Maison Wessman, de nouvelles pépites en Périgord

Maison Wessman, de nouvelles pépites en Périgord

Acteur important dans l’univers pharmaceutique, Robert Wessman s’est investi, avec sa partenaire Ksenia Shakhmanova, dans celui du vin suivant une démarche peu convenue. Se défiant en effet des vignobles à la réputation toute faite, il place ses ambitions en Périgord, dans le vignoble de Bergerac, un premier défi doublé d’une volonté de s’affilier d’emblée à l’élite locale. Pour cela, la nécessité d’un terroir riche de potentialités s’est imposée, et c’est à un cercle de compétences qu’il confie la tâche de le détecter et d’en tirer le meilleur parti. L’exploitation est ainsi supervisée par James de Roany, riche d’une expérience dans la gestion de domaines viticoles, et à l’origine du choix des vignes sur le plateau d’Issigeac, un terroir réputé de longue date puisque cité favorablement dans l’édition de 1903 du guide Féret dédié aux vins de Bergerac. Cette garantie historique est doublée d’une réputation plus contemporaine, celle d’un voisinage de domaines parmi les plus réputés de l’appellation, ayant pour nom L’Ancienne Cure ou encore Vignoble des Verdots. Afin d’accomplir son dessein dans ce « triangle d’or » du Bergeracois, Robert Wessman prend pour responsable technique Philippe Mathias, un homme ayant gagné ses compétences aussi bien sur des terres languedociennes que bourguignonnes et d’autres encore. Afin de s’assurer davantage d’une production sans faille, il s’entoure d’un expert de tout premier plan, l’œnologue Michel Rolland, dont le renom a gagné toute la planète du vin au sens propre. Et c’est à Julien Viaud, l’un de ses plus proches collaborateurs qu’il a confié le suivi de la propriété à un rythme assidu.

C’est avec cette assurance qu’un premier millésime est réalisé en 2016. Servi par une grande année, le rouge le plus choyé, baptisé « N°1 Saint-Cernin », dévoile déjà des qualités hors pair, tandis que ses suivants les confirment et rehaussent même leur perception. Auréolé de nombreuses distinctions, parmi les plus convoitées, y compris sur un plan international, la cuvée-phare du domaine lui a valu en outre le titre de « meilleur vigneron de l’année » en 2018, récompense décernée à l’occasion du Concours des Vins de Bergerac et de Duras.

La révélation du terroir d’Issigeac

L’épicentre de la Maison Wessman se confond avec le Château Saint-Cernin-de-Labarde, ancienne forteresse médiévale dont les beaux restes laissent à peine deviner ses nombreux attributs défensifs originels, authentiques vestiges d’un lointain passé belliqueux. Les vignes dans son giron couvrent à peine quelques cinq hectares, une superficie à la mesure d’une production de vins d’exception. Elles s’inscrivent dans ce qui est donc appelé le plateau d’Issigeac et sont implantées de surcroît sur les calcaires les plus spécifiques de ce terroir, là où la roche affleure littéralement. Loin de constituer un obstacle à l’enracinement de la vigne, ces calcaires fissurés en régulent le régime hydrique et font communion avec les argiles pour former un complexe particulièrement propice à une croissance harmonieuse de la plante, même en période de sécheresse, où sa partie foliaire n’est pas altérée. De ce fait, un porte-greffe très qualitatif a pu être utilisé pour les nouvelles plantations, s’agissant en l’occurrence du Riparia Gloire de Montpellier.

Réputé de longue date, ce terroir n’a jamais connu de confirmation aussi éloquente de sa valeur que celle rendue à travers le prisme des vins de Château Saint-Cernin. Ce « plaidoyer » est convaincant pour qualifier son grand potentiel, à rapprocher de celui du plateau de Saint-Emilion.

L’originalité de sa production est qu’une partie de ses apports en raisin provient de vignerons partenaires travaillant sur le même terroir dans des conditions aussi rigoureuses. L’assemblage des deux sources donnent le « N°1 Saint-Cernin », cuvée emblématique du domaine, tandis que sa cadette, le « Petit Cernin », possède la sienne propre. Des vignes en plantation complèteront à terme la partie exploitée par l’équipe du château.

Premiers vins et déjà une grande signature

Conçue sur des critères élevés et exclusivement en rouge, la production de Château Saint-Cernin se concentre sur un seul vin jusqu’en 2019, année qui voit la création d’une seconde cuvée appelée « Petit Cernin ». Ce dimunitif du « N° 1 » se veut une expression plus immédiate, d’une élégante souplesse et jouant la séduction du fruit. Issus de vignes et d’un mode d’élaboration distincts, les deux vins partagent cependant les mêmes cépages dans des proportions similaires, avec un merlot légèrement prépondérant sur le cabernet sauvignon (respectivement 60 % et 40 %). La haute expression du « N° 1 » doit beaucoup à des cabernets dont on s’assure d’une parfaite maturité en s’astreignant au préalable à la discipline de l’échardage*.  

