Escapades gardoises (5)… du côté de Lirac et Tavel
Cheminant en compagnie de Jean-Jacques Chevalier, fidèle allié de mes escapades, j’ai fait une halte dans deux domaines aux profils bien distincts, mais qui partagent un lointain ancrage familial doublé d’une tradition vigneronne dans les terres tavelloises. Malgré ce qui les différencie naturellement, tous deux se rallient à de mêmes et bonnes causes. Ainsi, le Domaine Les Deux Pins et le Domaine Maby contribuent de manière respective à élargir l’univers expressif du Tavel, tantôt en ravivant son style, tantôt en lui gagnant un raffinement unique. Quant aux liracs, outre des blancs de belle facture, les deux auteurs se rejoignent brillamment autour de rouges d’une ambition achevée. Découvrons leurs œuvres ci-après…
Lirac et Tavel en quelques mots
Dans le propos qui suit, je donne donc la parole à deux acteurs du vignoble gardois qui portent haut les couleurs des crus qui font sa fierté, Lirac et Tavel. Bien que partageant les mêmes types de terroirs, ces deux appellations diffèrent en ce sens où la lointaine réputation historique de Tavel lui a valu d’être consacrée au rang des toutes premières appellations d’origine, en 1936. Autre fait remarquable, l’AOC Tavel sanctionnait exclusivement une production de rosé, en faisant un vignoble alors unique et précurseur en la matière. Bien que riche d’une même histoire *, Lirac n’a pas connu la dynamique vigneronne qui a caractérisé la genèse de sa jumelle au tout début du XXème siècle **. Décrétée en 1947 pour des vins dans les trois couleurs, l’AOC Lirac a mis ainsi du temps à bénéficier d’une reconnaissance, qui aujourd’hui semble acquise. En effet, longtemps routinière par manque d’identité et d’ambition, elle a bénéficié de l’installation de familles de Châteauneuf-du-Pape, clairvoyantes sur son potentiel et devenues des producteurs de premier plan. A ce sang neuf, s’est ajouté celui d’une nouvelle génération de vignerons pour y révéler encore mieux les grandes qualités d’un terroir polymorphe, symbolisé par une trilogie de sols, tels qu’illustrés ci-dessous. Les domaines Les Deux Pins et Maby sont de parfaits exemples à ce titre.
Dans le monde des rosés, celui de Tavel occupe une place à part entière, car conçu suivant une méthode bien spécifique. Pour le dire simplement, on obtient ce type de rosé par fermentation du jus obtenu par macération de raisins noirs et éventuellement de raisins blancs. Relativement long, de l’ordre de 2 à 3 jours, ce temps d’infusion leur confère une teinte rosée soutenue tirant sur le rouge, qui se situe à l’opposé des robes claires, voire très pâles, des rosés les plus répandus, notamment ceux de Provence. Si cette technique désavantage leur perception aux yeux d’un large public, elle leur confère des qualités de corps qui laissent la porte ouverte à un plus large univers gastronomique. A contrario de l’unique vocation de Tavel, les trois couleurs sont donc autorisées en Lirac, bien que la production de rouges y domine très nettement (plus de 80 %), tandis le rosé y est devenu marginal, pour ne pas dire anecdotique. A l’aune de mon expérience personnelle, les blancs progressent en qualité au fil du temps pour atteindre aujourd’hui un niveau plus qu’honorable, surtout depuis que la couleur est dans l’air du temps. Quant aux rouges, entre les mains de vignerons très décidés, leurs plus hautes expressions rivalisent aujourd’hui avec les crus rhodaniens les plus renommés, en cela suivez mon regard…
* Le vignoble de Lirac est cité comme un ensemble de « Première Classe » dans un ouvrage datant de 1816 : « Topographie de tous les vignobles connus … » par André Jullien. Il est d’ailleurs classé à l’égal de celui de Tavel et tout comme lui, mentionné comme producteur de rouges.
** En 1902, se crée le Syndicat des Propriétaires Viticulteurs de Tavel (source : site officiel du Syndicat de l’AOC Tavel).

