Côtes de Provence Sainte-Victoire, un vignoble à l’honneur

Côtes de Provence Sainte-Victoire, un vignoble à l’honneur

Avertissement : par souci de confort de lecture, il m’est arrivé d’abréger le nom propre de l’appellation par son attribut « Sainte-Victoire », voire d’utiliser le terme « cru » pour la désigner commodément, sachant que le Cru Sainte-Victoire n’a pas d’existence officielle.

A n’en guère douter, la Montagne Sainte-Victoire est le massif tutélaire des Côtes de Provence dont l’aire a été délimitée dans le piémont qui s’étend du côté de sa majestueuse face Sud. Et c’est tout naturellement, pour ainsi dire, qu’on a gratifié ce vignoble de ce vocable en 2005, lorsqu’il s’est agi de le promouvoir au rang d’appellation d’origine à part entière. Premier secteur des Côtes de Provence à bénéficier d’une telle distinction, il le doit à un terroir bien particulier, avantageant la fraîcheur des vins qui y naissent, un non moindre atout dans une région où le rosé monopolise fortement la production. Elaborés dans un esprit d’émulation et sous des critères plus exigeants que la moyenne des rosés portant le label régional, les vins dans cette couleur s’inscrivent dans un ensemble où l’excellence est la règle et le devoir. De cela, je peux en attester sur la foi d’une dégustation exhaustive des rosés 2021 estampillés Côtes de Provence Saint-Victoire. Bénéficiant également à des rouges, ce statut s’avère cependant moins accompli dans cette catégorie de vins. Mon évaluation a en effet révélé une globalité hétérogène en style et en ambition, dénotant cependant d’expressions sans défaut dans leur équilibre, et attestant pour certaines d’un estimable potentiel de garde. 

Projetée dans les années 1990 à partir de la création de l’Association des Vignerons de la Sainte-Victoire et mise en place une décennie plus tard, la hiérarchisation des Côtes de Provence a été instituée pour mettre en valeur les territoires jugés les plus qualitatifs sur des critères de terroir (sol, climat, pédologie, acquis viti-vinicoles). C’est en l’occurrence plus de 2000 ha sur lesquels on est théoriquement en droit de revendiquer la dénomination complémentaire Sainte-Victoire. Plutôt importante, cette superficie dénote une relative homogénéité et un potentiel qualitatif élevé d’un large périmètre géographique. Façonnant l’identité des vins, ces facteurs de terroir ont été largement « vérifiés » dans les vins dégustés, malgré des provenances sectorielles et des savoir-faire distincts. Exploitée avec mesure et avec soin, sur à peine 500 ha, soit le quart de son potentiel, l’aire de Sainte-Victoire convainc ainsi du bien-fondé de sa distinction.

Un terroir remarquablement doué

Ancré dans la Provence dite calcaire, le terroir de Sainte-Victoire bénéficie des heureuses incidences de cette roche sur la vigne, et conséquemment sur les raisins qui y puisent l’acidité à l’origine de la fraîcheur profilant très sensiblement les vins. Au niveau des sols, ce calcaire compose avec de l’argile pour donner des formations dites communément argilo-calcaires, reconnues pour leur capacité à réguler l’apport hydrique de la plante. Les cailloutis calcaires parsemant le vignoble aident également en cela en atténuant l’évaporation naturelle, cruciale durant la période estivale. Ainsi alimentée, la vigne trouve un équilibre pour une fructification optimale de ses baies, à laquelle concoure un ensoleillement de type méditerranéen d’autant plus propice à sa photosynthèse qu’il est ici très élevé. D’une même nature, le climat environnant est cependant influencé par la proximité de la Montagne Sainte-Victoire, où le fameux Mistral s’exerce par turbulences, mais toujours en prodiguant ses bienfaits pour assainir l’atmosphère et limiter ainsi le développement des maladies cryptogamiques de la vigne. Les autres grands reliefs dominant le sud du vignoble – Mont Aurélien, massif de la Sainte-Baume – influent à leur manière en coupant le vignoble des entrées maritimes, le privant de leur douceur et renforçant dès lors le caractère semi-continental du climat ambiant, si l’on peut dire. Ainsi circonscrite, l’aire des Sainte-Victoire forme une sorte de creuset géo-climatique qui la différencie notablement des autres zones des Côtes de Provence.

D’apparence tabulaire, la topographie du vignoble épouse cependant le piémont de la Montagne Sainte-Victoire suivant une progression en altitude allant d’environ 200 m pour les parties les plus basses, jusqu’à dépasser les 400 m pour celles en coteaux. Cette relative homogénéité, ou du moins cette cohérence du relief d’ensemble cache une grande complexité à l’endroit des sols. En effet, leur composition varie au gré de la présence de sables et de limons, parfois mêlés à de l’argile, déterminant alors leur aptitude à réguler l’eau, et par conséquent l’adéquation sol/cépage. Il en va de même pour les grès argileux, aux vertus drainantes et dont la charge caillouteuse peut s’avérer très importante comparativement à la part de terre fine.

La fraîcheur stylée des Sainte-Victoire

Nonobstant la technicité qui conditionne l’élaboration des rosés de Provence, qu’elle soit inhérente à leur mode d’obtention ou résultant de certaines conventions, surtout concernant leur couleur, le terroir reste envers et contre tout un facteur majeur de leur expression. Ainsi, dans le cas des Sainte-Victoire, l’acidité naturelle contenue dans les raisins, fondement de leur fraîcheur, résulte de conditions de fructification qui doivent tout au terroir, la main de l’homme faisant partie intégrante de cette notion, puisque c’est elle qui en révèle les aptitudes et les exploite à bon escient.

