Fronton, pays de la négrette
Non, Fronton n’est pas qu’une pièce d’ornement architecturale, c’est aussi une jeune AOC (1975) du Sud-Ouest dont les vins gagnent à être connus. Coincée entre le Tarn et la Garonne, dans une région qui n’a guère les charmes touristiques et gastronomiques du Gers, de la Dordogne ou du Lot, Fronton a pour elle la proximité des deux belles villes « roses » que sont Toulouse et Montauban, et, surtout, un cépage quasiment unique en France, la négrette, qui façonne à grands traits la personnalité de ses vins rouges et rosés. La négrette serait en fait le « mavro » (« noir ») chypriote, l’un des deux cépages entrant dans l’assemblage des fameux vins de la Commandaria mis à la mode au Moyen-Age par les Chevaliers de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem. Ce seraient ces mêmes moines soldats qui l’auraient introduit au XII ème siècle en Haute-Garonne et dans le Tarn-et-Garonne où il prendra le nom de négret puis de négrette.
Le décryptage en cours de son ADN devrait confirmer son origine méditerranéenne ; en attendant l’appellation joue plutôt bien de cette exception. Ce cépage à peau fine et foncée et aux baies serrées est capricieux, sensible au botrytis et à l’oïdium, ce qui a probablement limité son extension. Sur les terrasses du Tarn, régulièrement balayées par le vent d’autan, chaud et sec, la négrette a résisté puis fait son trou. Elle occupe aujourd’hui 1700 des 2400 ha d’un vignoble situé sur les terrasses du Tarn aux sols mêlant boulbènes (sols alluviaux), argiles et graves.
Des vins tendres et aromatiques
Elle produit des vins rouges plutôt ronds, tendres, très aromatiques avec des notes caractéristiques de réglisse et de violette, des tanins souples et (parfois) des amertumes légères en finale qui disparaissent à table. Un profil bien au goût du jour car ces vins souples – à l’opposé de beaucoup d’autres rouges emblématiques du Sud-Ouest – donnent un plaisir immédiat sans prétention de longue garde, à des prix généralement très accessibles. Jusqu’à peu, la réglementation imposait de l’assembler à au moins deux autres variétés, essentiellement parmi les deux cabernets et la syrah, qui apportent la structure (acidité et tanins) qui peut manquer à la négrette. On pourra maintenant produire des 100% négrette.
Les rouges représentent 70% de la production, le reste allant aux rosés dont la part ne cesse de progresser. Fronton n’a pas attendu que la mode porte aux nues ce type de vins car il y a une vraie légitimité aux rosés de la région qui s’incarnent dans un goût à des années lumières du rosé en vogue, pâle et terne. Le fronton rosé type (plutôt de saignée) est coloré, rond mais sans lourdeur, avec un bouquet à faire pâlir (encore un peu plus) leurs cousins de Provence.
Les producteurs
La coopérative de Fronton, qui vinifie à peu près 50% de la production, a sa part de mérite dans l’émergence de l’AOC grâce à des cuvées, comme Comte de Négret, largement distribuées et qui sont une très correcte initiation au caractère des vins de Fronton à prix modique. Pour le reste, une poignée de domaines a joué un rôle pionnier, à commencer par le plus connu, le Château Bellevue la Forêt, véritable défricheur. Les domaines Le Roc, Plaisance, Montauriol, Ferran sont quelques-unes des autres références de Fronton auxquelles on doit ajouter le très prometteur La Colombière, mené par un jeune couple converti à la biodynamie.