Les domaines à l’honneur :
☛ Domaine Les Deux Pins
☛ Domaine Maby > pour accéder directement à sa présentation, cliquer ici
Domaine Les Deux Pins
Il s’agit d’un jeune et modeste domaine, créé en 2021 et d’à peine 5 ha, dont la cave est située dans le village de Tavel. Il se présente comme une extension d’une grande propriété familiale appartenant à la famille Paly depuis plusieurs générations et dont le vaste vignoble (65 ha) constitue un pilier de la coopérative locale, « Les Vignerons de Tavel & Lirac ». A la tête de l’entité familiale, Christian Paly a également été président de cette coopérative, un mandat assuré de 1990 à 2025, soit 35 ans à son service ! Baignant dans l’ambiance de la cave familiale depuis son enfance, son fils Jean-François a ainsi acquis un métier tout trouvé en devenant le vigneron en titre du nouveau domaine, baptisé « Les Deux Pins ». Sa formation, il l’a gagné par de solides études couronnées d’un diplôme d’œnologue, puis enrichi de riches expériences probatoires en Bourgogne, à Bordeaux, en Grèce. Et c’est en Roumanie qu’il effectue ses premiers pas comme vigneron, exactement au Domaine Corcova. De ce pays, il confie son admiration pour la qualité méconnue de ses vins, citant ceux du Domaine Catleya, dont il nous gratifie de la dégustation d’un blanc, en effet fort convaincante.
La signature « Les Deux Pins » sous-entend aussi une main féminine, celle de Simona Andreis, sa compagne dans la vie et elle-même œnologue dans un cabinet de consultants.
La création du domaine résulte de l’acquisition de vignes auprès d’un viticulteur adhérent à la coopérative, alors parti à la retraite. La configuration morcelée de son vignoble a été une autre et heureuse opportunité, puisqu’elle lui fait bénéficier de plusieurs types de terroirs, bien mis à profit dans la conception des vins qui en sont issus. Inscrit dans les aires en appellation Lirac et Tavel, l’ensemble souffre d’une seule exception, celle constituée par une parcelle hors AOC, de moins d’un hectare et ayant droit à la dénomination IGP Pays d’Oc. De nature argileuse, ses sols portent des vignes d’une quinzaine d’années, à la source d’un blanc issu exclusivement du cépage rolle. En 2024, son expression est exemplaire du dessus du panier de sa catégorie, réputée modeste, et se prévaut d’un nuancier d’arômes raffinés et d’évidentes qualités de corps, propres à satisfaire bien des occasions de convivialité.
Si l’on émet plus d’exigence dans la couleur, il y a lieu de se précipiter sur le lirac blanc « Les Deux Pins » pour le motif de sa rareté, s’agissant du produit d’un seul fût, soit quelques 600 bouteilles en tout et pour tout ! A ce niveau de production, il est presque inutile de dire que l’on aspire à de l’ambition. Formé de galets roulés sur un sol argileux, son terroir de naissance donne le ton aux variétés proprement rhodaniennes qui le composent, à savoir du grenache blanc et de la clairette représentées par des vignes bien enracinées, âgées d’une quarantaine d’années. Après une vinification suivant de bonnes règles, son élevage dans un fût neuf n’est pas pour rien dans l’élégance d’un 2024 que nous avons eu le privilège de pouvoir d’apprécier, étant donné que ce millésime était épuisé à la vente avant l’heure. On pose alors le verre à regret sur le frais souvenir d’une expression qui charme et comble les sens…
Dans leur ensemble, les tavels d’aujourd’hui ont tourné la page des atavismes qui handicapaient leurs aînés dans le concert des rosés contemporains, et le tavel « Les Deux Pins » n’échappe pas à cette heureuse tendance. Il va même plus loin dans le rafraîchissement du genre, un qualificatif à point nommé, car les cépages blancs y dominent justement, en l’occurrence du grenache blanc et de la clairette, lesquels forment plus de la moitié de sa composition. La part de blancs serait même largement majoritaire si tant est que le picpoul gris soit considéré comme une variété blanche. En fait, seul le grenache noir y est présent pour satisfaire à sa catégorie, et évidemment sa couleur, en l’occurrence une belle robe aux reflets rose fuchsia. En plus de cette alliance de cépages sans doute unique, il synthétise également les trois types de sols caractérisant le terroir de Tavel, tirant surtout parti des lauzes, soit des calcaires très durs, certainement à l’origine de la structure minérale rémanente dans l’expression du 2024. Celui-ci privilégie avant tout un fruit stimulant évoquant des baies rouges, tandis qu’un caractère épicé vient s’y mêler pour le nuancer à propos. Si cependant un reproche était à faire à ce millésime, ce serait sa propension à la générosité, qui amortit la sensation de fraîcheur qui lui est pourtant intrinsèque. En cela, Christian Paly confesse modestement « sur le Tavel, on se cherche », en avançant l’idée d’y inclure de la syrah pour en raviver le rendu. En tout cas, tel qu’il se présente, il procure déjà du plaisir.
