Le matériel
La machine à vendanger
Prenons les choses dans l’ordre chronologique du travail effectué entre vigne et chai, même si l’invention de cette machine est bien plus tardive que certaines autres.
La mécanisation de la vendange a été une étape très importante dans l’économie viticole. Pour vous donner une idée de sa place actuelle, on estime qu’aujourd’hui 70% du vignoble français est vendangé mécaniquement.
Introduite il y a environ un quart de siècle, cette machine, en général autoportée (c’est-à-dire un tracteur) s’est très vite répandue d’abord sur les terrains les plus plats et dans des vignobles de larges parcelles : c’est à dire dans le plaines du Languedoc et dans le Bordelais. Elle effectue en une seule opération l’ensemble des opérations de la vendange : coupe, nettoyage, portage et transfert du raisin jusqu’au chai.
Cette machine a des avantages et des inconvénients. Les dernières versions sont des machines très sophistiquées, capables d’un travail de qualité si elles sont bien conduites. Une machine enjambe le rang de vigne et, grâce à un système de batteurs, fait vibrer la végétation et provoque la chute des raisins dans des godets reliés par un tapis qui amène les grappes dans un bac. Certaines ont des systèmes de tri embarqués pour séparer feuilles, raisins pas mûrs ou pourris, etc.
Parmi les avantages de la machine à vendanger, je citerai :
- la rapidité d’intervention et de cueillette ; si la pluie menace, par exemple, une machine rentrera la récolte bien plus vite qu’une équipe de vendangeurs ;
- la souplesse d’utilisation sur 24 heures ; avec trois chauffeurs, une machine peut tourner en continu pendant 24 heures ; si on veut vendanger la nuit pour récolter des raisins à la fraîche (pour des blancs ou rosés en pays chauds, par exemple), la machine est la seule solution ;
- on divise le coût de l’opération vendange par deux en louant une machine, ou davantage si la taille de l’exploitation justifie l’achat d’une machine dédiée.
Parmi les inconvénients :
- l’obligation d’avoir un vignoble conduit sur fil et ayant le bon écartement ; la machine ne convient donc pas pour des vignobles conduits en gobelet, par exemple ;
- l’impossibilité de cueillir des grappes entières ; ce qui lui vaut d’être peu employée en Beaujolais (où apparaissent maintenant des plantations sur fil) et en Champagne, où son usage est interdit par la nécessité d’amener des grappes entières au pressoir ;
- la machine n’est pas l’idéal pour vendanger des raisins très délicats, surtout pour des blancs qu’il faut protéger de toute oxydation prématurée ;
- la non adaptation à de fortes pentes, à des terrains accidentés ou à de toutes petites parcelles.
La table de tri
La table de tri n’est pas une invention récente. On en voit dans des photos anciennes, mais elle est de plus en plus utilisée, de plus en plus sophistiquée, et de plus en plus mise en avant dans la communication des producteurs.Il s’agit d’un plateau horizontal, généralement percé et pourvu de bordures, qui est traversé par un tapis roulant amenant les grappes ou les baies de raisin. Ce plateau peut se trouver dans la vigne, sur une machine à vendanger, ou dans le lieu de réception de la vendange, à l’entrée du chai. Si on veut trier des grappes, on le placera plutôt dans la vigne. Si on veut trier des baies, il doit être placé soit sur la machine à vendanger, soit à l’entrée du chai, juste après l’égrappoir dont je parlerai la prochaine fois.
C’est l’importance croissante accordée à la qualité et à la maturité des raisins dans les bons vins qui a donné toute sa place à la table de tri. On peut trier différentes choses sur ce type de table, en fonction de ses accessoires. Certaines, par exemple, sont équipées de souffleries qui permettent d’évacuer feuilles ou autres particules légères.
D’autres font vibrer une sorte de grille, afin d’éliminer des baies trop petites car pas assez mûres. Ces tables nécessitent beaucoup de main-d’œuvre : de chaque côté de la table, des personnes surveillent le processus et complètent le tri manuellement. Elles sont donc réservées à des vins qui peuvent supporter ce surcoût.
