Cahors : le changement, c’est maintenant !

Cahors : le changement, c’est maintenant !

Fort de ses 4 500 hectares, Cahors, dans le Lot, est l’un des plus grands vignobles du Sud-Ouest. Connu dès le Moyen-Age pour son « vin noir », Cahors a traversé bien des turbulences au XX ème siècle et travaille aujourd’hui à redorer son image. Ce que font à une vitesse impressionnante les nouveaux acteurs de cette appellation à redécouvrir d’urgence.

Nouveaux acteurs, nouvelles approches

Quand on passe un peu de temps à côtoyer les principaux acteurs d’un vignoble, il y a des signes qui ne trompent pas. Le plus évident est le dynamisme, la vitalité et l’envie de renouvellement qui animent ou non ses producteurs. Cahors, il est vrai, n’avait plus trop le choix ; c’était changer ou mourir, car l’histoire récente de l’appellation est celle d’une longue traversée du désert : un vignoble réduit à peau de chagrin dans les années 1970 (450 hectares contre 56 000 au XIX ème siècle) et une réputation tenace de vin rustique, en décalage avec les nouvelles exigences de consommation.

L’heure est à la reconquête. Sur le plan individuel, une nouvelle génération de vignerons, venus de la région ou d’ailleurs, épaulés parfois par des consultants avisés, apporte des regards neufs et des approches bien plus exigeantes sur le potentiel remarquable de cette appellation et sur les méthodes pour les réaliser : réduction des rendements, maturité soignée, extractions harmonieuses qui privilégient la texture autant que la force. En un mot, ils ont civilisé leurs vins sans toucher à leur force de caractère.

Sur le plan collectif, l’appellation a compris tout l’intérêt qu’il y avait à parler de son cépage majoritaire, le malbec, depuis que les argentins (qui en ont bien plus) l’ont fait connaître au monde entier. Le malbec constitue maintenant 82% de l’encépagement de Cahors. Merlot et tannat régressent, et la plupart des cuvées haut de gamme sont maintenant des 100% malbecs. Ce bel endormi, avec sa vieille image de pourvoyeur de vins rugueux pour repas de chasse, est allé à la rencontre du vaste monde avec des cuvées modernes, intenses mais soyeuses, pleines de fruit et de caractère mais toujours dotées d’un accent de fraîcheur. Du coup, ses vins s’exportent de mieux en mieux.

Terrasses et climat

La vallée du Lot en aval de la ville de Cahors se divise en trois terrasses successives constituées essentiellement d’alluvions venues du Massif Central qui se sont déposées sur le socle calcaire qui forme l’essentiel du bassin aquitain. Plus on s’élève dans l’aire de l’appellation, plus les sols deviennent maigres et drainants. Les premières terrasses, proches de la rivière Lot, produisent des vins souples et fruités. Les deuxièmes donnent des vins un peu plus charnus. Ce sont les troisièmes terrasses et les grèzes, sols composés d’éboulis calcaires, qui sont à l’origine des cahors les plus riches. Il faut aussi mentionner les hauts niveaux du quaternaire ancien, sols d’alluvions sur un socle ayant résisté à l’érosion : plus rares, ils donnent aussi des vins très réputés.  Encore au-dessus, à 300 mètres d’altitude environ, se trouve le plateau calcaire, plus pauvre que les terrasses et où l’influence de la rivière est moins sensible. Les contrastes de température entre jour et nuit amènent une maturité du raisin plus tardive, donnant moins de chair aux vins mais une grande finesse de structure.

Le climat à Cahors subit plusieurs influences. Situé sur la bordure Est du bassin Aquitain, l’influence océanique tempérante se fait encore sentir mais bien moins qu’à Bordeaux. Les différences de températures entre jour et nuit pendant la saison de croissance de la vigne y sont plus accentuées, et les hivers plus rudes. Le vent d’autan, chaud et méditerranéen, peut faire sentir ses effets sur le plateau.

