La flavescence dorée, star des média, et autres maladies
Une fois n’est pas coutume, le vin a eu récemment l’honneur des média autrement que par les polémiques sur les méfaits ou les bienfaits de sa consommation. Avant l’affaire Cousin, vigneron angevin qui revendique (assez légitimement) le doit d’utiliser le nom de sa région de production, hors du cadre des aoc, il y a eu l’affaire Giboulot, du nom de ce vigneron beaunois qui a refusé de traiter chimiquement et préventivement, ses vignes contre une maladie dénommée flavescence dorée. Pour quelques jours, la maladie, et son vecteur, la petite cicadelle, ont occupé les média, enflammant réseaux sociaux et blogs spécialisés, avec une place de choix dans les JT.
Dans leur formidable expansion au XIX è siècle, les Etats-Unis n’ont pas oublié d’exporter champignons et autres insectes ravageurs, qui ont pour nom phylloxéra, oïdium, mildiou ou flavescence dorée. Depuis plus de 150 ans, les producteurs ont appris à composer avec ces maladies endémiques, que l’on n’éradique jamais mais que l’on jugule avec plus ou moins d’efficacité, et qui ont enclenché le cycle infernal des traitements récurrents, à la grande joie des professionnels de cette filière. Certes, les vignerons d’avant le XIX è siècle avaient aussi leurs parasites mais aucun ne les condamnait au cycle permanent des traitements systématiques, préventifs ou curatifs. Le plus connu de tous ces fléaux, et le seul réellement maîtrisé, est le phylloxéra : puceron vorace qui s’attaque aux racines des vignes, les blessent, laissant s’infiltrer parasites, virus et bactéries entraînant rapidement la mort du cep. Après la disparition de vignobles entiers, partout en Europe et dans le monde au XIX è siècle, la parade a été trouvée par le greffage des vignes européennes sur des porte-greffes américains qui avaient eu tout le temps de développer une immunité contre l’insecte. Les autres, le mildiou et l’oïdium notamment, accompagnent toujours le quotidien des producteurs, comme celui d’autres agriculteurs et jardiniers du dimanche. Jusqu’à récemment la flavescence dorée n’avait pas le statut de vedette. C’est désormais chose faite !
Et pour briller en société, voilà ce qu’il faut savoir sur cette maladie aujourd’hui incurable. Comme les autres, elle nous vient des Etats-Unis. Identifiée en France vers 1950, touchant le Sud dans les années 1980, la petite bête remonte, s’installe dans le Rhône, la Savoie puis la Bourgogne dès 2005. En fait de petite bête, il s’agit d’une bactérie qui se loge dans l’écorce des bois et s’y multiplie. La plante peine à croître, les rameaux ramollissent, les feuilles se rigidifient, jaunissent ou rougissent, le raisin dépérit et la souche infestée finit par mourir après une plus ou moins longue agonie. Ces bactéries peuvent se propager d’une souche à l’autre, éventuellement être transportées par les hommes ou les outils dans un plus large rayon mais elles préfèrent prendre l’avion pour gagner des horizons plus lointain. Cet avion furtif, c’est la cicadelle, insecte piqueur suceur d’à peine 5 millimètres, qui se déplace incognito et montre une fâcheuse attirance pour la couleur jaune, qui est caractéristique des feuilles contaminées. Cette malheureuse monomanie crée un cercle vicieux de contagion.
On ne guérit pas de la maladie, mais on peut la contenir et limiter ses effets via trois techniques : la plus radicale consiste à repérer les pieds malades, à les arracher et à les brûler, la seconde, la plus contraignante, consiste à préventivement traiter les jeunes plantes en pépinière en les plongeant dans un bain chaud (50°C pendant 40 mn). La troisième vise à détruire son vecteur, les cicadelles, par des traitements insecticides préventifs qui, bio ou de synthèse, ont la fâcheuse propension à décimer toute la faune sans discernement. En Côte d’Or, c’est l’obligation préfectorale imposée aux vignerons du département de traiter préventivement, et le refus de l’un d’eux se s’y soumettre, qui a déclenché l’affaire. Le problème est le suivant : prendre le risque de laisser le fléau prospérer, car c’est une maladie potentiellement dévastatrice, ou se résoudre à répandre des insecticides sur la vigne, ce que évidemment personne ne peut souhaiter, et encore moins les vignerons bio. En l’absence d’alternatives bio convaincantes à ce jour, ce joyeux dilemme n’a aucune bonne réponse même si le bon sens voudrait que l’on pare au plus pressé, en attendant d’éventuels progrès de la recherche.
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