Moins singulière, la constitution du lirac rouge « Les Deux Pins » n’est tout de même pas courante, puisqu’elle fait la part belle à de la syrah, à hauteur des trois quarts de son assemblage, le grenache venant en complément. Il faut dire que ces syrahs sont peu ordinaires. Agées de plus de 50 ans et plantées sur des sols argilo-calcaires, elles sont très peu productives, à l’avantage des qualités de fond du vin qu’elles engendrent. En appréciant le 2023, c’est pourtant son équilibre qui retient davantage l’attention plutôt que l’effet de concentration immanquable à la richesse de sève de ces vignes vénérables. Un élevage soigné n’est pas pour rien dans cette sensation favorable, même si le boisé qui le signale émerge quelque peu dans sa tournure actuelle.
Homologue en qualité du lirac blanc, le lirac rouge « Secret des Deux Pins » le rejoint également par sa confidentialité, n’étant produit qu’à quelques centaines d’exemplaires, en vérité l’équivalent d’un seul fût en contenant 400 litres. Provenant d’une vigne à dominante argileuse, il diffère du « simple » Lirac par une composition où le grenache se taille la part du lion, suivant une proportion qui frôle les 100 %. Le recours à ce cépage ouvre la porte de la séduction à un 2023, dont la palette des flaveurs joue à merveille et sans lésiner sur ce registre, d’autant plus que le boisé y est imperceptible. Plus en substance que son homologue, il ne le paraît guère dans l’absolu grâce à la forme de fraîcheur qui encadre avec bonheur son entière expression.
Même si ce vin est hors sujet, car vauclusien de naissance, il vaut la peine d’être cité, s’agissant d’un châteauneuf-du-pape dont la qualité et le style nous ont subjugué. Bien que partie intégrante de la gamme « Les Deux Pins », il provient d’une parcelle délimitée au sein du vignoble châteauneuvois, dans un terroir de galets roulés, si emblématique du cru. Son essence est tout autant singulière, s’agissant de grenache pur, ainsi que l’y autorise la règlementation de cette prestigieuse appellation. D’autre part, a contrario des cuvées en Lirac, son élevage est strictement effectué en cuves, de manière à restituer sans fard son essence. Et ce n’est pas la riche palette aromatique du millésime 2023 qui désavouera cette approche, sans parler de ses autres qualités se réclamant sans ambages de l’épicurisme.
Dégustation
IGP Pays d’Oc – blanc 2024
Nez : derrière un léger voile minéral, son enveloppe de fraîcheur contient de notes subtiles et stimulantes de fleurs et d’agrumes, que rehausse un accent mentholé.
Bouche : l’élégance de sa rondeur se double de l’agrément d’une matière ondoyante, tandis que sa trame de fond avoue un léger penchant chaleureux d’où ressort un goût d’agrumes aux sucs persistants fort à propos. Tapissée d’un grain délicat de nature minérale, sa finale renoue avec ses qualités premières.
Tavel 2024
Nez : bien expressif, il s’en dégage d’emblée une sensation combinant fraîcheur et un petit air éthéré, où s’allient de plaisantes senteurs framboisées.
Bouche : matrice de sa fraîcheur, une impression de volume répartit très harmonieusement sa matière. Sous l’influence d’un courant épicé, un goût généreux approchant des arômes perle en sucs salivants et gourmands, et persiste longuement avant de se dissiper sous l’effet de la structure minérale perçue en finale.
Lirac rouge 2023
Nez : fondu dans un boisé séducteur, il déborde d’un velouté affriolant de senteurs mariant à merveille fruits rouges, réglisse et épices douces.
Bouche : son appréciable rondeur atteste d’un bel équilibre qui sert une matière ample et d’une texture juteuse. D’un penchant épicé, des saveurs puissantes et savoureuses confondent les arômes tout en laissant poindre un léger boisé. Signe de sa jeunesse, la structure s’affirme à travers des tanins fins et tendres.
Lirac rouge 2023 – « Secret des Deux Pins »
Nez : il captive par sa dense et riche teneur fruitée sous l’aspect d’un bouquet très séduisant et plein d’acuité de fruits rouges (cerise-fraise), où viennent se lover des notes épicées.
