépages pour affiner leur style tout en restant fidèles au caractère fougueux de ces rosés singuliers.

Sélection de bonnes cuvées

Ces vins ont été goûtés à l’aveugle au syndicat de Tavel en avril 2010.

Prieuré de Montézargues, 2010

Robe de vieille rose, nez puissant et plaisant, du fruit rouge, des notes de pêche et de fleurs. Attaque ronde, texture généreuse avec des saveurs intenses et une pointe fraîche en finale.

Domaine de la Mordorée, La Dame Rousse, 2010

Robe soutenue et nez gorgé de fruits des bois, de grenadine, de notes florales. C’est tout aussi luxuriant en bouche, avec des saveurs qui tapissent généreusement le palais. Puissant mais impeccable par sa tenue en bouche et son relief, entre fraîcheur et tanins très légers. On peut aussi le laisser en cave quelques années.

Domaine du Vieux Moulin, 2010 (brut de cuve)

Robe rubis, nez de fruit rouge, d’agrume et de réglisse. Bouche vineuse, dont la rondeur et le volume sont allégés par une belle acidité qui donne ce qu’il faut de vigueur à l’ensemble. Long.

Domaine de la Mordorée, La Reine des Bois, 2010

Nez sur le fruit à noyau, le fruit rouge et des notes épicées. Du volume en bouche avec une sensation un peu doucereuse et un fruit agréable et chaleureux.

Les Vignerons de Tavel, Cuvée Royale, 2010

Tout en couleur et en puissance, avec des saveurs généreuses de kirsch, de fruit rouge et une structure bien présente. Très plein mais sans lourdeur, beau vin de table.

Château de Trinquevedel, 2010

Attaque ronde, saveurs de fruit rouge et notes un peu fumées. Agréable par son équilibre avec une pointe amère en finale.

Château d’Aquéria, 2010

Très coloré et parfumé avec des accents sincères de fruit rouge et des nuances épicées et réglissées. Très plein avec des saveurs fruitées qui éclatent en bouche, c’est croquant, tendre et très harmonieux. Délicieux.

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