Les habits du vin
Du temps des Egyptiens, Grecs et Romains de l’Antiquité, le contenant privilégié était l’amphore. Faite de terre cuite, d’un coût modeste, avec des tailles et des formes variables, elle servait à la fois au transport et au stockage du vin.
Les contenants du vin
Avant la bouteille
Du temps des Egyptiens, Grecs et Romains de l’Antiquité, le contenant privilégié était l’amphore. Faite de terre cuite, d’un coût modeste, avec des tailles et des formes variables, elle servait à la fois au transport et au stockage du vin. En Géorgie, on utilise toujours des jarres en terre cuite pour la fermentation et le stockage de certains vins. A partir du I er siècle après JC, l’usage du tonneau se répand dans l’Empire romain. Le fût en bois ne présente que des avantages : plus léger et plus robuste que l’amphore, on peut le rouler, le monter à dos de mulets ou sur des chariots. Du Moyen Age jusqu’au XIX ème siècle, le fût sert à vinifier, à stocker, à transporter les vins qui sont vendus « en tonneau ». Le fût continue aujourd’hui à avoir une place essentielle dans l’élevage du vin et parfois dans la vinification des blancs. Sa capacité et sa forme varient d’une région à une autre en fonction des traditions (à Bordeaux la barrique de 225 litres, en Bourgogne la pièce de 228 litres, dans le Rhône le demi-muid de 600 litres).
Dans l’Antiquité on a également beaucoup utilisé des outres de cuir pour le transport des liquides dont le vin, notamment dans des pays méditerranéens comme la Grèce qui manquait de bois pour produire des fûts. C’est probablement cette pratique qui a donné naissance à un célèbre type de vin grec, le Retsina, car on enduisait les coutures des outres de résine pour assurer leur étanchéité.
La bouteille
Inventée vers 250 avant Jésus-Christ au Moyen-Orient, la technique du soufflage du verre s’est diffusée à Rome où des souffleurs de verre syriens et babyloniens fabriquent divers objets dont de petites bouteilles en verre. Après la chute de l’Empire romain, les technologies du verre tombent en sommeil avant d’être redécouvertes par les marchands vénitiens aux XIII ème et XIV ème siècles. Longtemps, la fragilité et la rareté des bouteilles en verre en font un produit de luxe. A table, le vin tiré du fût est servi dans des pots ou des cruches mais très rarement dans des bouteilles. Au XVII ème siècle, en Angleterre, sont inventés des procédés permettant de produire un verre plus épais, plus résistant et moins coûteux. Une des conséquences indirectes de ces nouvelles bouteilles fut la naissance du Champagne mousseux. Pour que le vin puisse pétiller dans les verres, il fallait qu’une partie de la fermentation se produise en bouteilles. Non seulement cela impliquait l’emploi de bouteilles à grande échelle, mais il fallait encore que ces bouteilles soient assez solides pour résister à la pression. Ces conditions réunies, ces bulles, d’abord accidentelles, devinrent vite à la mode en Angleterre avant de conquérir la France. L’usage de la bouteille se répandit donc progressivement en Champagne dans le courant du XVIII ème y compris pour la production de vins tranquilles. Il s’imposa et se généralisa à d’autres régions et pays lorsque l’on s’aperçut qu’un vin embouteillé et bouché par du liège se bonifiait au lieu de s’aigrir. Jusqu’au milieu du XIX ème siècle, les tonneliers embouteillaient souvent eux-mêmes les vins vendus en tonneaux dans les caves des particuliers. Après 1870 les négociants répandirent l’usage de vendre directement les vins en bouteilles. Les propriétaires de vignobles mirent bien plus longtemps : à Bordeaux le premier à exiger la mise en bouteille à la propriété fut le Château Mouton Rothschild en 1924.
D’abord très ventrues, les bouteilles se sont progressivement allongées et affinées pour prendre les formes que l’on connaît aujourd’hui.
Formats et formes de bouteilles
Contenance
La contenance d’une bouteille n’est pas sans incidence sur l’évolution du vin. Même hermétiquement bouché, le vin continue à évoluer lentement en bouteille. Les mécanismes de ce vieillissement sont encore à explorer, tout juste peut-on avancer que l’oxygène dissout dans le vin entraîne toute une série de lentes réactions chimiques. Le rythme de ces évolutions est fonction du volume du contenant. Plus celui-ci est grand, plus lent est le vieillissement. Le magnum est souvent présenté comme le format idéal pour un vieillissement optimum.
L’échelle des contenances est extrêmement large, de 10 à 1500 centilitres. La norme est aujourd’hui la bouteille de 75 cl (ou 0,75 l) qui représente l’écrasante majorité des ventes dans le monde. Les petites capacités s’échelonnent de 10 cl à 50 cl mais les bouteilles de 37,5 cl sont largement les plus répandues. Leur prix est proportionnellement plus élevé à cause de coûts de production supérieurs. Les bouteilles de 50 cl font l’objet d’un certain intérêt. Bien que rares, elle correspondent mieux au profil de consommation du vin comme en témoigne la généralisation des « pots » dans de nombreux lieux de restauration. Bus en plus petites quantités et relativement chers, les vins liquoreux utilisent largement ces petits contenants.
