La biodynamie
La biodynamie dans le vin

La biodynamie

Un nombre croissant mais encore marginal de domaines viticoles s’est mis, depuis quelques années, à pratiquer une version de l’agriculture biologique qui porte le nom de « biodynamie ». Certains de ces domaines sont assez connus et produisent de très grands vins. Mais pas tous.Ce sont évidemment les domaines les plus médiatiques qui ont attiré l’attention et la curiosité d’autres producteurs comme celle de beaucoup de mes collègues journalistes.

L’inventeur/concepteur de la biodynamie s’appelle Rudolf Steiner, philosophe Autrichien qui vécut entre 1861 et 1925. Etymologiquement, le mot biodynamie, qui est donc un néologisme, signifie “force de la vie” ou “force vitale” : “bio” vient du grec bios, signifiant “vie” et “dynamie” du grec dunamis qui veut dire “force”. Je n’entrerai pas dans les multiples écrits de Steiner, qui a été très prolixe sur bien des sujets, en particulier religieux, mais aussi sociaux et politiques, avec des idées pour le moins sulfureuses et impubliables aujourd’hui. Son intérêt pour l’agriculture a été tardif, en 1924, et lui-même ne l’a jamais pratiquée, pas plus que la viticulture (il était contre l’alcool et n’en buvait jamais).

Le développement des méthodes de l’agriculture biodynamique est très largement le fait des suiveurs des préceptes de Steiner. Ces préceptes étaient, pour partie, plutôt basés sur le bon sens et sur les principes de l’agriculture traditionnelle : celle qui précédait l’ère de la monoculture et l’emploi massif d’engrais chimiques après la Première Guerre Mondiale. Et comme Steiner était un adepte de Goethe et de l’ésotérisme, l’ensemble était aussi fortement teinté de croyances et d’idéalisme. Pourquoi pas, mais il faut dire que cela ne facilite pas une approche rationnelle de la biodynamie. Disons, pour simplifier, que l’agriculture biodynamique est une version de l’agriculture biologique qui voit l’univers comme un ensemble et qui considère les interactions entre toutes ses parties, réelles ou imaginaires. Cette vision holistique est tout à fait estimable, mais elle implique certaines solutions et « remèdes » qui relèvent plus de la foi que de la science expérimentale.

Il faut rappeler les noms de quelques domaines qui pratiquent la biodynamie, pour montrer que ce ne sont pas tous des farfelus, loin s’en faut !

  • En Alsace : Zind Humbrecht, Ostertag, Deiss, Kreydenweiss, etc ;
  • Dans la Vallée de la Loire : Coulée de Serrant, Delevaux, Bellivière, Huet, Roches Neuves, Vacheron, etc ;
  • En Bourgogne : Chandon de Briailles, Domaine Leflaive, Leroy, La Soufrandière, etc ;
  • A Bordeaux : assez peu, mais Fonroque, Falfas et, depuis peu, Pontet Canet ;
  • Dans la Vallée du Rhône : Chapoutier, Montirius, Domaine de Bruyères, Domaine Dusseigneur.

Et il y en a beaucoup d’autres que l’on ne peut pas accuser d’être des mystificateurs patentés, et mêmes si les remarques de quelques-uns me laissent un peu perplexe.

On peut assez facilement comprendre l’avantage qu’il y a, aussi bien pour la santé de la terre, de la plante que pour celle des hommes qui la travaillent, de passer d’une viticulture intensive et chimique à une agriculture raisonnée ou biologique. Non seulement on diminue ou élimine l’usage de produits qui peuvent avoir des effets néfastes, mais on devient aussi forcément plus attentif aux réactions de la plante aux produits encore autorisés et aux quantités admises. La différence essentielle entre les approches biologiques et biodynamiques consiste en l’usage de substances spécialement préparées (et vendues par des organismes agréés) qui utilisent le principe de l’homéopathie avec des extraits de plantes (l’ortie ou la camomille, par exemple). Je serais tenté de dire, à propos de l’homéopathie, que cette approche relève un peu du principe du placebo : c’est-à-dire qu’il suffit d’y croire. Mais quand vous avez une maladie grave, vous avez tout intérêt à consulter un médecin dit « classique ». Cela dit, je veux bien que la plante puisse réagir d’une manière très fine à des micro-doses de certaines substances.

On donne souvent des noms de code à ces substances ou préparations : la 500, par exemple, est préparée en remplissant une corne de vache avec du fumier et en l’enterrant au milieu du vignoble au moment de l’équinoxe d’automne, pour la ressortir à l’équinoxe de printemps, puis en diluant très fortement le contenu avant de pulvériser ce liquide sur tout le vignoble. Selon le dogme biodynamique, ce ne sont pas les principes actifs dans ce liquide (tout à fait négligeables vue la dilution) qui comptent, mais les « forces astrales » contenues dans la corne de vache. Steiner lui-même disait ceci : « une vache possède des cornes afin de renvoyer les forces astro-éthériques vers son système digestif …après un hiver sous terre, la corne de vache contient une énergie astrale et éthérique immense que vous pouvez exploiter en diluant le contenu dans de l’eau ordinaire »

Je veux bien croire que certains traitements puissent améliorer la résistance des plantes (cela est souvent affirmé par certains vignerons), mais je reste plus que perplexe devant ce charabia « astral » qui constitue une négation des lois de la physique. En dehors des éléments ésotériques qu’il faut écarter car cela crée un effet de brouillard et, pour moi, disqualifie la biodynamie, que faut-il en penser ? La grande difficulté pour évaluer cette approche est qu’il n’existe aucune expérimentation scientifique qui compare, avec un vrai protocole, la même parcelle traitée pour moitié en agriculture biologique, et l’autre moitié en biodynamie sur plusieurs années. Il est certain que les gens qui pratiquent la biodynamie sont, pour la plupart, très engagés dans leur démarche et très proches de leurs vignes. Il est aussi certain que les vins qu’ils vendent sont presque toujours nettement plus chers que ceux de leurs voisins, car l’approche nécessite plus de temps passé dans les vignes. Je suis très tenté de dire qu’une des explications de l’efficacité de cette approche est très liée à ces facteurs : engagement, sensibilité, capacité d’observer la nature, et temps passé dans le vignoble. Et probablement bien plus qu’aux forces astrales !

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