Les belles promesses du Duché d’Uzès

Les belles promesses du Duché d’Uzès

Désuet dans son acception première, le vocable Duché d’Uzès désigne désormais un territoire profane, pour ainsi dire, celui d’une appellation d’origine contrôlée/protégée qui rayonne depuis l’épicentre que forme la belle cité gardoise d’Uzès. Relativement récent (2013), ce label est octroyé dans les trois couleurs à des vins répondant à des critères stricts, de manière à leur assurer une identité plus forte que celle émanant des dénominations qui jusque-là canalisaient la production de cette partie nord du Gard. Les vins labellisés Duché d’Uzès sont ainsi le fruit d’une discipline accrue des modes culturaux et d’une délimitation plus précise de l’aire géographique. Pouvant être perçu comme dirigiste dans ses dispositions, le décret d’AOC Duché d’Uzès a cependant l’avantage de refléter une exigence et une rigueur dont étaient dépourvues des AOC promulguées antérieurement, parfois de longue date. Un repérage des potentialités viticoles des sols et des considérations d’ordre sociétal ont ainsi redonné du crédit à la notion d’appellation d’origine. De la sorte, le consommateur a la garantie d’une authenticité plus flagrante que celle présentée par les IGP (ex-Vin de Pays) encadrant le vignoble ayant le massif des Cévennes comme proche horizon.

Les vins signés Duché d’Uzès font ainsi la fierté d’une région dont les cadres de production ne permettaient pas une lecture claire de son versant qualitatif, l’image des IGP rimant souvent avec des critères souples et peu exigeants. Ainsi, les vignerons qui transgressaient ces règles au profit de l’ambition ont eu là la récompense de leurs efforts, avec une étiquette à l’avenant. Le fait d’instaurer une nouvelle discipline du métier a eu pour heureuse conséquence de susciter une plus saine émulation, où la notion de terroir a mieux retrouvé ses droits, sans brider la créativité inhérente à un jeune vignoble.   

Un vignoble revenu de loin…

Les annales rapportent qu’autour de 1400 l’évêque d’Uzès possédait une vigne qui fut l’objet d’un dicton où l’on vantait les vertus conciliatrices de son vin blanc ! Moins légendaire est l’adage prêté au dramaturge Jean Racine, de passage dans cette cité, et selon lequel on y faisait « le meilleur vin du royaume ». Ainsi, rien de très remarquable n’est resté de la mémoire du vignoble, sauf le dramatique épisode du phylloxéra qui a affecté le département du Gard aux premières heures de son apparition. En effet, c’est en 1863 que le foyer initial de fléau a été identifié dans des vignes du côté rhodanien. Il n’a pas tardé à infester le secteur cévenol du département pour y détruire le vignoble existant jusque-là. D’importantes plantations de variétés hybrides pallièrent alors la disparition des cépages autochtones affectés par ce fléau. Ces nouveaux plants aideront à affronter une autre maladie apparue ces années-là, le mildiou, un champignon qui prolifère en ambiance humide, ainsi au pied des Cévennes où s’étend le vignoble à l’origine de celui du Duché d’Uzès.

Malgré leur interdiction officielle en 1934, les hybrides subsisteront en nombre jusqu’à la fin des année 50, surtout côté Cévennes où une viticulture domestique a perduré. Déjà interdites, ces vignes jadis salvatrices subiront le coup de grâce asséné par l’apparition d’intrants chimiques efficaces contre les maladies cryptogamiques. La page de sauvegarde du vignoble a ainsi été tournée et les cépages portant les noms de Clinton, Noah, Isabelle, etc. disparaissent des parcelles pour survivre ici ou là, leur arrachage ayant été rendu obligatoire par une ordonnance pénale de 1958. Symbole d’une période peu glorieuse, d’un temps de purgatoire, ces cépages interdits retrouvent grâce auprès de nostalgiques d’une viticulture très confidentielle dont les racines n’ont pourtant rien d’ancestral.

Son terroir

Le territoire englobant le vignoble se trouve dans la zone gardoise appelée les Garrigues, qui s’étend de la faille des Cévennes à celle de Nîmes, celle des Cévennes désignant la partie précédant le massif montagneux du même nom. Ainsi, les vignes en Duché d’Uzès occupent la partie nord de cet espace, appelé parfois « gradin languedocien », formé de reliefs ondulants dont la nature se lit comme un patchwork alternant roches et sédiments, où dominent des calcaires et des marnes.