La table de tri permet de séparer, avant le pressurage ou le foulage, les corps étrangers (déchets verts, grappillons, pépins, bois…), les baies éclatées des baies entières (très intéressant lors des vendanges botrytisées), et de trier les raisins selon leur état de maturité grâce à un densitomètre (à rayon optique).
Il n’y a pas de doute sur le fait que la généralisation de la table de tri a permis de produire des vins plus réguliers dans leur qualité en éliminant certains goûts végétaux ou moisis. Elles peuvent aussi servir à cibler l’usage des raisins en les orientant vers différentes cuvées en fonction de leur richesse en sucre ou maturité.
Le fouloir
Avant de fermenter vos raisins, il faut en libérer le jus, ou du moins, dans le cas d’un vin rouge, l’amener au contact des peaux dans et sur lesquelles on trouve les levures qui jouent un rôle essentiel dans la fermentation, les matières colorantes, les tanins et d’autres éléments utiles.On peut bien entendu faire du vin sans fouler ni presser les raisins. Cette technique s’appelle la vinification en grappes entières, ou non-égrappée. Elle est très pratiquée dans la région du Beaujolais et, autrefois, en Bourgogne.
Mais, pour faire un vin blanc, il faut éliminer les peaux afin d’éviter une trop rapide coloration des jus. On va donc mettre les grappes de raisins blancs sur un pressoir qui va écraser (mécaniquement ou par l’entreprise d’un système hydraulique ou à air comprimé) les baies et laisser s’écouler le jus qui sera rapidement transféré dans une cuve ou barrique pour la fermentation.
Le fouloir, ou fouloir-égrappoir, servira plutôt pour des vins rouges ou rosés, c’est à dire lorsque l’on souhaite que le jus se colore au contact des peaux.
Si ce sont des grappes entières qui arrivent au chai, et que l’on souhaite écarter les tiges (qui peuvent donner des goûts végétaux), il faut séparer les baies des tiges dans chaque grappe. A la main, cela prendrait beaucoup de temps. Le fouloir est une sorte de tambour avec des dents qui agitent les grappes, retirant les baies et les éjectant de l’autre côté. On peut aussi fouler dans la foulée, en ouvrant légèrement les raisins sans les écraser complètement. D’où le terme fouloir-égrappoir.
Le pressoir
Les premiers pressoirs ont probablement été les pieds des hommes, ou bien de gros cailloux avec lesquels on écrasait le raisin pour en libérer le jus. Les Egyptiens de l’Antiquité mettaient le raisin dans des linges qu’ils tordaient à chaque bout pour en extraire le jus. Avec les romains, on assiste à un début de mécanisation et à l’introduction du pressoir vertical qui existe encore de nos jours.
D’abord décrivons l’objet. Le pressoir vertical traditionnel est une construction en bois avec des grosses poutres qui servent de levier, reliées à un plateau par une vis sans fin, également en bois. Les raisins sont introduits dans une sorte de cage en bois, rectangulaire ou circulaire, et pressés verticalement par le poids des poutres appuyant sur des plateaux liés ensemble par des bastaings en bois. Le jus s’écoule à travers les lattes de la cage puis dans une rigole creusée dans le plateau de fond. Il est ensuite récupéré, autrefois dans des bacs, pour être introduit dans des cuves ou des barriques pour la phase de fermentation. Les pressoirs varient de format en fonction de la taille du vignoble et du chai.
Cet outil a évolué progressivement à travers les siècles, d’abord par l’introduction de métal pour remplacer la plupart des pièces en bois, par un système de levier mécanique appelé « clicquet », puis par l’introduction de la force hydraulique pour écraser les raisins. On voit par là que la mécanisation progressive de l’élaboration du vin n’a pas été limitée au vignoble. Aujourd’hui le matériel est encore plus sophistiqué. Par exemple les pressoirs modernes sont souvent cylindriques et horizontaux. Le raisin est introduit par une trappe, puis un cylindre interne fait en acier inoxydable percé de trous tourne et une sorte de vessie en matière souple situé à l’intérieur est gonflée progressivement par de l’air comprimé, écrasant le raison contre la paroi du cylindre. Ce système permet un pressurage réglable en intensité qui peut être très doux, l’ensemble pouvant être presque entièrement automatisé.