L’exigence attendu des rosés en Sainte-Victoire en matière de profil trouve ainsi dans leur terroir un précieux allié dans le sens où elle doit son accomplissement au paramètre sensoriel majeur qu’est l’acidité. Au-delà du plan analytique, celle-ci se perçoit en toute évidence dans le caractère tonique voire nerveux du fruit, et plus spécialement dans le ton acidulé de son expression, procurant un registre olfactif et gustatif inspirant des notes d’agrumes, là où elles ont le plus d’acuité. Ce sont alors des sensations intenses évoquant surtout le citron, le pomelo, leur écorce ou leur zeste, qui apparaissent comme une constante dans les rosés en appellation Sainte-Victoire. Ce fut en tout cas un constat flagrant de ma dégustation. Cela dit, les rosés atteignant une plus haute expression, dont certains honorent ma sélection, présentent une palette aromatique plus nuancée, faisant que la fraîcheur se perçoit davantage à travers les saveurs, ce qui est après tout l’essentiel, cela en empruntant au registre précité.

La nature des vins rouges ne permet pas de percevoir aussi explicitement les indices de la fraîcheur, laquelle agit cependant bel et bien de manière induite pour façonner leur constitution au bénéfice d’un équilibre achevé. J’ai noté cette constance dans l’ensemble des rouges dégustés, quelle que soit leur niveau d’ambition, l’expressivité étant leur fil conducteur, un caractère d’autant plus remarquable dans un contexte méditerranéen. Cette qualité rassemble d’ailleurs les deux couleurs, épargnant aux rosés un penchant vineux alors qu’ils ne manquent pas de corps pour répondre dignement à leur vocation. Dans tous les cas, la fraîcheur issue de cet équilibre s’apprécie pleinement dans l’ampleur qui encadre les matières, les mettant en valeur par un toucher gracieux, et ajourant au mieux le profil de leur texture.

Vecteurs du terroir, les cépages le transcrivent fidèlement quelle que soit leur nature, les différentes compositions relevées attestent d’une égale réussite dans ce sens, le tandem grenache-cinsault ayant la prédilection de bien des domaines en rosé. Généralement minoritaire dans leur composition, le cinsault se voit parfois remplacé par de la syrah. Si d’autres types d’assemblages sont pratiquées, il reste que toutes les variantes se rassemblent fidèlement autour d’une même identité, celle dont j’ai décrit les traits précédemment. En rouge, syrah et grenache assemblés dans cet ordre quantitatif forment le pivot d’une majorité de cuvées. La priorité donnée à la syrah traduit son excellente acclimatation au secteur de Sainte-Victoire, surtout que certaines de ses vignes atteignent aujourd’hui un âge respectable et un enracinement en conséquence. Et si l’on ne peut pas vraiment parler d’identité les concernant, on décèle tout de même un air de famille dans l’allure des vins ayant pris un peu d’âge. 

Les vignerons à l’honneur

Les domaines et la coopérative honorés dans les lignes qui suivent reflètent un choix délibéré de distinguer en priorité des acteurs dont les vins ont brillé à la fois en rosé et en rouge lors de dégustations successives, la première ayant été effectuée dans l’anonymat. En effet, hormis de rares déceptions, l’ensemble des rosés a largement satisfait mes critères d’appréciation, et il m’aura fallu ajouter un autre critère de sélection au risque devoir citer quasiment tous les acteurs de l’appellation ! Dans cette considération, le fait de s’appliquer à faire du rouge a été celui qui s’imposait pour figurer dans mon « palmarès », les rares exceptions à ce préalable étant des domaines où le rouge en Sainte-Victoire est encore à l’état de projet ou alors produit dans une appellation voisine et valorisante, Palette pour ne pas la nommer.

Je ne reprendrai pas ici la désolante statistique qualifiant la production des rouges en Provence, et me contenterai de plaider pour cette couleur à l’aune des belles expressions que j’ai dégustées. Ainsi, aux mains d’acteurs plutôt aguerris dans la couleur, il s’avère que le terroir de Sainte-Victoire recèlent de grandes aptitudes pour les rouges, pouvant même se mesurer à celles de vignobles de renom. Largement sous-exploité, ce potentiel l’est à l’égal de celui des blancs, qui eux sont dans l’antichambre de l’AOC Sainte-Victoire, hélas pour quelques années encore, l’attentisme proverbial de l’INAO justifiant cette remarque. Cet état de fait ne m’a pas empêché de rendre compte de quelques blancs remarquables, anticipant en cela leur future admission en Côtes de Provence Sainte-Victoire pour enfin constituer la gamme tricolore tant espérée. 

Classement par ordre alphabétique :

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Château Henri Bonnaud

Mas de Cadenet

Château Coussin

Château de la Galinière

Domaine Le Loup Bleu

Domaine de Mauvan

Les Vignerons du Mont Sainte-Victoire

Domaine Saint-Pancrace

Domaine de Saint-Ser

Domaine du Vallon Noir

Afin d’éviter les redites, j’ai volontairement omis de mentionner le millésime des vins cités lorsqu’il s’agit du 2021, c’est qui est le cas de tous les rosés et d’une majorité de blancs.          

