Découvertes en Roumanie (1/3)

Découvertes en Roumanie (1/3)

Mon unique voyage dans ce très ancien pays viticole date du printemps 2011. Il est né de la volonté de découvrir les aspects de la production d’un pays qui se remet lentement d’une désastreuse tranche d’histoire. En cinq jours seulement, ce fut un concentré d’émotion : des contrastes saisissants, de belles rencontres avec des gens formidables et des cépages parfois étonnants. Après tout, le vin est une forme de voyage aussi bien à l’intérieur de soi que vers les autres : une double exploration de ses sensations, puis des pratiques, difficultés, joies et expériences des autres.

Il y a une chose que vous ne rencontrerez pas en Roumanie, du moins si vous évitez de vous focaliser sur les variétés dites « internationales » : c’est l’ennui. Certes, j’ai eu l’occasion de goûter quelques remarquables cabernets, merlots, syrahs, pinots noirs et sauvignons blancs, mais le fait de voyager dans un très vieux pays viticole éveille d’abord le désir d’autre chose. Une centaine de variétés de vignes autochtones sont recensées en Roumanie. De la vaste région de Dealu Mare jusqu’aux vignobles plus confidentiels de Dragasani, au Sud-Ouest entre Bucarest et la frontière Serbe, en passant par Satu Mare, au delà de la Transylvanie dans l’extrême Nord-Ouest du pays, j’ai eu l’occasion d’en explorer quelques-unes mais il me reste beaucoup à découvrir. Ces quelques visites permettent d’illustrer la situation et le dilemme d’un pays viticole qui doit lutter pour gagner une place dans des marchés internationaux de plus en plus encombrés, et si possible autrement que par des prix bas. Parmi les domaines visités, deux m’ont semblé exemplaires, autant par les hommes qui les font vivre que par les vins et la philosophie qui les anime, entre modernité et authenticité.

Domaine Stirbey à Dragasani

Stirbey est un domaine familial de taille modeste (25 hectares de vignes) situé dans la région de Dragasani, à environ 150 kilomètres à l’ouest de Bucarest. Cette région offre un paysage assez séduisant de collines souvent boisées, à la manière piémontaise, qui surplombent la large vallée de la rivière Olt qui s’écoule des Carpates pour rejoindre le Danube au Sud. Le domaine Stirbey est un des vieux domaines viticoles roumains. Aux mains de la même famille depuis des siècles, il a été confisqué sous l’ère communiste, puis restitué après la chute de Ceaucescu. Modernisé d’une manière exemplaire, il illustre bien le potentiel roumain. Les Stirbey se sont adjoint les services d’Olivier Bauer, œnologue allemand aussi précis dans son travail que jovial dans la vie, et tous sont convaincus des mérites et du potentiel des cépages locaux. Ils ont replanté, parfois régénéré, les cramposie, feteasca regala et tamaiosa romaneasca (cépages blancs) ainsi que le très intéressant novac, une variété rouge. En parallèle, ils produisent aussi du sauvignon blanc, du cabernet-sauvignon et du merlot, donnant du grain à moudre au marché en attendant que celui-ci reconnaisse les mérites des cépages autochtones.

Les vins de Stirbey m’ont impressionné par leur style limpide et allègre, avec une précision rare des saveurs et beaucoup de fraîcheur. L’usage de bois dans l’élevage est toujours judicieux et même si le recul manque pour certifier leur capacité à vieillir, certaines cuvées semblent bien armées pour défier le temps, tel ce très beau Feteasca Alba (blanc) de cinq ans. Autre vin blanc singulier, le Cramposie Selectionata, du nom du cépage Cramposia, vieille variété régionale présente, m’a-t-on dit, depuis les romains. Cette province de l’Empire alors appelée Dacia accueillit l’exilé romain Ovide. J’aime penser que j’ai bu le même vin qu’Ovide, mais rien n’est moins sûr, tant les méthodes de vinification à Stirbey sont d’une modernité exemplaire ! Le vin que j’ai dégusté est aussi léger en couleur qu’en degré alcoolique. Je veux bien admettre que le style léger et vif, pas très fruité (un peu comme un muscadet avec un peu plus d’acidité et moins d’alcool), n’est pas exactement le style le plus à la mode de nos jours, mais ce vin est tout ce que l’on peut souhaiter par un jour d’été : couleur pâle, nez floral, toucher très délicat et saveurs discrètes d’une grande pureté. L’acidité n’est nullement agressive mais tonique et désaltérante. On ne sera donc pas étonné que ce vin ne soit plus disponible dès l’été qui suit sa récolte, malgré un prix qui se situe entre 7 et 9 euros sur le marché local.

A suivre…

Crédit photo : David Cobbold

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