Bouche : largement déployé, son profil jugule à merveille sa nature concentrée pour en magnifier le toucher et faire pleinement apprécier des saveurs délicieuses et littéralement pénétrantes, où les arômes se transposent fidèlement. Un ourlet de tanins soyeux parachève son expression.
Châteauneuf-du-Pape rouge 2023
Nez : il embaume une heureuse alliance faite d’une bigarrure de fruits rouges, d’un air floral (pivoine) sur un registre épicé et une note de laurier que l’on subodore par moments.
Bouche : admirable, son équilibre engendre une texture délicatement pulpeuse, creuset de l’expression luxuriante d’un goût exquis, intense et sapide, offrant un riche écho aux arômes. Le velours des tanins ajoute à son style sensuel et sans fard.
Prix au domaine des vins cités :
– IGP Pays d’Oc : 8 € – Tavel : 10 € – Lirac rouge : 15 € – Lirac blanc : 18 € – Lirac « Secret des Deux Pins » : 20 € – Châteauneuf-du-Pape : 35 €
Site internet > ici
Adresse > 41 Ancienne route de Rochefort, 30126 Tavel
Domaine Maby
Enraciné de longue date dans le pays de Tavel, la famille Maby s’est pleinement investie dans la viticulture en créant le domaine portant son nom juste après la seconde guerre mondiale. Alors d’une modeste superficie de 6 ha, il atteindra les 120 ha dans les années 1970, pour ensuite se voir réduire à 60 ha suite à un partage entre successeurs effectué en 1995. Et c’est cette dernière donnée qui situe aujourd’hui son importance et en fait un acteur non seulement important mais encore très en vue sur les appellations Lirac et Tavel. Roger Maby le conduit jusqu’en 2005, année où son fils Richard le rejoint. Formé pour un tout autre univers professionnel, ce dernier avait cependant en lui la foi d’en devenir un jour le vigneron, un vœu désormais exaucé et accompli avec brio. Animé par la volonté d’adapter sa production aux exigences de son temps, Richard Maby a entrepris une identification précise des parcelles composant son vignoble, qui a abouti à la création de nouvelles cuvées. Son mode d’exploitation a été revu en conséquence, adoptant la pratique d’une viticulture biologique et de vendanges manuelles, des choix respectables eu égard à sa superficie.
La gamme « La Fermade » désigne ses cuvées historiques en Lirac et se décline dans les trois couleurs. Avec près d’une dizaine d’hectares consacrés à du blanc, le domaine se trouve être le principal producteur de l’appellation, dont le blanc « La Fermade » serait en quelque sorte l’emblème. Représentative des usages rhodaniens en matière de cépages, son expression est orchestrée par du grenache blanc, tandis que clairette, picpoul et ugni blanc y jouent de concert. Loin d’être marginale en production, on en admire d’autant plus l’achèvement, tout comme un style délicatement parfumé et foncièrement délicieux, ainsi que l’exprime un 2023 qui de surcroît ne manque pas d’allure.
« Casta Diva » est le nom d’une autre cuvée de blanc, un nom inspiré de l’opéra lyrique, un univers cher à notre vigneron, qui laisse entendre sa vocation hédoniste. Et c’est bien ainsi que se livre un 2023, où tout a été mis en œuvre pour satisfaire une telle destinée, à commencer par une alliance judicieuse de 2/3 de grenache et 1/3 de viognier. Une patiente élaboration en contenants de bois neuf appelés pièces bourguignonnes (228 L) façonne son profil noblement et sans le farder, en symphonie avec un fruit raffiné et d’une profonde teneur. Au-delà de leur délectation, ses qualités invitent à une gastronomie de premier ordre, volontiers inventive. Sa rareté de goût ne rime pas pour autant avec une production confidentielle, ce qui souligne là encore le mérite du domaine à ce sujet.
« La Fermade » se décline également en rosé, élaboré distinctement de ses propres tavels, mais suivant un même principe de macération. Issu d’un terroir sableux et de vignes rayonnant de leur quarante ans, il allie presque à parité cinsault (60 %) et syrah, au profit d’une expression qui respire de la gourmandise. Son 2024 dégage ainsi de telles senteurs, comme de la fraise mâtinée d’épices, et tapisse le palais d’une matière substantielle pour son genre, quoiqu’infiltrée de fraîcheur de manière à satisfaire son caractère passe-partout.
