Château Fonplégade, un grand style

Château Fonplégade, un grand style

L’environnement de Château Fonplégade est paré de propriétés dont les noms font délecter les papilles des amateurs de crus de Saint-Emilion hors pair. Ainsi l’Angélus, Ausone, Canon, La Gaffelière, Pavie… constituent son proche horizon. Cette géographie prestigieuse se double d’une histoire non moins illustre, attestée par ce qui fut la bible du vignoble bordelais, le fameux Cocks et Féret, dont l’édition de 1868 classe Fomplégade parmi les 1ers crûs, au même titre que ses voisins précités. Cette publication de référence signale de surcroît sa distinction à l’Exposition Universelle de Paris en 1867, où il a été gratifié d’une médaille d’or, comme d’autres de ses pairs. Depuis, si bien des mutations ont ponctué sa chronologie, il s’est inscrit dans une trajectoire dont l’excellence se confirme en 1955, lorsque le premier classement de Saint-Emilion le consacre dans la catégorie des Grands Crus Classés, un rang qu’il conserve toujours et qu’il fait mieux qu’honorer grâce à l’investissement consciencieux de ses propriétaires actuels. Venus de Californie, Denise et Stephen Adams l’on ainsi fait entrer dans une nouvelle ère, celle d’une viticulture plus responsable, dont il ne fait nul doute que les bénéfices rejailliront à mesure dans ce qui fonde déjà son insigne personnalité, l’harmonie et la finesse. 

La pleine révélation d’un grand terroir

Remembré au milieu du XIXème siècle, le vignoble de Château Fonplégade s’étend sur la partie sud du plateau de Saint-Emilion, réputé pour la qualité de ses calcaires. Sa configuration en amphithéâtre et sa répartition en de nombreuses parcelles reflètent les grands types de terroirs du saint-émilionnais. D’autre part, une configuration dominante en côte et la présence de sources lui valent un drainage naturel d’autant plus efficace, et atteste de profitables foyers argileux, avec l’heureux contrepoids de parties plus sableuses. 

Observateurs et intervenants s’accordent sur la haute valeur d’un terroir doué par la complémentarité de ses sols, tandis que le plateau calcaire porte haut la valeur de son potentiel. Particulièrement propice au cabernet franc, cette partie éminente du domaine révélera à mesure la finesse de sève à laquelle ses vins sont en voie de prétendre. Une toute récente plantation du cépage servira d’ailleurs cet objectif.

Inhérent à la lointaine renommée de la propriété, un tel terroir ne pourra que gagner dans une exploitation respectueuse de ses sols et de son environnement, celle où l’ont engagé Denise et Stephen Adams depuis son acquisition en 2004. Ainsi, le temps de sa prise en main et d’un profond remaniement des vignes, ils lui obtiennent une certification en agriculture biologique en 2013 et optent pour l’alternative de la biodynamie en 2017.     

Une nature parfaitement orchestrée

Particulièrement assidue, la conduite du vignoble se fait sous la vigilance de Corinne Comme, une conseillère au fait d’une discipline qu’elle partage avec son mari, Jean-Michel Comme, chef de culture et régisseur de Château Pontet-Canet, pionnier dans ce mode cultural au sein des grands crus classés médocains. A Fonplégade, Corinne Comme dispose des moyens que cette viticulture exige et peut ainsi prodiguer ce qu’elle nomme des soins appliqués suivant un zonage précis du parcellaire, et poussés au point de considérer les besoins de chaque pied de vigne. Renforçant ainsi l’identité de chaque cep, cette approche joue en faveur de ce qu’elle nomme une « symphonie » aux accents innombrables. Elle parle aussi « d’homogénéité dans l’hétérogénéité » pour souligner l’heureux paradoxe qu’engendre la maîtrise d’une vision d’ensemble conjugué à celle entourant chaque unité d’un vignoble.

Pour précises qu’elles soient, les préconisations restent ainsi soumises à une approche globale où les éléments naturels sont prépondérants, le facteur de luminosité, souvent négligé, voire ignoré, n’étant pas le moindre dans cette considération. D’autre part, à l’instar du rôle des lanceurs d’alertes, tout un travail d’observation de l’environnement végétal et organique anticipe la problématique des maladies invasives ou des déficiences de la plante.