Si le régime méditerranéen caractérise son climat, la proximité du massif des Cévennes en tempère les extrêmes, au profit de l’équilibre et l’expressivité des vins. Ces conditions avantagent en outre des cépages natifs de régions plus septentrionales, comme la syrah et le viognier. Leur statut de cépages principaux dans le décret d’AOC est ainsi bien fondé, comme en témoignent de manière convaincante les produits revêtant ce label.

Quelle identité ?

Les aspects du décret d’appellation pouvant être perçus comme contraignants ont donc obéi à une volonté de donner une pleine identité aux vins produits sur l’aire du piedmont cévenol. Cette démarche a tenu compte des traditions vigneronnes nées après la reconstitution du vignoble et l’abandon des palliatifs qu’ont constitué les cépages hybrides. Elle s’est également positionnée par rapport à l’ensemble des Vins de Pays, dénommés aujourd’hui IGP, qui quadrillent l’ensemble du territoire concerné. Ce recentrage sur les facteurs renforçant une idée d’authenticité a cependant tenu compte des acquis relativement récents, et notamment des cépages rapportés depuis les Côtes du Rhône septentrionales, ainsi que je l’ai dit précédemment.

Dans cette volonté d’encadrer un style, le nombre des cépages principaux a été réduit à des duos : grenache noir et syrah en rouge, grenache blanc et viognier en blanc. Qui plus est, ces variétés doivent obligatoirement être prépondérantes dans les parcelles de vignes classées en Duché d’Uzès, ainsi que dans la composition des vins. Toutefois, les vins blancs s’ouvrent davantage à la créativité en devant inclure une part modérée des cépages secondaires, en l’occurrence les roussanne, marsanne et vermentino.  

Pour louables qu’elles soient, et malgré les réserves qu’elles pourraient susciter, ces dispositions ne conduisent pas forcément à l’uniformité. Une immersion dans le vignoble, telle que j’en ai fait l’expérience récemment, permet de s’en rendre compte aisément. L’esprit de motivation inhérent à une jeune appellation et des savoir-faire individualisés ont donc fécondé une pluralité dans les expressions porteuses du label Duché d’Uzès.

Cependant, force est de constater que dans la volonté de bien faire, on cède parfois à des techniques qui tendent paradoxalement à amoindrir l’intégrité ou la personnalité des vins. En cela, le fût de chêne ou les effets générés par ses succédanés restent encore le credo pour signer l’ambition des vins.

Dans une même considération, l’utilisation de la syrah en forte proportion dans les rouges tend à unifier leur palette aromatique ainsi qu’à y amplifier puissance et corpulence, cela au détriment de leur équilibre et digestibilité. Si le cépage mûrit parfaitement en terre cévenole, sans verser dans l’opulence, sa nature aromatique penche volontiers vers un fort côté réglissé au risque d’en devenir entêtante. De la sorte, la forme de fraîcheur induite par ce registre se transpose en une vigueur parfois déconcertante dans le goût, surtout lorsqu’un profil massif est de la partie. Sans être systématiques, ces traits excessifs sont récurrents et font se poser la question du dessein de l’AOC en matière d’identité. Gageons qu’à l’issue d’une période probatoire, elle verra son potentiel exploité avec davantage de justesse, le temps que le nom de Duché d’Uzès gagne la reconnaissance qu’il mérite.

Mes étapes

La sélection suivante résulte d’une dégustation faite à l’aveugle au siège du syndicat d’appellation. Elle a été confortée par des visites aux coopératives et domaines dont les vins avaient retenu mon attention. Si elle a respecté l’ordre de mission de couvrir les territoires de l’AOC Duché d’Uzès, ma tournée n’a pas eu lieu dans un esprit d’exclusivité et a pris en considération ici ou là des cuvées en IGP Cévennes, une dénomination très dominante dans la production globale. J’en ai parfois rendu compte avec le discernement nécessaire.   