Château Henri Bonnaud

Conduite par Stéphane Spitzglous, la propriété a cette particularité unique de figurer sur trois aires en appellation d’origine, Côtes de Provence, Côtes de Provence Sainte-Victoire et Palette. Elle s’étend de surcroît sur des vignes en IGP, dont le vigneron espère à terme un agrément en Côtes de Provence. En Sainte-Victoire, le vigneron exploite actuellement quelques 3 ha, parmi lesquels on distingue une vigne sur un emplacement d’exception, puisque limitrophe du territoire de Palette, une appellation rare dont il n’est pas le moindre de ses orfèvres. C’est dire la valeur des sols dont il dispose pour faire un rosé où seul le cinsault vient apporter sa touche à un grenache souverain. Rompu à l’excellence exigée pour son rosé en Palette, il conçoit son « alter ego » en Sainte-Victoire pour y vanter avec brio la fraîcheur, tout en satisfaisant les critères sensoriels attendus dans sa catégorie. Ses qualités de corps et sa teneur fruitée sont dès lors à l’unisson pour affirmer un grand style.

Rosé 2021

↪ Bien expressif, le nez séduit par une touche de douceur qui surmonte une succession de notes fraîches d’essence ligneuse, évoquant également des senteurs de garrigue, mentholées et d’agrumes.         
L’ampleur et la franchise en bouche témoignent d’une constitution fraîche, tandis que la matière revêt un aspect onctueux en contraste avec l’énergie d’un goût tonique dont les terminaisons acidulées composent à merveille avec une fine dentelle minérale.


585 Chemin de la Poudrière, 13100 Le Tholonet ➤ site internet

Mas de Cadenet

Ce domaine constitue en quelque sorte l’épicentre des Côtes de Provence Sainte-Victoire, Guy Négrel, son vigneron ayant été en son temps l’initiateur de l’appellation par sa forte implication dans les instances viti-vinicoles de la région. Aujourd’hui retiré, il a légué à ses enfants, Maud et Matthieu, une propriété exemplaire à bien des égards, très largement impliquée dans le « cru » Sainte-Victoire, et en premier lieu par un vignoble exploité majoritairement à son profit, pour les deux-tiers de sa superficie. L’engagement inconditionnel de Guy Négrel pour la valorisation des Côtes de Provence s’entend aujourd’hui à travers les propos de Matthieu, lequel m’a reçu en s’exprimant dans un même esprit, par égard pour tous ses acteurs, procédant en cela à une analyse fine et fondée de la situation présente. Il se déclare ainsi satisfait du cheminement du rosé, a fortiori à travers le statut qu’il a acquis sous la bannière des Sainte-Victoire, parlant d’un « effet d’anoblissement de la couleur ». Concernant ce label d’excellence, il ne le considère pas seulement sous l’angle de l’exigence qui entoure son attribution, mais encore sous une notion de terroir en déclarant sa défiance des rosés dits « technologiques », n’ayant pas lieu d’être ainsi conçus quand il s’agit de se prévaloir d’une authenticité. Le rosé en Sainte-Victoire du domaine respecte d’ailleurs cette approche et plutôt fidèlement, puisqu’il s’agit d’une expression au caractère minéral marqué, celui sous-jacent inhérent à sa constitution, à l’origine de sa fraîcheur proverbiale, et celui plus ostensible que l’on perçoit nettement à travers les notes salines des flaveurs. Quant au rendu du fruit, c’est d’une manière atypique qu’il se ressent, tout en nuances et sur un registre floral, suggérant même des plantes aromatiques. Proche en conception, le blanc préfigure un beau spécimen de ce que pourrait être un Sainte-Victoire dans la couleur, toujours dans un style sans emphase, dont l’accomplissement doit beaucoup à des pieds de rolle bientôt centenaires.

Le rouge, on sait le faire ici depuis longtemps, Guy Négrel ayant mis tout son métier dans l’élaboration d’une cuvée ambitieuse, l’emblématique « Mas Négrel Cadenet » rebaptisée aujourd’hui « Grand Garde ». Celle-ci fait toujours la fierté du domaine et reste au firmament de l’appellation, et sur la foi de son 2017, répond, on ne peut mieux, à la vocation qu’elle affiche explicitement, celle d’un vin de garde dans tout son achèvement. Dans ce même millésime, bien que profilée en demi corps, la cuvée éponyme du domaine tient de son aînée un côté savamment structuré tout en se prévalant de ses propres qualités, notamment d’un équilibre sensationnel, à la source de sa grande amplitude et d’une texture autant juteuse que savoureuse.   

Rosé 2021

↪ Tout en fraîcheur et délicatesse, le nez laisse filtrer une note saline de nature minérale tout en exhalant une douceur florale parsemée d’herbes aromatiques (thym, romarin) et d’un soupçon d’agrumes.
Équilibrée au point de donner l’impression d’être dépourvue d’effet pondéral, la bouche s’apprécie par son ampleur et un toucher de matière particulièrement raffiné, en s’exprimant à travers un fruit qui ne l’est pas moins, en écho aux nuances olfactives. A peine matérialisée, la minéralité souligne harmonieusement ce bien beau tableau.

Rouge « Grande Garde » 2017

↪ Au nez, boisé et fruit s’allient à merveille au profit d’un bouquet épicé particulièrement suave.
En bouche, l’équilibre atteint une forme de perfection et engendre une impression de volume, où la matière gagne toute sa grâce et forme le creuset d’un goût profond en parfait écho aux arômes. Imprégnés de la nature délectable du fruit, des tanins raffinés et soyeux ajoutent à sa classe.