Il faut préciser que le pressurage des raisins intervient à des moments différents selon qu’il s’agisse d’un vin blanc ou d’un vin rouge. Pour faire un vin blanc, on presse le raisin avant la fermentation du jus, en jetant ensuite les peaux. Pour le vin rouge, on foule d’abord les baies pour libérer partiellement le jus et on met l’ensemble en cuve afin d’extraire la couleur contenue dans les peaux. A la fin de la phase de macération, qui peut durer 3 semaines, on sort les peaux de la cuve et on les presse car elles contiennent encore beaucoup de jus. Ce « vin de presse » est ensuite incorporé, ou non, dans le vin fini, et dans des proportions décidées par le vinificateur.
La cuve
La cuve est évidemment l’outil le plus indispensable dans la panoplie du vinificateur, car elle contient les raisins (ou le jus) pendant la fermentation et, pour ce qui concerne les vins rouges, pendant la phase de macération qui suit.On peut aussi fermenter un vin dans une barrique, et ça se pratique assez couramment pour des vins blancs plutôt haut de gamme. Quelques vinificateurs font de même avec les vins rouges (pour des micro-cuvées) mais la manipulation des raisins entiers dans la barrique reste très compliquée et nécessite des vaisseaux d’une taille adaptée au volume de raisins.
Une cuve peut avoir différentes formes. Les formes cylindriques ou rectangulaires sont les plus courantes, mais on trouve aussi des formes tronconiques ou en forme d’œuf. L’essentiel et de pouvoir insérer les raisins ou le jus par le haut, puis extraire le jus et, le cas échéant, les peaux, par le bas.
Les matériaux aussi varient. Les premières cuves étaient probablement en pierre, creusées à même la roche. Puis on a utilisé la terre cuite puis le bois. A partir de la fin du XIX ème siècle, le ciment fait son apparition et, à partir des années 1960, c’est l’acier inoxydable puis la fibre de verre. Aujourd’hui l’énorme majorité des cuves sont en inox car cela est très facile à nettoyer. Les autres matériaux ont d’autres avantages. La fibre de verre est légère (donc facile à déplacer) et peu chère. Elle convient pour des petits lots et/ou pour des vignerons disposant de moyens modestes. Le béton (ciment) est en train de revenir après avoir été largement utilisé pendant la première moitié du XX ème siècle, pour être ensuite progressivement remplacé par l’inox. Mais on s’est rendu compte que la cuve ciment ou béton a des avantages en termes d’inertie thermique. On en installe de nouveau, y compris dans des domaines prestigieux. La cuve en bois avait quasiment disparu, sauf dans quelques grand châteaux bordelais ou domaines en Bourgogne. Son inconvénient est lié à son entretien, qui est onéreux, mais elle a aussi des avantages du côté de l’inertie thermique.
Dans toutes ces cuves, on peut contrôler la température de fermentation soit par ruissellement d’eau sur la paroi externe, soit par un serpentin plongé dans la cuve, soit par un système intégré dans une double-paroi.
La pompe à vin
Le vin étant un liquide, et les différentes étapes de la vinification se déroulant dans des vaisseaux différents et, souvent, des endroits divers, il faut penser aux moyens de transporter ce liquide encombrant dans les différents espaces du chai et de la cave.On peut rouler une barrique, mais pas une cuve, par exemple. Autrefois on transvasait le liquide dans des bacs ouverts pourvus de manches qui étaient ensuite transportés puis versés dans le vaisseau suivant. On imagine le travail que cela devait représenter dans des domaines importants.