Fier emblème de sa production et belle référence au sein de son cru, le rouge « La Fermade » donne du Lirac une interprétation des plus accomplies. Singulière, sa composition plaide largement en faveur du mourvèdre (50 %), que du grenache et de la syrah escortent pour le reste. Son 2022 est le produit d’une vendange naturellement peu abondante et le reflète par un profil concentré, exprimé avec tous les équilibres attendus pour plaire sans encombrer le palais, reportant alors sa richesse sur un fruit d’autant plus savoureux.
Baptisé « La Forcadière », le tavel originel du domaine apparaît comme exemplaire de son type, déjà par une robe foncée si caractéristique, témoin d’une longue phase de macération des raisins de manière à extraire au mieux leur jus. Il résulte d’autre part d’une synthèse des grands types de terroirs déterminant le cru, respectivement désignés par la trilogie : galets roulés, sables et lauzes (voir la photo ci-avant). Il en est de même concernant sa composition, où pas moins de 7 cépages y concourent, dont un noyau dur constitué de cinsault, syrah et grenache, dans l’ordre de leur importance. Fort de cette constitution, « La Forcadière » 2024 offre un fruit délicieux et un caractère étoffé, propres à s’en délecter les papilles.
Et si l’on est en quête d’un surcroît d’exigence en matière de tavel, « Prima Donna » est la cuvée toute indiquée pour la combler. Pour cette ambition, le vigneron va chercher des raisins bien mûrs sur un terroir propice, à savoir des galets roulés, et emploie des cépages dans cette mesure, grenache et tête, syrah et cinsault en complément. Ainsi conçu et comparativement à « La Forcadière », son 2024 ne perd rien en senteurs gourmandes, les exprimant sur un ton plus nerveux qu’acidulé, évoquant alors des fruits rouges comme de la cerise. En bouche, l’expression est plus corpulente et généreuse, susceptible de braver sans coup férir des mets en conséquence.
Classé en Tavel en toute logique, « Libiamo » mérite cependant une considération particulière en raison d’un mode d’élaboration atypique et certainement unique dans l’appellation. Cette cuvée est en effet vinifiée puis élevée dans de grands fûts de chêne appelés demi-muids (600 L). Non content de la distinguer ainsi, Richard Maby l’a conçue en y assemblant moitié-moitié grenache noir et grenache blanc. Ainsi pourvue, et si l’on s’abstrait de la sensation boisée qui y influe modérément, son 2023 déploie une éclatante fraîcheur de constitution et fait preuve d’une expressivité hors pair. Ces superlatifs laissent entendre la séduction tout comme l’indéniable surprise que suscite ce tavel d’exception. Son auteur compte en plus le parfaire dans le millésime 2024 en renonçant à l’usage exclusif de bois neuf, employé jusqu’ici. Cela dit, le contentement procuré par son style actuel a largement de quoi retenir les plus fins gourmets.
Le lirac rouge ayant pour nom « Nessum Dorma » le porte bien si l’on prend à la lettre ce qui est avant tout une réplique dans un opéra de Puccini ! En tout cas, son mot d’ordre – traduit par : « que personne ne dorme » – lui est parfaitement seyant par allusion au caractère épatant qui émane du millésime 2022. Pour parvenir à un tel résultat, le vigneron a sélectionné des syrahs au cœur des parcelles les plus douées, en procédant de même pour des grenaches, minoritaires dans l’assemblage (20 %). Un élevage judicieux, adapté à chaque cépage, a souligné et affiné dans le sens de la grâce et de la suavité une expression d’une prenante générosité. Elle incarne en cela le potentiel de grandeur du terroir de Lirac.
Bel Canto » est un lirac qui lui donne toute sa voix à un grenache qui va puiser son lyrisme dans des sols de galets roulés pour en rendre une quintessence confondante. Il est l’œuvre d’un mode d’élaboration exécutée avec adresse et pertinence, faisant que sa longue phase d’affinage se déroule dans des demi-muids déjà avinés. Aujourd’hui épanoui, le 2021 apparaît à l’acmé d’un style dont le précieux raffinement s’apprécie dans l’écrin de volupté que forme un fruit de noble opulence, aux flaveurs toutes méditerranéennes. Davantage que « Nessum Dorma », il n’a rien à envier à l’illustre cru situé presque en face sur l’autre rive du Rhône, Châteauneuf-du-pape pour ne pas le nommer.