Chemin D 57, 13530 Trets-en-Provence ➤ site internet

Château Coussin

Il s’agit de la propriété phare de la famille Sumeire, bien investie sur cette zone des Côtes de Provence, où elle possède d’ailleurs un autre domaine classé en Sainte-Victoire, Château Maupague. Géré en famille dans un esprit très solidaire, Château Coussin l’est aujourd’hui par Olivier et sa sœur Sophie, qui supervisent en tandem l’ensemble de ses activités. Etendu sur la commune de Trets, le vignoble de Château Coussin est le plus vaste de l’aire des Côtes de Provence encadrant l’aire délimitée en Sainte-Victoire, où se trouve la moitié de ses surfaces. Les vins sous ce label répondent à deux conceptions, concrétisées par deux gammes distinctes, l’une éponyme du domaine, la plus représentative de son savoir-faire, et l’autre arborant l’étiquette « César à Sumeire », en hommage au sculpteur César et, comme il se doit, synonyme d’excellence.

Partie prenante de ses cuvées Sainte-Victoire, « Château Coussin » blanc est ainsi prémoniteur de son futur statut en s’harmonisant avec le niveau de qualité de ses homologues en rouge et en rosé. Le rolle, cépage le composant exclusivement, est manié ici avec adresse au bénéfice d’une expression où les dimensions fruitées et minérales forment un accord parfait. Jouant davantage le fond que la forme, sans caractère exubérant, il serait dans le droit fil d’un Sainte-Victoire blanc.

Le rosé « Château Coussin » incarne la fraîcheur à son paroxysme, laquelle « aspire » l’effet de matière et laisse libre cours à l’expression d’un fruit tonique qui rime à point nommé avec le caractère vif de l’ensemble. Assurément un bel archétype du genre. Déclinée en cuvée « César à Sumeire », la couleur est interprétée de manière ambitieuse et bien distincte, sans recherche notable d’expressivité, avec un sens certain du raffinement. Une courte plongée dans le temps permet d’ailleurs d’apprécier les subtilités aromatiques et la délicatesse de texture que l’on entrevoit dans un 2021 à l’aube de son épanouissement. Un même duo caractérise les rouges signés Sainte-Victoire, avec respectivement un « Château Coussin » et sa vocation de vin plaisir, et un « César » dont l’appréciation se mérite, puisque sciemment élaboré pour la garde et assumé comme tel, le domaine mettant un point d’honneur à proposer actuellement son 2017. Significatif du savoir-faire du domaine, le premier affiche une belle identité de vin provençal, avec ses flaveurs suggestives de garrigue, qu’un 2020 dispense dans une livrée élégante et ajustée pour une garde moyenne.

Rosé 2021

↪ Encore sur la retenue, le nez laisse cependant sur une sensation séduisante et fraîche, inspirée par un accent mentholé et un fruit comme le kiwi, tout en laissant perler de subtiles notes framboisées.
Remarquablement agencée, la bouche est captée par une dynamique d’expression qui exalte une matière à la texture juteuse et salivante, en accord avec des saveurs vivaces qui se prolongent jusqu’à imprégner une tendre ponctuation minérale.

Rouge 2020

↪ L’approche aromatique est veloutée et fraîche, et laisse échapper un ton parfumé de violette qui nourrit un complexe fruité engageant : garrigue, olive verte, tapenade.
Une sensation d’ampleur esquisse la bouche et fonde un équilibre sur élégance, favorable à la pleine perception d’essences évocatrices de garrigue, sapides et charmeuses, qui s’expriment dans un contexte finement structuré suivant les signes favorables d’un vin en devenir.


1048 Chemin de Coussin, 13530 Trets-en-Provence ➤ site internet

Château de la Galinière

Propriété des Grands Chais de France depuis 2016, ce domaine incarne son ancrage en Provence, et bénéficie de la longue expérience de Solange Dremière, qui le supervise tout comme les propriétés languedociennes et rhodaniennes du groupe. Agissant de ce fait sur plusieurs régions, elle m’a avoué avoir été subjuguée par les dons de son terroir, ceux qui transparaissent dans son produit, a fortiori quand il est issu d’un mode exploitation en bio depuis bientôt dix ans. Son vignoble s’étend sur deux pôles bien distincts, celui entourant la cave étant le seul classé en Côtes de Provence, dont environ le tiers de ses 35 ha est en Sainte-Victoire. L’ensemble est d’un seul tenant et formé de sols homogènes, particuliers en ce sens qu’ils sont composés d’argiles et d’oxydes de fer, reconnaissables à la couleur rouge caractéristique de son secteur. L’autre partie du domaine, constituée de jeunes vignes et à présent en IGP, pourrait à long terme être classée en Sainte-Victoire. Sa situation avantageuse en altitude, sur le plateau du Cengle et des sols adéquats autoriseraient à l’envisager.

Ici, comme d’ailleurs dans les domaines qui s’y appliquent, le blanc pourrait à juste titre prétendre au label supérieur le jour où il sera effectif pour cette couleur. Une fraîcheur conquérante et faite fruit, évoquant du citron confit, et une maturité des raisins faite gourmandise, plaideraient aisément dans ce sens. En Sainte-Victoire, le domaine ne produit pas encore de rouge et consacre toutes ses vignes à un rosé qui rassemble équitablement tous les cépages canoniques de la Provence et plus marginalement du cabernet-sauvignon. Son expression se distingue du style dominant en faisant valoir des flaveurs affriolantes de fruits tropicaux. Pour le reste, il rejoint le schéma distinguant un rosé accompli dans le cru, avec une riche teneur en matière et en goût, et une signature minérale distinctive. 