De nature préventive, cette philosophie du vivant proscrit toute intervention correctrice dans le cycle annuel de la vigne. Aussi, l’effeuillage ou la vendange en vert sont-ils exclus de son mode opératoire. D’autre part, dans son approche holistique, la biodynamie ne s’abstrait pas de la conception du vin, que Corinne Comme perçoit comme un révélateur majeur de sa matière première, à condition que son évaluation se déroule pendant sa phase d’intégrité, à l’issue de sa fermentation alcoolique.

Un sens de la communauté

L’approche biodynamique s’est greffée sans mal dans un vignoble déjà affranchi des traitements systémiques. Elle a été prise en compte en toute logique par Stéphane Derenoncourt, un consultant extérieur très prisé en raison de son discernement à appréhender la notion de terroir. Dans sa mission à Château Fonplégade, il a délégué Romain Bocchio, avec pour tâche d’intégrer ce mode cultural à son protocole d’action globale sur la propriété, mis en place en 2015. « Créer un lien fort entre la vigne et le chai », c’est en ces termes qu’il résume la mission que supervise Romain Gonzalez, en charge de la coordination de l’ensemble des tâches. Fait quelque peu atypique dans la gestion des grands châteaux bordelais, sa fonction recouvre aussi bien celle de chef de culture que celle de maître de chai. Cette position lui permet de mieux conjuguer les différentes compétences, dont les siennes, et non des moindres comme l’expérience de vinifier en levures indigènes.

Entièrement impliquée dans la conduite de sa propriété, Denise Adams porte la plus grande attention à ce qui fait son produit, motivée par l’idéal de s’affranchir des artifices dans sa conception. Dans ce dessein, elle met un point d’honneur à en définir les grandes lignes et à veiller à leur achèvement en donnant tout son sens à un travail d’équipe où chaque acteur reçoit la reconnaissance due à son métier.       

2015, 2016, 2017, crescendo vers un grand style

Ces trois millésimes sont les premiers témoins des changements majeurs opérés dans la conception des vins, consécutive aux partis-pris techniques prônés par l’équipe Derenoncourt. Afin d’assurer un meilleur ancrage dans le terroir, les vinifications ont été revues dans le sens de la mesure, en optimisant l’écho donnée par chaque unité de terroir. En cela, différents types de contenants sont utilisés non sans dextérité, tandis que le mode d’élevage se détache du systématisme entourant l’usage des fûts neufs.

De leur dégustation, il apparaît qu’un terroir conjuguant des qualités complémentaires délivre des expressions stylées où prime l’aspect aromatique et se confirme un potentiel de finesse déjà bien esquissé, et qui devrait se confirmer avec le temps.  

Né d’une année exceptionnelle par son niveau de maturité, le 2015 en restitue l’opulence sans que son profil n’en soit affecté. Sa richesse se ressent en effet dans la nature généreuse et presque confite du fruit, cependant, la sensation de volume y est patente et surprend même par la dynamique qu’elle lui procure. Encore sensible, sa trame tannique paraît garante de sa longévité.

A sa suite, le 2016 reflète une meilleure appréhension d’un millésime presque aussi fastueux, un vin que Raymond Gonzalez qualifie de « vibrant », à juste titre. Cette maîtrise se perçoit dans une remarquable fraîcheur de fruit, que double une texture bien aérée et élégante, formant un tout très harmonieux, servi de surcroît par une structure bien sentie. Bien qu’encore sous le voile de sa jeunesse, le 2017 s’inscrit dans le style de la lignée et semble le renforcer. Il convainc d’autant plus que le caractère spécifique du millésime a permis de gagner en raffinement. On y ressent alors une transparence du fruit encore accrue, ainsi qu’une franchise et une finesse de constitution obtenues sans compromis sur la maturité. N’émergeant qu’en arrière-plan, les tanins font preuve d’une intégration exemplaire.  

L’auteur de l’article :

Diplômé en histoire de l’art, Mohamed Boudellal est journaliste et consultant en vins. Il a écrit pour la presse spécialisée, principalement pour la Revue du Vin de France et d’autres titres comme L’Amateur de Bordeaux, Gault & Millau et Terre de Vins. Il est co-auteur dans l’édition 2016 du « Grand Larousse du Vin ».

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