Réalisée sans heurts, la vinification prend ici toute sa dimension durant la période post-fermentaire, lorsque Julien Viaud intervient avec tout son métier, acquis plus particulièrement au contact de Michel Rolland. Bénéficiant d’un même savoir-faire, l’élevage est pratiqué sans systématisme, jouant habilement sur l’âge, l’origine et la nature des contenants afin de respecter l’essence du fruit et de peaufiner le profil et la texture du vin. Si cette paternité suscite immanquablement un grand style, sa définition se fait en définitive d’une manière collégiale, Robert Wessman y tenant toute sa place.

Petit Cernin 2019 – AOC Bergerac

L’éclat aromatique situe d’emblée une expression d’un grand naturel et se détaille en senteurs veloutées formant une alliance parfaite de fruits noirs, réglisse et épices douces. D’une aimable rondeur, la bouche s’écoule en une chair souple et gracieuse en faisant apprécier des saveurs empruntant aux arômes, sur un ton plus frais, et auxquelles s’agglomèrent des tanins savoureux et sans apprêts, seyant à son caractère. 

N°1 Saint-Cernin 2016 – AOC Bergerac

D’une grande distinction, profondes et suaves, les senteurs évoquent des fruits noirs-secs mariés à des épices douces. Dans sa grande amplitude, la bouche dispense une matière fastueuse, harmonieuse en forme et fine en texture, formant un écrin de choix pour des saveurs prenantes, apparentées aux arômes, imprégnant l’entière expression jusqu’à perler à travers une fine mâche tannique. 

N°1 Saint-Cernin 2017 – AOC Bergerac

Séveux et concentré, le nez bénéficie à la fois de la fraîcheur que suscitent des arômes de fruits noirs, et de la séduction que lui procure un registre d’épices orientales faisant un avec le boisé. L’ampleur en bouche est remarquable, sublimant son équilibre et façonnant la nature tactile de sa matière, tandis qu’un goût délicieux transpose l’olfaction en accentuant son côté boisé-épicé. Soulignant harmonieusement l’ensemble, les tanins font valoir une trame véritablement soyeuse.

N°1 Saint-Cernin 2018 – Saint-Cernin

Sa classe aromatique est le produit d’une expression pure et veloutée, perçue comme une fusion harmonieuse de fruits noirs et d’épices douces, et qu’un boisé sous-jacent vient envelopper d’un parfum suave. Au palais, cette sensation d’élégance se transpose en un toucher raffiné et une texture épanouie, rendue délectable par des saveurs intenses et profondément savoureuses, donnant un écho fidèle aux arômes. Dénotant sa jeunesse, le velours de sa structure vient ourler l’ensemble d’un fin côtelé.

Blancs et bulles d’autres horizons…

Fort d’une première et enviable reconnaissance, Robert Wessman ambitionne de la renouveler dans un même esprit, sans notion d’attache. Et c’est dans une volonté de donner un alter ego en blanc à son rouge périgourdin qu’il choisit pour le produire une terre douée pour la couleur. Sans complexe, il va alors en Languedoc accomplir ce projet, trouvant son bonheur sur Limoux, un choix pour le moins inattendu, à l’instar du foyer de ses rouges. Ayant grande allure tout en étant porteurs d’une expressivité stimulante, les blancs inauguraux paraissent dignes d’endosser l’étiquette N°1.  

Atypique s’il en est, son parcours a pris le chemin de la Champagne lorsqu’il s’est agi d’enrichir sa gamme par un effervescent. Mais là-aussi, il sort des conventions en concrétisant ce qu’il affectionne en la matière : les champagnes rosés très colorés. C’est ainsi qu’il fait élaborer une cuvée de rosé à la teinte bien soutenue, à contrario d’une tendance globale où l’on affectionne les robes claires. Ce choix où la passion domine la raison illustre bien la singulière audace de la jeune Maison Wessman.  

Robert Wessman et Ksenia Shakhmanova

* L’échardage est une opération culturale consistant à débarrasser le cep des rameaux secondaires – appelés entre-cœurs ou « gourmands » – issus des bourgeons portés par les bois de l’année. Ainsi optimisée, la partie fructifère du pied de vigne profite à une saine et pleine maturité des raisins.


Crédit photos : Brice Braastad, StudioZe.

L’auteur de l’article

Diplômé en histoire de l’art, Mohamed Boudellal est journaliste et consultant en vins. Il a écrit pour la presse spécialisée, principalement pour la Revue du Vin de France et d’autres titres comme L’Amateur de Bordeaux, Gault & Millau et Terre de Vins. Il est co-auteur dans l’édition 2016 du « Grand Larousse du Vin ».

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