Rosé 2021

↪ Élégant et séducteur, le nez allie des notes douces de fruits tropicaux (mangue/ananas) et d’autres inspirant de la fraîcheur (agrumes, kiwi).
L’élan de fraîcheur profilant la bouche l’allège de sa nature étoffée et légèrement enrobée, et agit au bénéficie de l’expression persistante d’un fruit gourmand et salivant, perçu comme une heureuse combinaison des arômes. Discret, l’impact minéral se ressent à travers une touche de noble astringence.


RD7n, 13790 Châteauneuf-le-Rouge ➤ site internet

Domaine Le Loup Bleu

Avec moins de 10 ha, il s’agit du plus petit domaine en superficie sur l’aire de Sainte-Victoire, dans laquelle il est entièrement classé en théorie. Il a été fondé en 2012 par Marc et Sylvie Dubois au lieu-dit Piconin, une sorte de petit hameau entouré de vignes, situé sur la commune de Puyloubier. Depuis, leur fille Caroline les a rejoints dans leur nouveau départ. Le vignoble acquis a nécessité un remaniement complet, avec d’immanquables arrachages, des replantations et tout le soin porté à de vieilles vignes, qui s’avèreront providentielles, spécialement pour la qualité de leur rouge. Mesurée en surface, son exploitation en Sainte-Victoire traduit leur volonté d’en faire des cuvées dignes d’un « cru », bien que leurs Côtes de Provence n’en soient pas de flagrants diminutifs. Pour preuve, le blanc « Vol de Nuit » se perçoit comme une expression achevée dans la couleur. Tout en équilibre, sans exubérance ni défaut de fraîcheur, nuancé dans ses arômes, d’un goût engageant et souligné d’un trait minéral, il possède un caractère et des qualités susceptibles d’en faire un virtuel Sainte-Victoire blanc. Cela dit, son synonyme en rosé, également en Côtes de Provence, est conçu comme un vin convivial, son profil tonique et désaltérant invitant à des moments partagés sans manières.

Gratifiées d’un intitulé qui emprunte également à l’univers de Saint-Exupéry, les cuvées « Croix du Sud » signent ainsi leur appartenance au cercle des Sainte-Victoire, et le font brillamment. Du grenache épaulé par de la syrah engendrent un rosé d’une fraîcheur saisissante, aromatique à souhait et exprimant sa riche matière sans effusion, sur un ton subtilement nerveux et sapide. Une partie de ses vertus le doit à une parcelle de vieilles vignes unique par sa constitution sableuse, laquelle concoure d’ailleurs au rouge « Croix du Sud », et probablement à sa finesse, particulièrement appréciable dans son millésime 2019. A l’inverse de son homologue en rosé, ce rouge est largement dominé par de la syrah, dont toute la fougue modèle un 2020 encore dans la réserve propre à sa jeunesse, d’une chair pulpeuse et structuré avec justesse. A peine plus âgé, le 2019 dévoile de manière bien plus éloquente le style de la cuvée, et surtout son potentiel de finesse, dans une ambiance aromatique mieux définie et un contexte de fraîcheur plus affirmé. 

Rosé « Croix du Sud » 2021

↪ Un drapé de fraîcheur poudré d’impulsions minérales enveloppe des senteurs finement mentholées et acidulées comme de l’écorce d’agrume.
Perçue dans toute son ampleur, la bouche atteste d’un équilibre pour le moins remarquable, lequel sublime le toucher de sa matière pour en souligner avec grâce les contours. A l’agrément de cette sensation s’ajoute celui d’un complexe fruité tonique, empruntant aux arômes et faisant littéralement saliver, tandis qu’une minéralité d’impression saline vient ponctuer l’ensemble de sa nature sapide.


Piconin, 13114 Puyloubier ➤ site internet

Domaine de Mauvan

Conduit par Gaëlle Maclou et situé sur la commune de Puyloubier, le vignoble du Domaine de Mauvan bénéficie d’un environnement diversifié qui lui est propre, constitué d’un bois où le chêne kermès a repris ses droits et de cultures céréalières. Outre cette biodiversité, l’âge élevé des vignes est un autre de ses atouts, puisque nombre d’entre elles sont cinquantenaires, et notamment des syrahs parmi les plus anciennes introduites en Provence. Quant au terroir qui les accueille, sa valeur fait qu’il est entièrement classé en Sainte-Victoire et très majoritairement exploité comme tel, sur environ 20 ha des 26 que compte le vignoble. A l’instar de bien des acteurs sur l’appellation, notre vigneronne ne met en bouteilles qu’une partie mineure de ses vins, avec l’ambition de valoriser à travers eux l’enseigne du domaine.  

Consciente de ses acquis et soucieuse de préserver une identité à ses vins, Gaëlle se garde des produits issus de techniques ostensibles et, dans ses tâches, préfère agir avec mesure et discernement. Ainsi pour son blanc issu du seul cépage rolle, qu’elle veille à récolter à la maturité appropriée afin de préserver son capital de fraîcheur. Moyennant cette précaution, l’année 2020 a engendré un vin cristallin, fleurant l’agrume, équilibré dans sa consistance et d’une assise minérale reflétant le terroir de Sainte-Victoire, une origine qu’il mériterait d’afficher si cela était autorisé. Dans l’état actuel du décret, il doit se contenter du statut de Côtes de Provence, appellation qu’elle honore par des vins d’une allure bien distincte de ses Sainte-Victoire. Ainsi en rosé, avec un Côtes de Provence où le cinsault domine à l’avantage d’un profil résolument frais, désaltérant à souhait, bien différent en composition et en style de son homologue en Sainte-Victoire. Celui-ci résulte d’un assemblage de grenache et de syrah, et se distingue de son cadet par une large palette aromatique et de belles qualités de corps, tout en partageant avec lui une enveloppe minérale aux ramifications soyeuses.