Maison Blanc-Senthille

Emmanuel Senthille a été professeur des écoles avant de créer son propre domaine en 2018 à partir de vignes familiales, qu’il continue d’ailleurs d’exploiter comme coopérateur. Il exerce ainsi son métier de vigneron sur seulement 4 ha, qu’il a converti d’emblée à l’agriculture biologique et vendange à la main. Cet engagement pour une viticulture responsable n’est qu’une étape vers la biodynamie, dont il suit déjà quelques préceptes. Le travail en cave prolonge l’exigence dont il entoure celui de la vigne, accordant un soin tout particulier à l’élevage des vins. Le fût de chêne est de règle pour peaufiner le meilleur de sa production et contribuer à l’élaboration son blanc « Mademoiselle Jeanne », en IGP Cévennes, s’agissant d’un pur viognier. A la faveur du millésime 2020, et avec l’adjonction du grenache, ce vin ira enrichir de son élégance le cercle des Duché d’Uzès. La composition des deux rouges en AOC est dominée par la syrah, surtout Hommage, une cuvée pleine de panache, malgré une forte empreinte du boisé, qui en détourne le fruit au profit des artifices qu’il engendre, fussent-ils très séducteurs, comme en l’occurrence dans son 2018. L’authenticité s’apprécie nettement dans la Belle Histoire, un rouge qui ne voit pas le bois et dont le 2019 laisse s’exprimer le fruit dans toute sa force et s’écouler en un courant savoureux. A l’aune de ces expressions, dont le vigneron admet la perfectibilité, ce tout jeune domaine s’inscrit déjà parmi ceux que l’appellation Duché d’Uzès compte de plus prometteur.

Mon vin préféré :

Belle Histoire – rouge 2019

Au nez, franchise et plaisir sont au rendez-vous sous l’aspect de fruits noirs, d’olive et d’épices. Dans une bouche ample, et grâce à une structure parfaitement assimilée, la matière glisse et s’épand sous un aspect juteux, exprimant en puissance un goût frais et pêchu, foncièrement savoureux, en écho aux arômes, avec au surplus une pointe réglissée rémanente et délicieuse. 11 €

Les Collines du Bourdic

Cette importante coopérative produit le tiers des volumes de l’appellation, une position qu’elle honore dignement sur le plan de la qualité. Il faut dire qu’elle a été pionnière dans la mise en valeur du viognier au milieu des années 1990, avec une réussite qui lui a valu une bonne et durable réputation. Le choix heureux de ce cépage a consolidé le parti d’en faire un composant majeur dans les blancs de l’AOC.

Ses Duché d’Uzès se déclinent selon deux gammes, chacune représentée par les trois couleurs. La série générique a été baptisée Racine, en hommage au dramaturge Jean Racine qui, en son temps, avait fait les louanges des vins de l’endroit. Il s’agit de cuvées où, à mon sens, son savoir-faire est le plus convaincant. D’un abord facile, elles expriment clairement le fruit sous un jour charmeur ou savoureux. Par sa fraîcheur magistrale et un équilibre bien trouvé, le blanc en donne plus pour sa catégorie. Il serait d’ailleurs un modèle pour l’appellation sans les quelques relents technologiques qui le caractérisent. Cela dit, on aurait tort de bouder le plaisir que procure son édition 2019. Et si comparativement le rosé paraît bien sage, le rouge 2018 lui correspond mieux, dévoilant une belle synergie grenache-syrah, là où les deux variétés s’accordent au profit d’un agrément fait de rondeur et d’un fruit croquant. La Rabassière (truffière en occitan) est le nom désignant la gamme supérieure, produit de parcelles sélectionnées et partiellement élaborée en fûts de chêne. Il s’agit de vins plus apprêtés et qu’il faut savoir apprécier, ainsi le blanc 2019 encore sous l’influence du chêne neuf où est passée la roussanne qui le compose au tiers. Elaboré suivant un même protocole, le rosé séduit quant à lui sans attendre sur un registre gourmand, tandis que l’expression du rouge laisse perplexe tant le boisé se fait présent, alors que l’on se délecte de sa substance, du moins dans le millésime 2018.