Heureusement on a inventé la pompe à vin ! On en trouve trace dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert au XVIII ème siècle. Les premières pompes étaient à soufflet (et donc à mouvement réciproque), remplacées à partir du XIX ème par des pompes à mouvement circulaire, soit axial, soit centrifuge. Elles étaient encore mues par la force des bras, mais l’énergie était transmise au vin par des pistons ou des ailettes. Avec l’arrivée de l’électricité, tout est devenu bien plus facile.
Aujourd’hui, on privilégie les pompes qui déplacent le vin en douceur, en évitant l’intrusion d’air dans le vin, source d’altération. Mais dans bon nombre de chais modernes on essaie d’éviter au maximum l’usage de cet instrument, en concevant le chai selon une organisation verticale qui permet d’utiliser la force de gravité à la place du pompage. Ainsi le raisin arrive dans les étages supérieurs où il est foulé ou pressé. Le jus (ou le raisin foulé) tombe ensuite dans une cuve située juste en-dessous. Les cuves ou barriques de stockage ou de vieillissement se trouvant encore en dessous, il suffit de connecter ces deux vaisseaux par des tuyaux et d’ouvrir les vannes. On peut continuer ainsi sur quatre niveaux jusqu’à la mise en bouteilles. La pompe a toujours des fonctions cependant, mais la tendance est bien de limiter son usage, ou d’utiliser des pompes qui fonctionnement en douceur, en évitant de brasser trop le vin.
La barrique
On dit que la barrique en bois a été une invention des Celtes mais il n’y a pas de preuves indiscutables de cela. On peut voir, par exemple, sur un bas-relief du II ème ou III ème siècle, à Vienne, sur le Rhône, un bateau de halage transportant des barriques, sans pouvoir dire qui des Romains ou des Gaulois ont inventé cet objet. Hérodote parle même d’une « barrique de vin de palmier » (Histoire, Livre III, V ème siècle av JC) offerte par un prince perse au roi d’Ethiopie. Ce qui est certain en revanche, c’est que la barrique s’est révélée bien plus pratique que l’amphore pour déplacer le vin car on peut la rouler et elle ne se brise pas facilement.
La barrique était donc d’abord et avant tout un moyen de transport et de stockage pour le vin. Sa forme et son volume variaient selon la région (comme d’ailleurs toutes les mesures avant l’arrivée du système métrique), mais rapidement elle est aussi devenue une unité de mesure servant aux transactions. Comme le vin était livré en barrique, ou en tonneau (une barrique plus grande), les cotations entre professionnels s’établissaient « à la pièce » (barrique) ou « au tonneau ». Je rappelle que la jauge des bateaux est toujours exprimée en tonneaux, ce qui indique l’importance du transport du vin autrefois.
La barrique était donc une sorte d’emballage perdu, car il était trop coûteux de la rapatrier après la vente. Chaque année, le vin était donc mis dans des barriques neuves pour être expédiées chez le client (importateur ou distributeur). Et on s’est rendu compte, progressivement, que le goût du vin en était modifié, souvent en mieux.
Avec l’arrivée de la bouteille industrielle et du chemin de fer, à partir de la fin du XIX ème siècle, la barrique a été concurrencée comme outil de transport. On l’a donc progressivement réorientée vers un usage d’élevage du vin, en tenant compte des constats faits sur son effet bénéfique, en tout cas pour certains vins. On en est là aujourd’hui, avec la possibilité (selon ses moyens et objectifs) d’utiliser barriques neuves ou usagées, et de panacher tout cela comme on veut.
Précédemment j’ai parlé des origines, inconnues mais supposées, de la barrique, et aussi de ses fonctions premières, celles d’un contenant servant au transport du vin.Le vin passait donc beaucoup de temps en barrique, depuis la mise en tonneau dans le chai du producteur jusqu’à son stockage chez l’acheteur, aubergiste ou particulier, avec entre les deux la durée du transport, terrestre, fluvial ou maritime, qui pouvait aisément se compter en mois. Avec l’expérience, on s’est rendu compte que le vin n’avait plus le même goût à la fin de ce séjour en barrique qu’au début, parfois en bien, parfois en mal. Le matériau était très souvent du bois neuf car les barriques étaient rarement retournées chez le producteur pour des raisons de coût de transport : le fils du philosophe Montesquieu qui, comme son père, vivait de la vente de ses vins de Bordeaux, se voit réclamer dans une lettre de son importateur anglais des barriques neuves exclusivement. La question du bois neuf pour les vins est donc loin d’être une affaire récente.