Un même duo caractérise les rouges, avec un Côtes de Provence fondé sur du cabernet-sauvignon, cépage marginalisé en Sainte-Victoire dont le produit marie ici une majorité de syrah avec du grenache. Proposés tous deux dans le millésime 2015, ils confondent par la vitalité qu’ils ont préservée au fil des ans. Leur différence tient à la vocation qu’inspire respectivement un vin plaisir, frais et charmeur, et un vin de délectation, ressenti comme un bel archétype de rouge en Sainte-Victoire, exemplaire pour sa tenue dans le temps.

Rosé 2021

↪ Le nez est animé d’agréables variations aromatiques, tour à tour ligneuses, d’une fraîcheur incisive (kiwi/agrumes) et d’un fruit succulent (pêche).
Conjuguant harmonieusement ampleur et matière, la bouche témoigne d’un équilibre achevé faisant qu’elle se délie en un jus rendu littéralement pénétrant par l’intensité de saveurs d’agrumes où s’infiltre un subtil accent framboisé. Magnifiquement intégré à son corps, l’aspect minéral s’y diffuse par un grain velouté.

Rouge 2015

↪ Proprement rayonnant, son nez délivre toute une palette d’arômes boisés, poivrés/épicés, de fruits noirs (mûre) et subtilement réglissés.
Un état de plénitude qualifie une bouche aux formes bien senties, agréablement tactile puis coulante sur une fusion de saveurs intenses et rémanentes en jouant sur le complexe aromatique. Des tanins fondants et goûteux signent une expression joliment épanouie.


RD7n, 13114 Puyloubier

Les Vignerons du Mont Sainte-Victoire

C’est son directeur, Jean-Claude Lopez qui me reçoit dans la boutique de cette coopérative presque centenaire, puisque fondée en 1924 dans le village de Puyloubier. Il s’agit de l’unique vitrine de ses vins, puisque la presque totalité de sa production est destinée à fournit les plus grandes marques ambassadrices de la Provence, de celles qui font sa renommée planétaire. C’est dire la reconnaissance dont elle bénéficie, et incidemment le terroir de la Sainte-Victoire, car les deux-tiers de ses vignes sont classées sous ce label. Cela dit, seule une cinquantaine d’hectares, soit moins de 10 % des surfaces, sont exploitées en Côtes de Provence Sainte-Victoire. Il s’agit toutefois de parcelles choisies pour être les plus aptes à honorer la qualité de l’appellation, situées plutôt en coteau. Une bonne partie de leur produit est embouteillée par ses soins et constitue la gamme « Palaeos », formée évidemment d’un rosé et très marginalement d’un rouge. Le premier, composé classiquement de grenache et de cinsault avec une pointe de syrah, respire le raffinement et présente non sans faste le profil étoffé et la teneur attendus d’un rosé signé Sainte-Victoire. Ses qualités n’ont dès lors rien à envier à celles d’un produit équivalent issu d’un domaine. Il faut souligner que « Palaeos » rosé n’incarne pas toute l’ambition de la coopérative, qui réserve le meilleur de sa technique à « Confidence », une cuvée assurément flatteuse, mais au détriment d’un ancrage à son terroir. Plutôt confidentiel, le rouge en Sainte-Victoire joue essentiellement la carte de la syrah, dont il rend toute l’énergie dans un contexte de fraîcheur et de souplesse, sans oublier d’être savoureux. Actuellement proposé, le 2019 laisse pleinement apprécier ses vertus, sans susciter le besoin de spéculer sur sa date d’épanouissement.

Rosé « Palaeos » 2021

↪ Un léger voile minéral rend les arômes diffus et leur confère de l’élégance sur un registre subtil et frais où l’on distingue des senteurs mêlées d’agrumes, de notes pâtissières (fraisier) et florales, particulièrement séduisantes.
Résolument ample, la bouche fait surtout valoir des qualités de corps par une matière volontiers onctueuse, d’un goût riche et net, à la fois gourmand et tonique, attrayant et rémanent sur le zeste d’agrumes. La minéralité manifeste sa présence en resserrant légèrement les papilles sans inconvénient.

Rouge « Palaeos » 2019

↪ Le nez dispense d’emblée un air savoureux : poivre noir, torréfaction, et détaille parfaitement les marqueurs de la syrah qui le compose principalement, sur des notes de violette, d’olive noire, de réglisse.
Ample et bien équilibrée, la bouche fait apprécier son étoffe et sa souplesse avant de s’écouler en un jus délicieux aux saveurs transposées des arômes, en plus gourmandes. Ourlé de tanins fins et enrobés, l’ensemble s’épanouit sans entrave, dans un style de vin plaisir.


63 Avenue d’Aix, 13114 Puyloubier ➤ site internet

Domaine Saint-Pancrace

C’est une chapelle se trouvant au milieu de ses vignes qui lui a donné son nom, un édifice datant probablement des premiers temps chrétiens, dont l’existence est en tout cas attestée en 1045. Antérieurement, l’endroit était occupé par une villa gallo-romaine, où la vigne était sans doute cultivée. C’est donc sur ces traces immémoriales que cette plante a repris ses droits, en l’occurrence sous la houlette de Noémie Guez, une jeune vigneronne qui a repris ce domaine en 2016, alors dans un environnement coopératif. Elle l’a depuis doté d’une cave spacieuse et fonctionnelle, et fait évaluer le potentiel pédologique* de son vignoble en vue d’une détermination précise du terroir dont elle a hérité. Entreprise dès son installation, la conversion en bio est effective depuis 2020, faisant que seul son tout premier millésime, le 2019, n’est pas certifié comme tel. Sur la vingtaine d’hectares de vignes exploitées, un peu moins de la moitié bénéficie du classement en Sainte-Victoire.