Mon vin préféré :

Racine – blanc 2019

Magistrale, sa fraîcheur aromatique se double de l’effet charmeur et tonique d’un fruit aux accents herbacés et mentholés. Volume et rondeur dessinent une bouche dont la matière plaît par son glissant et continue de séduire par l’appétence que suscite un registre sur des agrumes imprégnant le cœur de l’expression et signant la suprématie de cette cuvée. 5,95 €

Durfort La Cave

Cette coopérative est située sur la commune du même nom, sur la partie la plus excentrée de l’aire d’appellation, au piedmont du massif des Cévennes. Sur ce secteur, la période de maturation des raisins est caractérisée par de fortes alternances thermiques jour/nuit, bénéfiques à la prévention du stress hydrique et à leur développement aromatique. Ainsi doté, ce terroir bénéficie à l’expressivité de tous les types de vins, et notamment ceux issus de cépages comme le merlot et le cabernet sauvignon, montrant ici un rare degré d’acclimatation. La syrah tire également partie de ce creuset et s’épanouit distinctement suivant les parcelles où elle est implantée. Ces différences de maturité sont habilement mises à profit dans la cuvée de rouge Le Duché, forcément en Duché d’Uzès, un vin fougueux sans sacrifier une bonne constitution. Quant aux blancs, ils gagnent toute la fraîcheur attendue dans leur couleur, ainsi Le Duché 2018 aux arômes particulièrement toniques et aussi alerte que des 2019 dégustés par ailleurs.  Le rosé 2019 de cette gamme est dans la lignée du blanc en matière de vitalité, tandis que sa substance en ferait une bonne alternative estivale à un rouge.  Encore très marginale, la partie du vignoble exploitée en agriculture biologique donne Persévérance, un rouge issu de vendanges bien mûres et faites à la main. Il s’en dégage une vraie personnalité, qui surprend dans le contexte d’une coopérative. C’est l’impression que donne un 2018, un vin déconcertant par un naturel qui n’exclut pas un air de rusticité plutôt attachant.  

Mon vin préféré :

Le Duché – rouge 2018

Les senteurs mettent du temps à se découvrir au profit de notes d’olive noire, touche réglissée. Cette phase de flottement contraste avec l’expressivité immédiate d’une bouche alerte et de belle consistance, dont la teneur le doit aussi à une nature généreuse, en concordance avec le ton des arômes et finissant sur des tanins légers et plaisants. 6,50 €

Domaine Les Lys

En 2015, Marie-Hélène Veyrunes et Thomas Faure ont repris ce domaine situé sur la commune de Blauzac et dont la particularité est d’être implanté sur des sols comportant des grès. Antérieurement, ils y étaient employés, d’où leur bonne connaissance du terrain et des vins qui y sont produits. Cette expérience a toute son importance vu qu’il s’agit d’un mode d’élaboration atypique et à contre-courant de la tendance globale à commercialiser des vins jeunes à très jeunes. En effet, les blancs et rouges proposés ici sont globalement des 2016. L’autre particularité des Lys est de ne pas produire de blanc ni d’ailleurs de rosé en Duché d’Uzès, son encépagement en blanc n’étant pas en conformité avec son cahier des charges. Ainsi, la majorité des cuvées sont en classées en IGP Cévennes et seule un rouge revendique l’AOC, mais sera bientôt rejoint par un autre, d’inspiration plus ambitieuse.

Faits presque exclusivement de chardonnay, donc en IGP Cévennes, les blancs 2016 ne sont pas d’un style primesautier et révèlent toute la personnalité gagnée par le processus d’un long élevage, avec pour fruit les nuances d’une sève sans rides, fraîche et intense. Le rosé (en IGP également) rompt avec cette méthode, s’agissant d’un 2019 à l’expression immédiate, opportunément baptisé « La Soif Rosé ». Les rouges sont empreints de la spécificité du domaine et sont délivrés sans hâte, ainsi le bien nommé Duché, forcément en règle avec l’AOC, un 2017 avec de l’éclat, bien en place au palais, sa matière y prenant joliment ses aises. Il sera bientôt rejoint dans cette catégorie par La Librotte 2016, une cuvée inédite qui succédera à « La Grande Rouge » en héritant des vertus des vieilles syrahs qui la composent. Riche de cette base et de grenaches sur grès calcaire, la future Librotte se présente comme un absolu, avec un rare relief dans la forme et le goût. Sur ce type de sol, le grenache suffit d’ailleurs à lui seul pour engendrer un rouge d’exeption, à condition d’avoir été travaillé patiemment dans des contenants qui l’épanouissent plutôt qu’ils ne le maquillent. C’est le cas pour « Caillasses », dont le 2016 présente un équilibre introuvable qui trouve sa source dans l’insigne dynamique qui en modèle le fruit et la constitution.   