En dehors de ses vignes en cru Lirac, le domaine en exploite en Côtes du Rhône au bénéfice d’une cuvée en rouge dont l’agréable souplesse laisse entendre un usage convivial. Nommé « Variations », il s’agit d’un assemblage canonique de sa région et qui rassemble ainsi syrah, grenache, mourvèdre et carignan, étant modelé aux 2/3 par les deux premiers. Peut-être moins doué par leurs sols, les parcelles à son origine le sont par l’âge élevé de leurs vignes, soit quelques 70 ans. Destiné à être apprécié sans manières, il en a tous les aspects et notamment l’attrait d’un fruit gourmand, et en donne plus par une harmonie d’ensemble peu courante dans sa catégorie, cela sur l’impression que laisse son 2023, convaincante s’il en est.
Dégustation
Côtes du Rhône rouge 2023 – Variations
Nez : un air épicé y surmonte un registre velouté et affriolant de baies rouges (cerise) ou noires (myrtille), doublées d’un accent réglissé.
Bouche : sa jolie rondeur sied à une matière souple et équilibrée, dont la texture onctueuse contient la part gourmande des arômes qui se prolonge jusqu’à ceindre une finale aux tanins légers et fondants.
Lirac blanc 2023 – La Fermade
Nez : un voile minéral fumé recouvre un courant de senteurs subtiles, florales, anisées, de graines de fenouil et de fruits blancs.
Bouche : sa rondeur harmonieuse encadre une matière ample au toucher délicat, où s’anime un goût généreux, pulpeux et gourmand, et ressenti comme un fondu des arômes. La sensation du fruit qui en émane fait saliver et persiste longuement jusqu’à la perception d’un grain minéral.
Lirac rouge 2022 – La Fermade
Nez : il répand l’opulence d’un fruit attrayant de baies sauvages, tandis qu’un rehaut réglissé agit à point nommé.
Bouche : elle captive par sa plénitude et un caractère foncièrement savoureux sur le registre des arômes, d’où émerge un aspect épicé particulièrement persistant. Encore sensibles, les tanins présentent cependant un profil fin et soyeux.
Tavel 2024 – La Forcadière
Nez : son approche bien fraîche et tonique l’est sur un ton très gourmand que suscitent des senteurs de fruits rouges acidulés (fraise, groseille), parsemées d’épices.
Bouche : à l’agrément de sa riche étoffe, elle ajoute celui de saveurs délicieuses à l’instar de son expression aromatique et qui cèdent en finale à un effet de noble amertume, indice de son caractère minéral.
Tavel 2023 – Libiamo
Nez : sa nature boisée se ressent par un aspect vanillé et s’exprime parallèlement à un bouquet frais et chatoyant, mêlant intimement fleurs, fruits rouges et fines épices.
Bouche : son ampleur remarquable et sa fraîcheur de constitution exaltent un goût intense et vivace proche des arômes, qui se diffuse par des sécrétions fruitées (fraise, groseille), épicées et vanillées, et que revigorent de nobles amers d’essence minérale.
Lirac rouge 2022 – Nessun Dorma
Nez : d’une prenante suavité, il dispense des notes boisées flatteuses qui disputent son expression à un fruit proche de l’opulence, similaire à celui de baies noires (mûre, myrtille) rehaussées d’une touche de réglisse.
Bouche : son beau volume foisonne d’une chair fine et très pulpeuse, d’une haute teneur fruitée sur des saveurs définies à l’instar des arômes. Les tanins affirment leur présence à travers la trame serrée d’une étoffe soyeuse.
Lirac rouge 2021 – Bel Canto
Nez : son rendu voluptueux dénote une maturité et une densité superlatives sans perdre le fil d’un envoûtant parfum de garrigue d’où émerge à s’y méprendre une note de figue sèche.
Bouche : elle conjugue plénitude, raffinement et délicatesse au bénéfice d’une texture fraîche et déliée, dont la profonde et noble sapidité rayonne d’un registre faisant miroir aux arômes, innervé à propos d’un goût évoquant de la cerise, et agissant jusqu’à la rencontre de tanins finement ciselés.
Prix au domaine des vins cités :
– Côtes du Rhône « Variations » : 10,20 € – Lirac « La Fermade » rosé : 12,10 € – id. blanc : 13,60 € – id. rouge : 14,60 € – Tavel « La Forcadière » : 12,10 € – Tavel « Prima Donna » : 14,50 € – Tavel « Libiamo » : 22,80 € – Lirac blanc « Casta Diva » : 22,80 € – Lirac rouge « Nessum Dorma » : 22,80 € – Lirac rouge « Bel Canto » : 30,60 €
Site internet > ici
Boutique en ligne > ici
Adresse > 249 rue Saint-Vincent, 30126 Tavel
A suivre …
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