La success story des Côtes de Gascogne

La success story des Côtes de Gascogne

Les Côtes de Gascogne sont nées d’une crise, celle de l’Armagnac, et de l’initiative de quelques producteurs intuitifs à la fin des années 1980. Trente ans plus tard, cet IGP du Sud-Ouest affiche une santé insolente.

Tariquet, le précurseur

Bienvenue dans le Gers, pays de bourgs et de bourgades, de coteaux et de vallons, de céréales, de foie gras et d’Armagnac. Il manquait à la panoplie gourmande de ce département de cocagne des vins dignes de ce nom. C’est chose faite avec la promotion récente des Côtes de Saint-Mont en AOC, et surtout avec la belle santé des Côtes de Gascogne, un simple vin de pays (ou IGP) parti à la conquête du monde. Tout cela est né d’un malheur, la crise de l’Armagnac et d’un océan de vignes dont on ne savait plus que faire, et d’un coup de maître, celui de la famille Grassa. En 1982 Yves et Maïté Grassa, qui ont repris le domaine familial du Tariquet dix ans auparavant, font le pari des vins secs en utilisant ce dont ils disposent, à savoir les cépages blancs locaux.

De son passage à l’Université de Davis au Californie et d’une conférence de Denis Dubourdieu, autorité bordelaise en matière de vins blancs, Yves Grassa avait retenu les vertus des vinifications à basse température. Il y a ajouté quelques secrets de fabrication maison, tels l’inertage de la vendange (protection contre l’oxydation par du gaz carbonqieu congelé) et un travail très pointu sur l’extraction des arômes. Autant d’ingrédients essentiels à la réussite éclair de sa cuvée « Classic », sortie en 1982, pur ugni blanc à ses début, et qui installe un style de vin blanc léger, aromatique, immédiatement séduisant, vendu une poignée d’euros, aussi facile à boire que simple à comprendre.

Primé à Londres, la mayonnaise prend au-delà de ses espérances et le « classic » devient un must en Angleterre. 30 ans plus tard, Tariquet, c’est 900 ha de vignes, autrement dit un empire à l’échelle de la France, une gamme qui s’est considérablement étoffée et une marque mondialement distribuée qui a entraîné dans son sillage toute une région.

Une recette à succès

Sur les 20 000 de vignes gasconnes, les deux-tiers sont désormais dédiés aux Côtes de Gascogne. Les deux domaines précurseurs, Tariquet et la coopérative de Plaimont, avec sa cuvée Colombelle, ont fait des émules : ils sont aujourd’hui 200 producteurs indépendants, et 900 viticulteurs qui fournissent en raisins les coopératives et les négociants. Les quelques hectolitres des débuts sont devenus une marée : 90 millions de bouteilles, exportées à 70%, dont une touche de vins rouges, des rosés en ascension et surtout des vins blancs (85%) dont la formule magique est résumée par Bernard Bonnet, président de l’interprofession, « des vins faciles à boire, parfumés, pas chers et adaptés à beaucoup de types de cuisine ». Ce sont des vins dits techniques, proches du cépage et dont la réussite tient moins à la subtile compréhension des terroirs locaux qu’à la qualité de l’équipement et à la rigueur des vinifications.

Produire un bon cotes de gasconne répond à un cahier des charges standard, qui n’empêche pas les expérimentions. Les cépages d’abord : le colombard en vedette, pour la fraîcheur et les arômes, l’ugni blanc qui tempère le premier et apporte de la structure et un peu de longueur, et désormais, les sauvignons et mansengs, plantés plus récemment, et dont les profils aromatiques conviennent parfaitement au style maison. Ces nouvelles plantations sont en train d’élargir la palette de la production locale. Ensuite, une chaîne du froid qu’il faut maintenir tout au long du processus : vendanges nocturnes à la machine, pressurage pneumatique, fermentations en cuve à basse température, et un court élevage sur lies en cuves. Le but : conserver l’éclat des arômes et la fraîcheur du vin en évitant toute oxydation des jus. Si cet équipement à un coût, le financement est assuré par une heureusement combinaison entre succès commercial et rendements : 80 hl c’est ici la moyenne, et on ne s’en cache pas. Bernard Bonnet explique que pour le type de vin recherché, c’est même un atout, « on ne cherche pas la concentration mais la légèreté, et ces niveaux de rendements permettent une bonne extraction des thiols ». Ce terme qui sortait peu des laboratoires d’œnologie est maintenant sur toutes les lèvres gasconnes : les thiols variétaux sont ces composés volatils responsables des arômes libérés lors de la fermentation et qui fleurent bon et fort les agrumes, les fruits exotiques ou le végétal (buis, gazon).

Les cépages locaux, colombard en tête mais aussi les mansengs et le sauvignon, sont particulièrement riches de ces précurseurs d’arômes.

Dans le verre

Une dégustation d’une quarantaine de cuvées, issues du millésime 2014, et fraîchement sorties des cuves, a eu lieu à Paris en avril 2015. Entre 4 et 5 euros (prix France), on ne cherche pas la « minéralité tendue » ou la complexité, encore moins la capacité de garde, mais le goût du fruit et un équilibre qui est plus subtil à trouver. Entre les vins, c’est une variation ténue sur un même thème et la prime va à ceux qui associent à une fraîcheur désaltérante mais pas agressive, des arômes aussi expansifs que nets. Parmi les vins secs, dont beaucoup possèdent en fait un peu de sucre résiduel (pour arrondir l’acidité et attiser la gourmandise du fruit), j’ai aimé le n°3 du domaine Uby, l’Envie de Joy (domaine de Joy), le colombard/ugni blanc du Domaine de l’Herré et, un ton au-dessus des autres, les Terres Blanches du domaine du Chiroulet, le plus subtil et élégant de la série. Avec les variétés de la famille des mansengs (petit et gros), les vignerons produisent aussi des vins moelleux, inspirés des jurançons voisins, mais en version plus légère et moins concentrée. Dans cet exercice, le domaine du Tariquet brille aussi avec sa cuvée Les Premières Grives, très parfumée, digeste avec cet équilibre idéal entre sucre et acidité.

Commentaire (1)

  • Paul-Henri

    La Gascogne est un pays un peu éloigné des notions de marketing….
    Une région qui ne fait pas de bruit, mais qui fait de bons produits, et avec une qualité de vie de famille incroyable

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