Sur le plan de l’espèce de bois utilisée pour élaborer des barriques, on utilisait à peu près tout ce que l’on avait sous la main : chêne, mais aussi orme, charme, châtaigner, tilleul, merisier, acacia, peuplier, sapin, etc. Thomas Jefferson, dans ses écrits sur ses voyages dans le Sud de la France à la fin du XVIII ème siècle, témoigne des piles de planches d’ormeau qui se dressaient sur les quais de la Garonne à son arrivée à Bordeaux.
Evidemment ces différents types de bois ont des propriétés diverses et on a progressivement éliminé les essences qui étaient les moins performantes, soit sur un plan mécanique, soit sur un plan gustatif. Mais le chêne a mis assez longtemps à s’imposer aux autres, notamment pour une question de transport du Nord de la France, où se trouvent les grandes forêts de chênes, vers les régions de production. L’habitude consistait surtout, pour des raisons économiques, à choisir le bois qui se trouvait le plus proche de la région de production du vin, du moins jusqu’à l’arrivée du chemin de fer dans la deuxième moitié du XIX ème siècle.
Après avoir évoqué l’histoire et l’évolution de la barrique, il est temps de donner un peu dans la technique. Aujourd’hui la tonnellerie utilise presque exclusivement le chêne pour la fabrication des barriques. On trouve du chêne dans différents pays et continents, mais il en existe différentes espèces aux caractéristiques variables. Deux espèces sont largement utilisées en Europe, quercus robur et quercus petraea. Le chêne nord-américain utilisé pour la fabrication des barriques est issu d’une autre espèce, quercus alba. Le chêne Européen doit être fendu pour rester étanche, à cause de sa structure interne, tandis que le chêne américain peut être scié sans devenir poreux. Un des résultats est une bien plus grosse perte de bois dans la transformation du chêne Européen, ce qui le rend déjà plus coûteux. On estime le prix moyen d’une barrique de chêne français à 600 euros, tandis qu’une barrique de chêne américain en vaut environ la moitié.
Au moins autant que la provenance, il importe que la forêt en question ait été bien gérée, ce qui est largement le cas en France où beaucoup de forêts sont du domaine national qui gère un parc de bois ancien d’une manière bien contrôlée. Il faut entre 150 et 200 ans pour produire un chêne ayant les qualités requises, cela nécessite donc une gestion à très long terme.
Les fûts sont achetés par des tonneliers, qui doivent ensuite les débiter et les faire sécher. Il semble acquis que le séchage à l’air libre donne de meilleurs résultats que le séchage dans des sortes de fours. Il faut environ un an de séchage à l’air libre par centimètre d’épaisseur de planche de chêne, que l’on appelle merrain. Comme ces merrains font entre 22 et 27 millimètres d’épaisseur en général, il faut entre deux et trois ans de séchage.
On fabrique ensuite la barrique (ou autre contenant) en débitant le merrain en douves. Posées et tenues à la verticale dans des cercles en fer, assemblées autour d’un fond qui rentre dans une rainure pratiquée près du bout de chacune d’entre elles, on va cintrer progressivement ces douves pour poser des cercles à l’autre extrémité, en insérant l’autre fond dans une rainure à l’autre bout. On aura ajusté chaque douve au préalable afin que le joint soit parfaitement étanche après ce cintrage, qui se fait par le moyen du feu et de l’eau (de l’eau pour empêcher le bois d’être trop brûlé par le feu). Un joint en jonc est souvent utilisé entre les douves. La barrique est finie et nettoyée, et les trous de bonde et d’évacuation sont percés. Selon la chaleur du feu, l’intérieur de la barrique sera plus ou moins brûlé. Ce degré de « chauffe » va influer sur le goût du vin et peut être précisé par le client au tonnelier. On parle de chauffe faible, moyenne ou forte.