Au-delà de 75 cl on parlera de grands contenants. Le litre (100 cl) a longtemps été le format le plus populaire en France mais il est en voie de disparition. Deux traditions régionales coexistent, l’une bordelaise l’autre champenoise. Si le magnum a partout une contenance de 150 cl, le Jéroboam désigne une bouteille de 300 cl en Champagne et de 450 cl à Bordeaux. L’impérial à Bordeaux (600 cl) devient Mathusalem en Champagne. La Marie-Jeanne (225 cl) n’existe qu’à Bordeaux et les géants Salmanazar (900 cl), Balthazar (1200 cl) et Nabuchodonosor (1500 cl) sont une spécificité champenoise. On ignore les raisons de cette nomenclature biblique mais elle est ancienne : les Bordelais utilisent le vocable « jéroboam » depuis 1725.
Poids
Le poids d’une bouteille est lié à l’épaisseur et à la densité du verre autant qu’à sa superficie. Il peut varier du simple au double. En dehors des bouteilles de vins effervescents, nécessairement plus lourdes, ces variations sont surtout un pari marketing qui cherche à lier poids et qualité : autrement dit, plus la bouteille est lourde, meilleur sera le vin ! Des cuvées haut de gamme atteignent aujourd’hui des poids inutiles et insensés !
Couleur
Le choix des couleurs n’est pas sans conséquence pour le vin car il est établi que les coloris sombres protègent le vin des ultraviolets qui sont une source d’altération. Les teintes verte et jaune brun sont donc les plus largement utilisées mais certains vins blancs et rosés, le plus souvent de courte garde, sont embouteillés dans des flacons transparents qui offrent à l’acheteur l’attrait de la couleur. Certains liquoreux sont également dans ce cas car leur richesse en sucre les protège naturellement des ultraviolets.
Formes
La forme des bouteilles est d’abord l’expression de traditions régionales. En dehors de quelques cas particuliers, aucune réglementation n’impose de format standard. La plus répandue est la bouteille bordelaise (ou « frontignan ») : un fût droit et long avec épaulement carré entre le corps et le goulot qui permet, dans une certaine mesure, de retenir l’éventuel dépôt qui se forme dans les vins avec le temps. Ce modèle est, de loin, le plus répandu dans le monde.
Le modèle bourguignon que l’on retrouve aussi dans la vallée du Rhône est généralement plus lourd et plus massif. Son fût est plus court et ses épaules douces et tombantes donnent à l’ensemble un profil plus arrondi. Beaucoup de producteurs de vins issus des cépages bourguignons (pinot noir et chardonnay) ont opté pour ce modèle. Les bouteilles de Champagne et de vins mousseux en général ressemblent au modèle bourguignon mais avec un verre plus épais, nécessaire pour résister à la pression.
Quelques autres régions ont adopté des modèles originaux qui peuvent parfois renforcer leur image auprès du public. C’est notamment le cas du Jura avec le clavelin, d’une contenance de 62 cl (réservé au vin jaune), ou de l’Alsace avec la flûte, obligatoire depuis 1930, qui montre l’influence d’une tradition allemande dans cette région. Outre l’Allemagne et le Luxembourg, quelques appellations du Rhône (Condrieu, Château-Grillet, Tavel), de Provence (Cassis, Côtes de Provence) ou de Savoie (Crépy) utilisent la flûte. On trouvera des formes originales en Provence avec la « quille » dont le fût est corseté ou en Franconie (Allemagne) avec la bocksbeutel, bouteille trapue à côté plat que l’on retrouve également au Portugal et en Espagne.
Autres contenants actuels
Le vin peut aussi être stocké ou servi en cubitainer (ou « bag in box »), en brique, en bonbonne, en bouteille en plastique, voire en canette ! Tous ces modes de conditionnement sont adaptés à des vins de consommation courante, à boire plus ou moins rapidement. Le bag-in-box est aujourd’hui en vogue, à juste titre. Il se compose d’une poche en plastique souple, d’un robinet et d’une enveloppe carton. Le système d’écoulement par robinet empêche l’oxydation du vin en maintenant la pression dans la poche, ce qui autorise une garde de plusieurs semaines.
Le bouchon
La plasticité, la résistance, l’imperméabilité et la relative étanchéité du bouchon en liège expliquent pourquoi il est le partenaire privilégié de la bouteille depuis plusieurs siècles. Mais depuis quelques années, de nouveaux matériaux se posent en alternative.