Dans la perspective de voir un jour son blanc agréé dans la catégorie supérieure aux Côtes de Provence, elle l’élabore avec exigence à partir de vieilles vignes de clairette, celles qui dominent largement de leur sève l’expression du 2021, alors qu’elles ne sont qu’à parité dans sa composition. L’âge des vignes apparaît d’ailleurs comme un facteur majeur dans la réussite de ses vins, comme ces cinsaults dépassant le demi-siècle, qui concourent à l’expressivité et aux riches saveurs de son rosé en Sainte-Victoire ; grenache et syrah l’épaulant efficacement dans ce sens. Quant à son homologue en rouge, ce sont des syrahs plantées en 1980, parmi les plus vénérables de la région, qui y insufflent leur fougue tout en le modelant d’une finesse consécutive à un rendement minime de ces vignes. Outre la vertu de l’âge, il y a celle du terroir où elles croissent, à savoir des grès calcaires, de ceux qu’on trouve sur la colline du fameux cru de l’Hermitage. Faisant valoir de mêmes qualités de puissance, de structure et de finesse, le 2019 et le 2020 diffèrent cependant en style, l’élevage étant mieux ajusté dans ce dernier au bénéfice de la pureté du fruit.

Rosé 2021

↪ Très fraîche, son approche aromatique se traduit par un air mentholé et de jolies notes acidulées comme du zeste de citron.
En bouche, la sensation d’ampleur a pour effet de restreindre opportunément l’effet de corps et d’enjoliver la perception d’un goût très persistant défini à l’instar des arômes, davantage porté sur leur caractère nerveux. Perçue à travers un grain délicat, la minéralité ne dépare en rien son appréciation.

* La pédologie est une science qui étudie la formation et l’évolution des sols en faisant intervenir plusieurs disciplines pour déterminer leurs aptitudes, comme entre autres leur fertilité.


Campagne Saint-Pancrace, 13114 Puyloubier ➤ site internet

Domaine de Saint-Ser

Depuis le village de Puyloubier, la route guidant vers les sommets croise ses vignes à mi-coteau, à environ 400 m d’altitude, l’endroit le plus élevé de l’appellation Sainte-Victoire. Ce n’est pas la seule singularité du domaine, car pratiquement toute son importante superficie est incluse dans l’aire d’appellation et exploitée en conséquence, la plupart des vins étant revendiqué de son cru. En outre, depuis son acquisition en 2006 par Jacqueline Guichot, il est conduit en biodynamie, un mode cultural faisant que sa production doit être apprécié à l’aune du faible rendement de ses vignes. La teneur de ses vins s’en ressent d’ailleurs positivement. Parmi les nombreuses cuvées qui y sont élaborées, peu d’entre elles sont dépourvues de la mention Sainte-Victoire, et presque toujours pour des motifs règlementaires. C’est évidemment le cas de ses blancs, dont la « Cuvée Prestige » pourrait préfigurer un digne exemplaire d’une appellation qui serait élargie à cette couleur. En tout cas, l’élégante expressivité d’un 2020 plaiderait en faveur de l’extension du décret à des blancs d’un telle allure. En rouge, c’est la présence de cabernet-sauvignon excédant la proportion admise qui exclue deux des trois cuvées à une revendication en Sainte-Victoire.

Vocation première du domaine, comme tous ses homologues, le rosé se décline ici en pas moins de trois cuvées, qui toutes sont conçues au stade de leur assemblage et non à partir de vignes qui leur sont consacrées, excepté pour la « Cuvée de l’Ermite », issu des parcelles les plus en altitude de son vignoble. De loin la plus produite d’entre elles, la « Cuvée Prestige » joue la synergie des cinsault, grenache et syrah, assemblés à part égales au profit d’une expression à l’équilibre achevé, alliant charme et fraîcheur, sans manquer de corps. Tel apparaît un 2020 dans la plénitude de ses qualités, alors que ce millésime est considéré comme révolu dans la bienséance qui régente la consommation du rosé. Plus ambitieuse en style, la « Cuvée de l’Ermite » allie une part de rolle, un cépage blanc, à ses principaux constituants, du cinsault et surtout du grenache, cela en vue de lui procurer davantage de corps, de nuances aromatiques et de profondeur de goût. Là encore, c’est un 2020 qui témoigne des différences ainsi relevées. Plus marginale est « Petit Folie », un rosé dont l’intitulé est un euphémisme, car conçu comme un grand vin, « dans l’esprit d’un blanc » selon son auteure. Le cinsault domine sa composition, le grenache le secondant, alors qu’une pointe de sémillon, autre cépage blanc, agit en guise de condiment. Sur la foi d’un 2020, cette cuvée se caractérise par une expression luxuriante doublée d’un fruit d’une rare complexité. Dans cet achèvement, il faut également voir une élaboration très spécifique effectuée dans une jarre en grès.