Mon vin préféré :

La Librotte – rouge 2016

De ses senteurs émane une sève captivante, fraîche et intense, évoquant des fruits mûrs compotés doublés d’un soupçon framboisé. Au cœur de son caractère, la fraîcheur modèle et anime l’entière expression, y créant volume et reliefs, soulignant la matière et vitalisant un fruit dont l’essence puise dans le registre des arômes. Des tanins énergiques et sapides forment l’empreinte d’une structure en harmonie avec son grand naturel. 15 €

Vignerons Montaren-Servier

Située sur la commune de Montaren-et-Saint-Médiers, proche d’Uzès, il s’agit d’une petite coopérative comptant moins de 20 adhérents. Elle n’exploite qu’une partie des vignes en Duché d’Uzès, malgré un potentiel de production substantiel en AOC, dont les débouchés ne lui sont pas encore assurés. Pourtant la qualité est bien-là, avec des vins précis, sinon élégants, avec du fond et sur un équilibre remarquable, cela dans toutes les couleurs. Leurs prix particulièrement sages plaident encore pour eux. En cela, il faut voir un parcellaire bien identifié à la base, et au bout de la chaîne, un cadre d’élaboration efficient, quoique sans technologie particulière. Sa production principale en Duché d’Uzès compose la gamme Sélection Terroir et se décline dans les trois couleurs. Un air de famille réunit les 2019 avec des expressions où prime la netteté du fruit, chacune jouant à merveille sa vocation. Ainsi un blanc aux arômes toniques, un rosé désaltérant et un rouge avec du croquant forment un ensemble en tout point abouti. Une sélection accrue en rouge donne la cuvée Tradition dont l’élevage plus poussé fait appel au bois. Proposé actuellement, le 2017 flatte les sens pas son aspect boisé-vanillé tout en dévoilant un beau vin, sur un fruit encore jeune, d’une ampleur notable, et couronné de tanins d’un fini soyeux.

Mon vin préféré :

Tradition – rouge 2017

Attrayante, l’approche aromatique se fait sur un fruit voluptueux rappelant la myrtille, la violette, l’olive… En bouche, volume et belle rondeur se conjuguent pour former l’enveloppe d’une chair tendre dont le goût puissant et persistant reproduit les senteurs, tandis les tanins font apprécier leur allure soyeuse. 6,35 €

Les Vignes de L’Arque

Arnaud et Patrick Fabre accueillent les visiteurs par une vitrine épicurienne, à l’instar d’une épicerie fine où leurs vins trouvent naturellement leur place. Bien fournis en références viniques, ses rayons témoignent d’une heureuse diversité, produit d’un important vignoble exploité dans toutes les dénominations et appellations autorisées sur son territoire. Inventifs, nos vignerons le montrent à travers un blanc apéritif insolite, car issu du cépage muscat, forcément hors AOC et baptisée « Alexia » A l’autre extrémité de la gamme, leur audace s’illustre par le rouge « Confidentiel », lui en Duché d’Uzès, une cuvée forgée par le grenache, atypique en ce sens et ostensiblement ambitieuse. Et pour le délice du palais, ils dédient un « Saveur d’Automne », un vin doux issu de viognier surmûri.

La production du domaine en Duché d’Uzès se décline en deux gammes, l’une sans désignation particulière, avec des expressions au penchant savoureux, sans superficialité. Parmi eux, le blanc 2018 mérite une citation particulière pour sa netteté aromatique, l’agrément que procure son toucher de matière et l’exhalaison de fraîcheur signant au mieux sa vocation. A ces cuvées d’initiation, pour ainsi dire, succède la série Chant des Baumes, également dans les trois couleurs et les meilleures ambassadrices du savoir-faire des vignerons. Au-delà d’une vocation et d’une personnalité propre, toutes s’avèrent pleinement expressives, ainsi les morceaux choisis évoqués dans la suite.

Hormis le rosé qui joue pleinement et spontanément la carte gastronomique, l’expression du blanc et du rouge passent par le filtre d’un boisé qui, malgré le soin dont relève sa technique, persiste par sa présence dans les expressions que le domaine propose actuellement. C’est le cas pour le blanc 2018 et le rouge 2015, celui-ci d’une belle qualité intrinsèque malgré tout, qui le doit incidemment et paradoxalement à son mode d’élevage. Cuvée hors cadre, Confidentiel est issue très majoritairement de grenache, dont elle révèle les grandes vertus sur l’aire de l’AOC. Séjournant patiemment en fûts, elle en porte l’empreinte et demande un temps de garde pour lever le voile sur un fruit chatoyant, et laisser apprécier le velours qualifiant sa texture, à l’instar du 2017.  

