Le Sud-Ouest en 6 portraits (1 ère partie)
Il en faudrait beaucoup plus (que 6) pour faire le tour de cette formidable région, attachante, gastronome et passionnante pour l’amateur de vins. Le Sud-Ouest c’est une trentaine d’appellations, 50 000 hectares de vignes, sur un petit quart du pays, entre l’Océan Atlantique, les Pyrénées et le Massif Central.
La plupart des vignobles, mais par tous, sont situés le long des rivières qui convergent vers l’estuaire de la Gironde et son port Bordeaux. Cette voie royale vers l’Atlantique aurait pu permettre à tous ces vins d’amont de partir à la conquête du monde. Las, les bourgeois de Bordeaux veillaient et ont longtemps bloqué leur accès à la mer, au nom d’un privilège qui a duré jusqu’en 1789. Puis ce furent les maladies du XIX è siècle, les crises et les guerres du XX è siècle. Bref, le Sud-Ouest n’a pas eu beaucoup de chances avec l’histoire mais son long enclavement a aussi eu des vertus : la conservation d’un beau patrimoine de cépages et des vins au caractère bien trempé, redécouverts depuis quelques décennies par des vignerons dynamiques qui n’ont qu’une envie, rattraper le temps perdu.
Elian Da Ros, Domaine Elian Da Ros, Côtes du Marmandais
Une forte personnalité, un attachement sincère à ses racines, du talent et « un peu de passion et de folie », c’est une des recettes pour se faire une place quand on vient d’un vignoble quasiment inconnu. C’est en tous cas celle d’Elian Da Ros, vigneron installé à Cocumont dans les Côtes du Marmandais. Jusqu’à lui, cette appellation du Lot-et-Garonne qui touche le bordelais, se résumait à une coopérative qui réunissait presque tous les vignerons de la région. Son père était l’un d’eux. Très jeune sa voie était tracée. « A 16 ans, j’aidais la coopérative à faire des sélections parcellaires ». Puis ce fut un long et fructueux apprentissage au domaine Zind Humbrecht en Alsace, avant un retour dans le Marmandais. « Je suis un enfant du pays, je me suis jamais posé la question, c’était évident pour moi d’y revenir ». Tout est à bâtir mais il revient d’Alsace avec une sensibilité et des convictions : la biodynamie, des vinifications au plus près du fruit, parcelles par parcelles, en foudres et fûts de plusieurs vins, et l’envie de faire bouger sa région et de sortir le Marmandais de l’ombre du voisin bordelais. Il quitte la coopérative et complète les 7 hectares du vignoble paternel par des achats. Premières vendanges en 1998 et premiers succès avec ses cuvées Chante Coucou et Clos Baquey toujours au sommet de sa gamme. Les cépages sont bordelais (merlot, cabernet-sauvignon, cabernet franc, sauvignon et sémillon) mais les vins ont le tempérament du Sud-Ouest, avec des structures bien affirmées et un fruit vibrant et intense, qui demandent parfois du temps et une aération en carafe. L’enfant du pays s’est logiquement pris de passion pour le cépage local, l’abouriou dont il sait dompter les tanins dans une cuvée fraîche, florale et épicée. Le blanc (Coucou blanc) est splendide, à la fois perçant, volumineux et parfumé, le Clos Baquey de longue garde. « Le vin est une fête » est le slogan maison et le nom d’un rouge d’entrée de gamme, friand, aux notes épicées et animales.
Alain Gayraud, Château Lamartine – Cahors
« On est ici depuis la Révolution Française, et sans doute plus » précise Alain Gayraud, le propriétaire souriant du Château Lamartine, l’un des beaux noms de Cahors. Sa famille a connu les jours heureux et les jours sombres de cette appellation qui a failli mourir plusieurs fois. Les paysages magnifiques de cette région de terrasses n’ont pas toujours nourri leurs vignerons « On a été habitué à la misère » avoue-t-il en ayant bien conscience du chemin parcouru. Figure de Cahors, Edouard Serougne, son grand-père, luttait dès les années 30 pour l’AOC et la défense de son cépage emblématique, le côt (malbec). Alain Gayraud a hérité de la fibre familiale pour ce cépage et d’un beau domaine de 35 hectares très bien situé sur les hautes terrasses du Lot, exposés sud, dans la partie la plus à l’ouest de l’appellation qui est aussi la plus précoce. Rien de trop donc pour amener le malbec à maturité. Depuis son arrivée au domaine, il y a 35 ans, il a eu tout le temps de dompter cette variété compliquée « bien campée sur ses trois pieds, alcool, tanins et acidité, mais qui demande un énorme travail dans la vigne si on veut obtenir une maturité homogène ». C’est donc quelques milliers d’heures passées dans la vigne, entre travail des sols, effeuillage et vendanges en vert, avec à l’arrivée un raisin aussi mûr que possible, vinifié simplement mais efficacement dans un chais moderne, avec utilisation de la barriques dès 1986. « Rigoureux » et « cartésien » comme il se définit lui-même, Alain Gayraud préfère la régularité aux coups d’éclats. Objectif atteint avec une gamme courte, jamais prise en défaut, qui illustre toutes les vertus des cahors d’aujourd’hui : des tanins fermes, de l’acidité, bref du caractère mais enrobé d’un fruité intense, parfumé qui leur donne de la chair et de la profondeur. Superbe illustration avec la Cuvée Particulière 2010, mûre, aromatique, solide et fraîche qui fera longuement vibrer vos papilles.
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David Fourtout Château Les Tours des Verdots – Bergerac
« On a des gens qui viennent au domaine et une fois sur place, quand ils voient les bâtiments et surtout le grand parking à l’entrée, ils ne s’arrêtent pas et rebroussent chemin ! ». Le sourire aux lèvres, David Fourtout ne leur en veut surtout pas. « On a un peu des installations à la bordelaise et certains ne s’attendent pas à voir ça ». Sa filiation bordelaise, il l’assume fièrement d’autant que sa famille en est originaire. Elle a quitté Saint-Emilion après le phylloxéra pour s’installer dans le Périgord. Pendant plus d’un siècle, les Fourtout ont été polyculteurs et éleveurs, jusqu’à une heureuse rencontre en 1992 avec le directeur technique de Mouton Rothschild. « Il m’a fait faire la tournée des premiers crus classés du bordelais et a été pour moi un vrai mentor » précise David Fourtout. Il abandonne alors l’élevage pour se consacrer exclusivement à la vigne et part à la conquête d’un monde qui lui apportera que des joies. « Je lui dois des tas de rencontres, mes meilleurs amis et une affaire qui marche » : 10 ha en 1990, 45 aujourd’hui, des bâtiments imposants, un chai flambant neuf et surtout une solide réputation qui en fait l’un des vignerons les plus en vue de Bergerac. Ambitieux et méticuleux, il a fait un travail de fond dans le vignoble, cartographié et décortiqué dès 1998, et opté pour de fortes densités de plantations, « la clé pour des vins vraiment expressifs ». Le reste se passe en cave avec un flair certain pour proposer des vins bien en phase avec l’époque, charnus, aromatiques avec des élevages ambitieux pour les vins haut de gamme. Ils offrent une belle déclinaison des cépages bordelais à la mode périgourdine et toute la facette des vins de Bergerac, secs et doux. Pas utile de monter haut dans la gamme pour se faire vr
aiment plaisir : les entrées de gamme sont un délice de fruit avec un coup de cœur pour le sauvignon, impeccablement mûr et parfumé, et le merlot, tout en rondeur et en fruit.
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