Revue de livre: Choses Bues, de Jacques Dupont

Revue de livre: Choses Bues, de Jacques Dupont

Je viens de terminer un bon, un très bon livre : « Choses Bues ». Son auteur est Jacques Dupont, journaliste du vin pour le magazine hebdomadaire Le Point.
Ce livre est tout sauf un texte théorique, encore moins un livre de critique. Jacques Dupont aborde pourtant énormément de sujets capables d’intéresser les amateurs de vin de tous niveaux, mais toujours par le biais de souvenirs personnels, d’exemples qui éclairent, de portraits de gens qui font le vin. C’est bien écrit, parfois drôle, dans un style direct, toujours plein de bon sens. Dupont n’est dupe de rien parmi les courants qui cherchent à créer des réseaux d’influence dans le monde du vin : pas plus des hygiénistes rigides à tendance prohibitionniste que des adeptes débridés des vins sans soufre qui pensent que l’on peut faire n’importe quoi avec le vin. Il fréquente aussi bien, et avec le même regard qui décèle si bien le vrai du factice, les propriétaires des domaines les plus prestigieux (Lafite, Romanée Conti) que des paysans ou vignerons récemment convertis et souvent sans le sou. Il n’aime ni les prétentieux ni ceux qui ont des certitudes. Seules importent pour lui une certaine exigence de qualité, une authenticité qui traverse les couches sociales, et, à la fin, cette ouverture d’esprit qui permet de trouver du plaisir dans toutes les sortes de vins, et qui fait parfois résonner d’autres dimensions. Il a de la distance, alliée à une vraie passion tendre. C’est tout le contraire d’un ayatollah.

Dupont raconte aussi, en filigrane, des aspects de son parcours personnel, mais jamais en ligne droite. La preuve : il évoque ses débuts dans le vin à la fin du livre ! Le reste est en zigzag, et les sujets sont abordés au détour d’une digression. Ce livre n’est pas « construit » selon un mode rationnel. Il coule de sa source, c’est à dire de l’empilage des expériences d’un homme. Dupont peut nous parler du goût (du sien et du notre), du nez (surtout du sien, manifestement très sensible), de la littérature (souvent), des 4L, de la politique, de la radio, de Montaigne et de La Boétie, de l’histoire et de la géographie, mais tout nous ramène au vin. Un parcours magnifiquement humaniste qui place le vin là où il doit être : au milieu de la vie humaine.

Quelques extraits pour vous mettre l’eau (ou plutôt le vin) à la bouche : « La gloire de la syrah coïncide avec le début de la perte de faveur du gamay du Beaujolais. L’époque a voulu ça. Un glissement s’est opéré du fruité léger vers des robes plus sombres et des saveurs plus épicées, étouffées, sanguines. Le roman à l’eau de rose qui affronte la collection « Rivages/Noir ». Ou bien ce passage, superbe : « Les gens qui ne captent pas les autres, dont le regard aimant est surtout tourné vers eux-mêmes, font avec le vin comme avec les personnes. Semblant. Quand ils disent l’adorer, parce que c’est socialement indispensable, ils pratiquent un amour monogame. Un seul vin trouve grâce à leurs yeux, une seule région… parfois même une seule marque (de champagne) ou un seul château. »

A acheter et à lire d’urgence.

Disponible sur www.athenaeumfr.com, la librairie du vin.

Choses Blues, par Jacques Dupont (éditions Grasset, 2008) – 18€50

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