Enfin, les barriques peuvent avoir des contenances qui varient selon les traditions locales : en France, la barrique bordelaise contient 225 litres (ou 300 bouteilles), la bourguignonne 228 litres ou la champenoise 205 litres. Il s’agit de survivances d’anciens systèmes de mesure locaux, qui datent d’avant l’introduction du système métrique sous Napoléon.
Voilà, en très résumé, la barrique à vin.
La mécanisation dans le vignoble : pourquoi et comment ?
On pense que la mécanisation a commencé avec le tracteur, mais en réalité ce processus date des premières plantations de la vigne en lignes régulières, avec un espacement aussi régulier entre les rangs, qui était calculé, au début, pour le passage du bœuf ou du cheval tirant une charrue. C’est la première étape vers une mécanisation d’une série de tâches qui était auparavant faites par la main de l’homme.Virgile, au premier siècle avant JC, sermonnait déjà le vigneron : « Plante tes vignes en ordre. Que leurs rangs bien alignés, coupés par des allées régulières, forment un ensemble parfaitement symétrique ». Columelle jugeait la bonne disposition d’un vignoble utile pour « y promener sa vue, y porter ses pas » et estimer précisément le nombre de journées de travail. Les anciens avaient donc déjà cette préoccupation à l’esprit même si l’usage s’est rapidement perdu. Dans l’histoire plus récente, les premières traces de ce genre de plantation semblent dater du milieu du XVII ème siècle au Château Haut Brion, à Bordeaux. Avant cela, et pendant encore 200 ans, dans la plupart des vignobles, les vignes étaient plantées « en foule », et les pieds étaient si rapprochés que seul un homme armé d’outils manuels (une houe, une serpe, etc) pouvait s’y infiltrer pour travailler la terre, tailler la vigne ou cueillir le raisin.
C’est certainement le phylloxera qui a rendu possible, physiquement, la mécanisation du vignoble à grande échelle car, en obligeant à replanter, elle a donné l’occasion à tous d’espacer leurs vignes en rangs et de permettre ainsi le passage d’engins tractés par des animaux et, plus tard, par des tracteurs.
Evidemment il y avait quelques exceptions, dont les vignobles à forte pente comme ceux de la Moselle allemande ou de la Côte Rôtie dans la vallée du Rhône. Dans ces cas, à cause de la pente, le travail est resté largement manuel jusqu’à nos jours. D’autres propriétaires de vignes pentues ont contourné le problème en construisant des terrasses, ce qui rend possible généralement le passage de chevaux, de motoculteurs ou de petits tracteurs.
La deuxième grande étape de la mécanisation est liée, indirectement, à la Première Guerre Mondiale. En diminuant très fortement la population d’hommes en âge d’exercer un travail physique éprouvant, elle a rendu nécessaire l’accélération de la mécanisation du vignoble. Et cette période (comme celle qui précédait la première guerre) était aussi, il faut le rappeler, celle qui a vu une extension rapide des plantations dans des zones de plaines, particulièrement dans le Sud de la France. Ces vignobles de plaine étaient évidemment beaucoup plus faciles à mécaniser et ils étaient même conçus pour cela.
Car une des conséquences de la mécanisation était une réduction des coûts de production. Pour produire du vin de base, le coût de production est évidemment le nerf de la guerre. Mais même les vignobles destinés à produire de grands vins se sont mécanisés. J’ai déjà parlé de la rive gauche du Bordelais, dont les terrains relativement plats s’y prêtaient parfaitement. Mais ailleurs, tout le monde a vite perçu l’intérêt d’utiliser le tracteur pour travailler les sols, puis pour traiter. Puis l’industrie chimique, née aussi lors de la Première Guerre Mondiale, a commencé à s’intéresser à l’agriculture pour écouler ses stocks mais ceci est une autre histoire.
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