Vin et rugby : deux mondes qui se ressemblent

Vin et rugby : deux mondes qui se ressemblent

Comment peut-on lier ces deux mondes, a priori si différents, que sont le vin et le rugby ? Est-ce un pur effet d’opportunisme, en raison de la Coupe du Monde de Rugby, qui se joue en ce moment ?

Travail d’équipe et génie individuel

En y regardant de plus près, il faut constater que vin et rugby partagent de nombreuses caractéristiques et valeurs. Prenons un exemple qui touche, justement, aux effets de la médiatisation : malgré la « starisation » croissante de ces deux univers, le vin ne peut s’élaborer grâce à un seul individu, pas plus qu’un match de rugby ne se gagne uniquement par les éclairs de génie d’un seul joueur. Il faut, dans les deux cas, un travail d’équipe, soudé par un esprit solidaire et tendu vers un seul but. Ceci oblige producteurs de vin, comme rugbymen, à des efforts conséquents et à de la rigueur, mais nécessite aussi, à des moments clés, un grain de folie qui émane du génie individuel pour « faire la différence ». Ces deux domaines impliquent donc connaissance et maîtrise technique, sens de la discipline, santé et solidité physique, esprit d’équipe et fortes individualités, et dépassement de soi en permanence. Le résultat d’un match, comme la qualité d’un vin, peut basculer sur un détail.

L’impondérable, la convivialité et la réglementation

Puis le vin est aussi le fruit d’un dialogue, parfois difficile et au résultat incertain, entre les hommes et la nature. La qualité d’une récolte de raisins, comme la physionomie d’un match de rugby, se trouve régulièrement modifiée, et jusqu’à la dernière minute, par les conditions météorologiques : pluie, vent, température etc. Et la camaraderie engendrée par un tel sport d’équipe entraîne aussi une convivialité forte, qui est aussi celle du monde du vin. Les troisièmes mi-temps jouent les prolongations !

En matière de réglementation, le vin et le rugby sont soumis à un ensemble de règles, en permanente évolution, qui peuvent sembler non seulement d’une complexité effrayante, mais parfois aussi totalement paradoxales pour le néophyte.

Les bleus du vignoble

Des ex-joueurs de rugby issus du monde du vin ou ayant fait une carrière dans le vin, on en trouve dans à peu près tous les pays du vin, et beaucoup en France, à cause de la forte implantation du rugby dans les régions du Sud du pays, là où se concentrent les plus vastes vignobles. Jacques Brunel, ancien entraîneur adjoint de l’équipe de France et de Perpignan, est natif de Courrensan, dans le Gers, où son père était viticulteur et pépiniériste. S’il regrette d’avoir cédé ses vignes, il regarde avec admiration la conversion réussie d’une bonne partie du vignoble gersois, autrefois dédié à l’Armagnac, vers la production de très bons vins blancs. Il souligne la proximité entre le métier de vigneron et celui de rugbyman, que cela soit du côté du joueur ou de l’entraîneur : « il faut faire preuve de patience, remettre sans arrêt l’ouvrage sur le métier. En rugby, que ce soit la solidarité, le partage, le travail en commun, on trouve pas mal de valeurs fortement implantées dans le milieu agricole. »

Jean-Baptiste Lafond, qui a honoré, à l’aile ou à l’arrière, 37 sélections en équipe nationale avec le titre de meilleur marqueur d’essais de l’édition 1991 de la Coupe du Monde, dirige aujourd’hui une affaire familiale de négoce de vins dans le Bordelais. Pieter de Villiers, ancien pilier tricolore d’origine sud-africaine, importe en France les vins de la winery familiale, Darling Cellars, au Nord de Capetown, et est impliqué avec Sylvain Marconnet dans un domaine languedocien (Mas Angel). Fabien Pelous, capitaine historique de Toulouse et du XV de France, a lancé une affaire de négoce à Bordeaux et possède des parts dans un petit château à Saint-Emilion. Jean-Pierre Rive est propriétaire d’un domaine à Corbières et la liste est encore longue…

Stars du vignoble

Autre exemple, celui d’Olivier Dauga, ancien joueur de Cognac et membre de l’équipe de France des armées devenu un des consultants viticoles les plus demandés à Bordeaux. L’occasion de cette conversion lui fut donnée, à la fin des années 1980, par la rencontre avec un grand Monsieur du vin (et ancien champion de tennis), Jean Gautreau, propriétaire de Château Sociando Mallet dans le Médoc. Il a ensuite fait ses classes à Château La Tour Carnet et à Château Rolland de By, avant de travailler en Australie, puis de fonder sa propre affaire de conseil à Bordeaux appelée Le Faiseur de Vin. Dauga est très conscient des liens qui existent entre vin et rugby, et met en exergue le rôle essentiel de l’homme dans les deux cas : « s’il n’existe pas une bonne communication entre le propriétaire et le winemaker, on ne peut pas réussir, pas plus qu’en rugby à XV on ne peut gagner un match sans esprit d’équipe. Motiver une équipe, faire vibrer certaines cordes, est essentiel aux deux activités. Des valeurs, comme ne pas se mentir sur la réalité d’une situation, être capable de se surpasser, savoir travailler ensemble, savoir improviser, je les ai apprises au rugby, et cette éducation me sert beaucoup. Ayant joué en mêlée, je sais qu’il faut commencer par faire le travail de base. Dans le vin, le plus fondamental est d’avoir des raisins sains. »

Autre grande réussite : celle de Gérard Bertrand, joueur renommé et entrepreneur à succès.  L’entreprise qui porte son nom est devenue en quelques années une des références dans le Languedoc-Roussillon. Fils d’un vigneron qui a été un pionnier des vins de qualité à Corbières, Gérard tripote très tôt le ballon et rejoint le club de Narbonne à 11 ans. L’essentiel de sa carrière s’est déroulée dans ce grand club, plus que centenaire, et s’est achevée à Paris en tant que capitaine du Stade Français en 1993/1994. Le décès accidentel de son père en 1987 a précipité sa reconversion dans le vin tout en prenant la présidence de Narbonne pendant plusieurs saisons. Parti d’une petite affaire familiale, le Domaine de Villmajou, Gérard Bertrand est aujourd’hui à la tête de 5 domaines et d’une affaire de négoce qui emploie 80 personnes. 40% de sa production est exportée, et cette proportion est en augmentation constante. Au Domaine de Villmajou, à Corbières, il a ajouté celui de Cigalus, où il vit, Laville Bertrou, en Minervois, Château d’Hospitalet, à La Clape, et  le Domaine de l’Aigle à Roquetaillade au-dessus de Limoux. Et son affaire de négoce couvre l’ensemble de la région, avec une forte implication dans le village de Tautavel, en Roussillon. Gérard Bertrand considère que le rugby lui a appris deux choses fondamentales : l’esprit de compétition, qui implique de ne jamais s’avouer vaincu, et la capacité à jauger les hommes, ce qui lui a permis de gagner du temps. Ce qu’il ne dit pas, mais qui saute aux yeux de l’observateur avisé de ces deux mondes, c’est que sa vision stratégique du jeu, et son habilité avec le ballon, qui furent ses marques en tant que joueur, l’ont certainement inspiré pour construire sa marque de vin.

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