Souvenirs d’Oregon
J’étais parti pour 15 jours de vacances aux Etats-Unis avec la ferme intention de ne pas visiter de producteurs de vin, et de prendre des vacances « complètes ». Vœu pieux évidemment, et d’ailleurs peut-il y avoir de vraies vacances sans vin ? Quelle que soit la sincérité de la promesse, j’ai été ce soir là pris au dépourvu, presque en traître. Je dînais dans un bistrot Italien dans une petite ville de l’Oregon, McMinville, non loin de Portland. Sachant que le pinot noir est la grande spécialité de cet état, je n’ai pas résisté à la tentation de passer en revue les trois cuvées proposées au verre. Et ce qui devait arriver arriva, l’un m’a totalement bluffé ! Réflexe professionnel, je demande au sommelier de m’en dire un peu plus sur le producteur. Par chance celui-ci était basé tout à côté, à McMinville. Et évidemment, rendez-vous est pris pour le lendemain.
Baptisée Dominio IV, la winery est située dans une zone industrielle à l’extérieur de la ville. Elle a été fondée par 4 associés il y a une dizaine d’années et occupe un ancien silo à grains. C’est une petite affaire mais le soin apporté à l’ensemble est évident. C’est Patrick Reuter, vinificateur et poète à ses heures, qui me reçoit. Il a étudié à UC Davis en Californie où il a rencontré sa femme, actuellement en charge du vignoble d’un producteur important de l’Oregon. Tout deux amoureux du pinot noir et de la Bourgogne, ils ont travaillé, le temps d’une vendange, chez Armand Rousseau et chez le regretté Denis Mortet. Dominio IV possède un petit vignoble en propre situé dans une région assez chaude de l’Oregon, appelée Mosier et située le long de la Columbia River, à l’Est de Portland. Ils y ont planté syrah et tempranillo. Dans la Willamette Valley, autour de McMinville, Patrick achète du pinot noir sous contrat, issu de vignobles sélectionnés, et un peu de viognier plus au Sud et en altitude, dans la région de Rogue River. Produits en petits volumes (50 à 200 caisses chacun), tous les vins que j’ai dégustés portant l’étiquette Dominio IV m’ont fait forte impression : précision, finesse, intensité, qualité du fruit et capacité à bien vieillir, tout y est. Aucune lourdeur ni trace de sur-extraction, vices supposés des vins du Nouveau Monde.
Les cuvées peuvent changer de nom selon le millésime. C’est le côté poète de Patrick qui gouverne. Le Viognier 2011, qui porte le nom « Still Life », possède une finesse et une fraîcheur que je ne trouve que très rarement avec cette variété. Son acidité est étonnante. Les nuits sont fraîches et les jours ensoleillés dans cette région volcanique aux sols métamorphiques. Patrick Reuter travaille avec une diversité de clones quand il le peut et vinifie de multiple cuvées, parcellaires ou assemblées selon son inspiration et la matière dont il dispose. Son ambition est de pousser ces variations sur un thème avec le pinot noir en particulier. J’ai dégusté un pinot noir 2010 du vignoble Willakaia, (clone Pommard), d’une grande délicatesse et longueur en bouche. La cuvée « Rain on Leaves » 2007, bue au restaurant, est dans l’édition 2010 plus puissante et aura besoin de temps. Justement Reuter donne du temps à ses vins, gardant certaines cuvées en stock pendant 4 ou 5 ans pour ne les vendre qu’au moment choisi.
Ses syrah et tempranillo sont d’autres belles réussites. Assez aromatique, parfaitement équilibrée, la cuvée de syrah 2010, « Song of an uncaged bird », est fragrante et fraîche, d’une grande finesse. Le tempranillo 2010, appelé « Tango », est profond et somptueux avec une acidité parfaitement intégrée. Totalement délicieux. Les vins sont judicieusement élevés en barriques, sauf le futur vin effervescent qui reposait dans une cuve d’acier estampillée Coca-Cola !
Un jour, j’espère, ces vins seront importés en France, comme moi.
Crédit photo : David Cobbold
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