Petite histoire du bouchon
La plus ancienne amphore bouchée par du liège a été trouvée sur l’agora d’Athènes et date du V ème siècle avant JC. Utilisé ensuite par les romains, le bouchon de liège (qui était mêlé à diverses autres substances) a été abandonné lorsque le tonneau remplaça progressivement l’amphore. On le redécouvre au XVII ème siècle lorsqu’apparaissent les premiers champagnes mousseux. Dans un premier temps on se contenta du broquelet (cheville de bois garnie de filasse de chanvre) puis on redécouvrit les vertus du liège, grâce aux liaisons commerciales mettant en rapport l’Angleterre avec le sud de l’Espagne et le Portugal où se trouvent l’essentiel des forêts de chêne-liège. Dès 1726, en France, un texte réglementa la corporation des bouchonniers, et des ateliers se développèrent dans le sud du pays. Un siècle plus tard apparaissaient les premières machines à bouchon.
Vices et vertus
Il existe différentes qualités de bouchon avec des prix qui oscillent dans une fourchette allant de 1 à 10 et qui se retrouvent dans le prix de la bouteille. La longueur varie de 25 à 60 mm et on admet qu’un long bouchon présente de meilleures garanties de résistance et d’imperméabilité qu’un bouchon court. Les bouchons de qualité sont d’un seul tenant, découpés directement dans l’écorce du liège. Des modèles moins chers sont constitués de liège aggloméré.
La grande vertu du bouchon de liège réside dans sa malléabilité qui lui permet de s’adapter au goulot et le l’obturer parfaitement. Il résiste à de forts écarts de température (très déconseillés pour les vins) mais craint des conditions de sécheresse excessive qui provoquent une rétractation du liège et une perte d’étanchéité, d’où la nécessité de surveiller le taux d’humidité de votre cave et de stocker horizontalement vos vins de garde afin que le liquide soit constamment en contact avec le bouchon.
Le goût de bouchon
Un des principaux reproches fait au bouchon concerne le « goût » de bouchon qui affecte certaines bouteilles. Le phénomène concerne peut-être entre 2 et 5% des vins. Ce défaut est lié à la présence de bactéries ou d’un composé chimique (le TCA) qui se développent à la faveur de circonstances particulières. Ce goût peut se manifester de façon évidente par des arômes puissants de moisissure ou de façon plus sournoise par une légère déviation aromatique que l’on attribuera à tort au vin, ce qui est bien plus gênant pour le producteur. L’autre reproche fait au bouchon est lié à l’étanchéité variable du liège d’une bouteille à une autre : autrement dit les vins d’un même lot peuvent être sujets à des variations aromatiques causées par des « entrées » d’oxygène variant du rien au trop.
Le temps de la capsule à vis ?
Ce problème de bouchon a poussé certains fabricants ou producteurs à privilégier d’autres matériaux. Certains existent depuis longtemps pour des vins de consommation courante, comme les capsules en plastique, mais elles s’étendent aujourd’hui à des vins de qualité supérieure. Le bouchon synthétique a connu un rapide succès pour les vins à consommer jeune. Mais à nouveaux procédés, nouveaux problèmes et certains producteurs australiens ont fait marche arrière devant l’afflux des plaintes de particuliers ayant cassé leur tire-bouchon sur ce matériau très résistant qui perd en plus de son étanchéïté au bout de quelques années. Le Vino-Lok est une invention autrichienne : un bouchon de verre agrémenté d’un joint de silicone. Très élégant, il est aussi coûteux et exige un format de bouteille adapté. Mais le véritable concurrent du liège est aujourd’hui la capsule à vis. Elle doit son succès à ses aspects pratiques (facilités d’ouverture et de fermeture) mais surtout à sa capacité à restituer fidèlement le travail du vigneron en évitant toute oxydation précoce et altération du goût introduit par le liège. Après les australiens, les néo-zélandais et les suisses, bien d’autres producteurs d’Europe et d’ailleurs commencent à y recourir, d’abord pour leurs vins blancs et rosés mais de plus en plus pour les rouges. Les résistances actuelles dans certains pays, dont la France, sont essentiellement d’ordre psychologique.
L’étiquette
A quoi sert-elle ?
L’étiquette est d’abord la carte d’identité du vin et la carte de visite du producteur. Elle donne un certain nombre d’informations, certaines obligatoires, d’autres facultatives, relatives à la région d’origine et au producteur. Mais elle est aussi un outil de communication, un support visuel qui sert à se différencier de son voisin et à faire passer des messages spécifiques. Ce phénomène est difficilement mesurable mais il peut jouer un rôle essentiel lorsqu’un consommateur se trouve seul devant un choix de bouteilles, sans autre aide que celle des étiquettes (ce qui est souvent le cas en grande surface). Le choix de l’illustration, les caractères, les couleurs, la sobriété ou au contraire le foisonnement, le parti pris de la tradition ou de la modernité peuvent être autant d’indications sur la personnalité du producteur et, par extension, sur ses vins
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