Notre sélection
Les Rosés
Château Bellevue La Forêt, rosé, 2005
Robe rubis clair. Très aromatique et fruitée, la bouche offre rondeur et parfums avec un équilibre sur la fraîcheur. 12/20
Château Cahuzac rosé, 2007
Nez très séducteur sur le bonbon et le fruit rouge. Frais et croquant, bien équilibré c’est un rosé un peu aguicheur mais plein de saveurs. 13/20
Château Montauriol, Tradition, 2007
Floral et assez exubérant, plus gras et vineux que les autres, c’est un rosé à fort caractère, très marqué par le cépage, qui donnera sa pleine mesure à table. 13,5/20
Château Bellevue La Forêt, Allégresse, 2007
Robe saumonée et nez précis et floral avec un joli fruité frais et tonique riche en saveurs. 13/20
Domaine Le Roc, La Saignée, 2007
Le nez est sur le versant minéral, pas très expressif. Les sensations en bouche sont très agréables et associent un fruité assez vif et une jolie rondeur. Beaucoup de caractère et de présence pour ce très bon rosé. 13,5/20
Château La Colombière, 2007
Nez discret avec des notes d’agrumes. Croquant, fin, très élégant, traversé par un grand souffle de fraîcheur, c’est un rosé tout en dentelle et en finesse. 14,5/20
Les Rouges
Château Bellevue La Forêt, 2005 (négrette 60 %, cabernet sauvignon, cabernet franc et syrah).
Nez bien net marqué par la réglisse, le pruneau et les fruits noirs. Simple mais gourmand, avec une légère amertume en finale, c’est un vin direct à boire sur le fruit. 12,5/20
Château Bellevue La Forêt, Ce Vin, 2006
100% négrette, plutôt sur le versant épicé avec un fruité tendre et très réglissé, des tanins lissés et une pointe de végétal. 13/20
Château Ferran, 2006
Assez intense avec des accents floraux, épicés et animaux. Assez charnu avec des tanins souples et des saveurs rustiques mais très présentes, c’est un vin très agréable, direct et plaisant à boire. 13,5/20
Château Montauriol, Tradition, 2006
Nez aromatique avec beaucoup de cassis, de menthe et d’épice. Plutôt rond et moderne, avec des tanins souples, c’est une jolie bouteille, au fruité mûr et séducteur, à boire. 13,5/20
Cave de Fronton, Astrolabe, 2006
Haut de gamme de la cave de Fronton. Nez flatteur et fruité gourmand avec de la rondeur, une belle concentration et des tanins policés. La finale laisse un sillon d’amertume en bouche, mais l’ensemble reste plaisant. 13,5/20
Château Bellevue La Forêt, Optimum, 2005
Le nez est marqué par la vanille et le girofle. Le fruité est agréable autour de ses saveurs épicées et réglissées avec une structure ferme entre tanins fins et belle fraîcheur. A boire ou à garder (3/4 ans). 13.5/20
Domaine Le Roc, Le Classique, 2005
Un nez expressif, marqué par des notes fumées et végétales. Encore
un peu anguleux et austère en bouche, mais le goût est plein et franc, à la fois structuré et charnu. Un bon Fronton à prix très raisonnable. 14/20
Château Montauriol, Mons Aureolus, 2005
Nez assez marqué par le bois, les épices et l’eucalyptus, poivré. Bien arrondi par le bois avec un caractère très épicé et des tanins souples, c’est un beau Fronton moderne et structuré où l’apport de syrah et cabernet (50%) semble presque dominant. Garde 2/5. 14,5/20
Domaine Le Roc, Cuvée Don Quichotte, 2005
Puissant et concentré, cassis, réglisse, violette et notes légèrement animales. Très savoureux, suave et charnu en bouche avec les saveurs entêtantes du cépage, ce vin est l’une des plus belles et des plus sincères expressions de la négrette (associée ici à 40% de syrah). Fond d’amertume en finale qui disparaîtra à table. 15/20
Tot ça Que Cal, Domaine Penavayre, Château Plaisance, 2005
Robe sombre et joli nez associant fruits rouge et noir bien mûrs, épices et notes florales. Bouche concentrée et bien bâtie autour de tanins fins et fermes et d’un fruité bien mûr. C’est un Fronton sérieux, plus structuré que beaucoup, long et épicé, que l’on pourra garder quelques années. 15/20
Château La Colombière, Coste rouge 2006
Nez élégant, très floral (violette, pivoine). Assez plein, intense avec de jolis tanins présents mais fins, le vin possède de la précision et beaucoup d’élégance avec ses saveurs entre épices et fleurs. Très joli vin. 15,5/20
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