Mon vin préféré :

Confidentiel – rouge 2018

De nobles exhalaisons boisées dominent nettement l’expression aromatique, où perce un fruit tout en discrétion. D’une étoffe ample et élégante, la bouche est encore sous l’emprise de son élevage, tout en faisant valoir un velouté tannique incomparable et la suavité suscitée par une expression superlative du fruit. A carafer impérativement pour apprécier son potentiel, mais assurément à garder. 20 €

Mas des Volques

Œnologue de formation, Nicolas Souchon a créé son propre domaine à partir de vignes familiales, qu’il continue cependant d’exploiter en qualité d’adhérent à la coopérative locale, celle de Durfort. Initié depuis son jeune âge aux pratiques viticoles, il n’a pas eu de mal à pénétrer les arcanes du métier en enrichissant sa formation par des expériences acquises auprès de domaines renommés sur Rasteau et Châteauneuf-du-Pape. C’est d’ailleurs dans ce dernier vignoble qu’il acquiert son métier en œuvrant comme maître de chai au Clos Saint-Jean. Et c’est dans la mouvance châteauneuvoise qu’il rencontre la personne qui jouera un rôle décisif dans la création du domaine. Il s’agit de Philippe Cambie, consultant et œnologue influent, très apprécié dans son action au service de nombreux domaines, dont certains de grande notoriété.

Se disant lui-même en apprentissage, ses vins démentiraient aisément ce trait de modestie en montrant un enviable degré d’achèvement et en affirmant un style que le vigneron qualifie de « ligne conductrice ». Il déclare ainsi affectionner le soyeux dans les vins et, dans ce dessein, fait appel à un usage modéré et raisonné du fût de chêne. Le bois, il le destine également à sublimer l’expression de son blanc Alba Dolia, un assemblage dont les cépages sont vinifiés et élevés distinctement, seuls le viognier et la roussanne voyant le bois, qui plus est de manières différenciées. De cette élaboration judicieuse résulte un 2018 superbe de fraîcheur, au corps tactile, d’une fluidité juteuse et où la puissance se fait suave. La netteté et l’expressivité de ce blanc hors pair font également les qualités du rosé Urnia, en l’occurrence un 2019 hautement raffiné pour la couleur, assimilable à un blanc dans sa forme, quoi qu’avec davantage de relief et une nature fruitée gourmande trouvant une alliance de choix avec l’aspect salin de la minéralité.     

Le rouge Esus captive par un grand naturel d’expression qui doit beaucoup à la transparence d’un élevage en cuve. Le 2017 apparaît comme tel, mu par l’énergie né d’un fruit réglissé et d’un équilibre sur la fraîcheur, traduit par une matière ample et juteuse. Bien ajustés à son profil, les tanins font encore valoir leur finesse. Sur une même composition mais diminué du cinsault, Volcae voit le duo syrah-carignan peaufiné par un élevage en fût puis assemblé avec un grenache de cuve. Il présente tout bonnement le profil d’un grand vin.

Mon vin préféré :

Volcae – rouge 2016

Une concentration fascinante d’arômes encore peu détaillés forme une introduction feutrée à un vin dont les qualités en bouche sont a contrario éloquentes. En effet, une sensation de volume et de raffinement caractérise une matière dont l’exquise teneur et la générosité sous-jacente sont aussi rares que l’équilibre qui les sert. Soyeux, le fini des tanins participe du caractère d’un ensemble ambitieux et harmonieux, encore appelé à s’épanouir. 13 €


La réalisation de cet article le doit à l’aimable concours du Syndicat des Vignerons du Duché d’Uzès et au dévouement d’Amandine Dusserre, son animatrice. Qu’ils en soient remerciés.

Crédit photo : Christophe Grilhé

L’auteur de l’article :

Diplômé en histoire de l’art, Mohamed Boudellal est journaliste et consultant en vins. Il a écrit pour la presse spécialisée, principalement pour la Revue du Vin de France et d’autres titres comme L’Amateur de Bordeaux, Gault & Millau et Terre de Vins. Il est co-auteur dans l’édition 2016 du « Grand Larousse du Vin ».

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