Si Jacqueline Guichot prône la confection de rosés moins primesautiers, s’agissant de la catégorie Sainte-Victoire, elle abonde davantage dans ce sens en matière de rouge en s’astreignant à les conserver jusqu’à leur épanouissement. Et c’est ainsi qu’elle propose aujourd’hui un 2015 dans la gamme « Prestige », dédiée à ses cuvées les plus emblématiques. Dans ce millésime prêt à boire, syrah, grenache et un peu de cabernet-sauvignon concurrent à un vin d’allure longiligne, dont le profil élancé le doit à la trame de fraîcheur qui fraye opportunément sa substance. Entièrement élaboré en amphore de terre cuite, comme son nom l’indique, « Dolia » est un autre rouge qui peut s’apprécier jeune, ainsi qu’en témoigne un 2019 gorgé de fruit et comblé d’une matière succulente qui gagnera cependant à s’affiner avec le temps.   

Rosé « Prestige » 2021

↪ En éveil, les arômes dévoilent progressivement un éventail de sensations ligneuses, fraîches, salines, avant de pointer un aspect floral, et de muer en un fruit séduisant, à l’instar de celui d’un fraisier.
Littéralement dynamisée par de la fraîcheur, la bouche fascine par son modelé, tandis que s’y exprime un goût remarquablement pénétrant et séveux, où des émergences à peine acidulées fondent la sapidité. L’ancrage à son terroir a l’aspect d’un tanin tendre et bien aggloméré.

Rouge « Dolia » 2019

↪ Vibrant et velouté, le premier nez exhale des senteurs rappelant une douceur de fruits en compote, des épices douces comme le paprika, du poivre gris, avant de converger vers un air envoûtant de garrigue.
D’une expression franche, la bouche s’avère en contraste riche et concentrée sans que son équilibre en pâtisse, faisant jus d’une texture reproduisant la synthèse des arômes. Des tanins encore alertes concluent d’un toucher soyeux ce vin d’épicurien.


Route Cézanne RD17, 13114 Puyloubier ➤ site internet

Domaine du Vallon Noir

En arrivant à l’endroit de sa cave, dans le village de Pourrières, l’enseigne du Domaine Vounière était encore en place. C’est là que m’accueillent les frères Aurélien et Julien Dragon en m’expliquant cet heureux hiatus, à savoir qu’ils ont pris le relais de leur père Christian en rebaptisant tout simplement le domaine par sa traduction du provençal. Ils l’ont ainsi repris en 2020 en y travaillant en symbiose, Aurélien insiste d’ailleurs sur ce terme pour souligner la complicité qui les unit dans sa conduite. Il faut dire que le legs en appellerait à cette cohésion, s’agissant d’une propriété exploitée en bio depuis 1994, et en cela véritablement pionnière dans toute la Provence. Ce n’est pas tout, puisque les préceptes de la biodynamie y sont appliqués depuis 2015, sans toutefois être encore certifiés. Fruits de convictions, ces orientations ont été d’autant mieux mises en œuvre que son vignoble est vraiment à taille humaine, ne totalisant qu’une quinzaine d’hectares, soit l’un des plus petits en superficie sur l’aire de Sainte-Victoire. Paradoxalement, il figure parmi les plus investis en proportion dans cette appellation, puisqu’il lui consacre les deux tiers de ses surfaces, exclusivement en rosé, étant donné qu’il ne produit pas de rouge satisfaisant à ses critères.

Son rosé en Sainte-Victoire forme avec une cuvée en blanc la gamme « Symbiose », inédite dans son histoire, s’agissant du premier millésime élaboré par Aurélien et Julien, donc en 2021. Le style des vins est en rupture avec le parti de haute maturité adopté jusque-là par leur père, faisant que les vins titrent seulement 12,5 % vol. dans leur ensemble, y compris en rouge, tout à l’avantage d’un profil frais et digeste. Ce choix n’en fait pas pour autant des expressions bridées, ce que démontre brillamment le rosé « Symbiose », dont les qualités de corps et le goût intense le situent au moins à l’égal des plus éloquents d’entre eux sur ces critères. En tout cas, il revêt ainsi un caractère désaltérant que bien de ses semblables n’atteignent pas à ce degré.   

Quant à un rouge en Sainte-Victoire, sa conception est encore à l’état de projet, mais elle ne sera pas dans le sillage du « Régal des Merles », le vin paternel le plus accompli dans la couleur. Fait du seul merlot et généreux à souhait, il ne répond ni au cahier des charges de l’appellation ni aux nouvelles orientations du domaine. Gageons qu’on y retrouvera la maestria caractérisant la conception du blanc et du rosé « Symbiose ».

Rosé 2021

↪ Son nez est doué de fragrances suaves d’une rare complexité où se conjuguent des notes minérales, de bergamote, de laurier, d’écorce d’orange, voire pâtissières !
Nantie d’un équilibre parfait pour une vocation désaltérante, la bouche paraît comme délestée de sa substance et exprime sa fraîcheur avec faste, à point nommé pour apprécier un goût sans pareil résultant de la fusion des arômes. Pour ne rien gâter, la minéralité y agit délicatement de son fin tracé.


9 Route de Pourcieux, 83910 Pourrières

La Montagne Saint-Victoire vue de la Campagne Saint-Pancrace (Puyloubier)


Je tiens à remercier l’Association des Vignerons de la Sainte-Victoire pour l’ensemble de son concours à cette publication.

Crédit photos : Serge Chapuis

L’auteur de l’article : Diplômé en histoire de l’art, Mohamed Boudellal est journaliste et consultant en vins. Il a écrit pour la presse spécialisée, principalement pour la Revue du Vin de France et d’autres titres comme L’Amateur de Bordeaux, Gault & Millau et Terre de Vins. Co-auteur dans l’édition 2016 du « Grand Larousse du Vin ».

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