Notre dégustation

Une dégustation d’une série conséquente de vins issus de deux millésimes récents de Cahors m’a permis de me faire une idée précise sur les progrès remarquables des vins de Cahors en général et sur les différences de caractères entre deux millésimes successifs (2008 et 2009). Autre enseignement, cette dégustation ne m’a pas convaincu de l’intérêt pour le consommateur d’acheter systématiquement la cuvée la plus chère de chaque producteur pour avoir le « meilleur » vin. En réalité, tout dépendra du stade de l’évolution du vin en question et, bien entendu, de son palais. Les cuvées les plus concentrées à Cahors ne sont pas toujours les plus équilibrées dans leur jeunesse.

Le millésime 2008 à Cahors

2008 fut « difficile » à Cahors : floraison perturbée par une coulure importante avec, à la clé, des rendements faibles et des vendanges très tardives et hétérogènes. Les maturités étaient donc inégales et cela s’est manifesté lors de la dégustation, avec des acidités élevées et des tanins pas toujours des plus mûrs. On peut regretter aussi un élevage pas toujours adapté à cette matière inégale, avec notamment un excès de boisage. En dépit de ces quelques travers, la série est plutôt réjouissante.

Dégustation des Cahors 2008

Les vins ont été dégustés en semi-aveugle, groupés par séries en fonction de leurs niveaux de prix. Dans cette série de 66 vins, la fourchette des notes va de 9/20 à 16/20. Cinq bouteilles sur les 66 étaient bouchonnées (7,5 % !). De plus, deux autres vins présentaient une oxydation anormale que j’attribue aussi à un défaut de bouchon.

Malgré cela, atteindre un pourcentage de 42% de bons ou de très bons vins (notes de 14,5/20 ou plus), qui plus est dans un millésime réputé difficile, constitue un excellent score. Autre enseignement de cette série : l’absence de corrélation nécessaire entre prix et qualité. Par exemple, certains vins de prix modestes, comme le Château Quattre, vendu à 7 euros, ou le Château Croze de Pys Prestige, à 8,5 euros, tiennent leur place parmi d’autres cuvées vendues beaucoup plus chères, du moins à ce stade de leur vie. Franchement, je n’étais pas toujours convaincu par l’intérêt des cuvées les plus chères, vu le niveau qualitatif déjà élevé des cuvées intermédiaires. Un peu plus de bois neuf sur un peu plus d’extraction ne suffisent pas à faire un meilleur vin, même si, en général, les meilleurs domaines ont placé deux ou trois cuvées dans cette sélection.

Les vins notés 17/20

  • Château Chambert, Grand Vin (23 euros).

Les vins notés 16/20

  • Château Les Croisille, Cuvée Divin (21 euros) ;
  • Château Le Cèdre, GC (66 euros) ;
  • Domaine du Prince, Lou Prince (22 euros) ;
  • Château Chambert, Grand Vin (23 euros) ;
  • Château Rouffiac, l’Exception (26 euros).

Les vins notés 15,5/20

  • Château Haut-Monplaisir, Prestige (11 euros) ;
  • Château Croze de Pys, Prestige (8,5 euros) ;
  • Château St. Didier Parnac, Les Terres Rouges (12,5 euros) ;
  • Domaine de Vinssou, Falhial (12 euros).

Les vins notés 15/20

  • Château Lamartine, Cuvée Particulière (11,5 euros) ;
  • Mas del Perié, La Roque (10,5 euros) ;
  • Château de Cenac, Eulalie (17 euros) ;
  • Château de Haute Serre (16 euros) ;
  • Mas del Perié, Acacias (22 euros).

Les vins notés 14,5/20

  • Clos d’un Jour, Un Jour sur Terre (14 euros) ;
  • Château Eugénie, Réserve de l’Aïeul (11 euros) ;
  • Château Quattre (7 euros) ;
  • Métairie Grande du Théron, Prestige (10 euros) ;
  • Château la Bérangeraie, Les 4 Chambrées (11 euros) ;
  • Château les Croisille, Grain par Grain (60 euros) ;
  • Château Combel La Serre, Elite (18,5 euros) ;
  • Le Clos d’un
    Jour, Un Jour (15 euros) ;
  • Château du Cèdre, Le Cèdre (17 euros),
  • Château Haut Montplaisir, Pur Plaisir (26 euros) ;
  • Domaine Le Bérangerie, La Gorgée de Mathis Bacchus (16 euros) ;
  • Rigal, Le Vin Noir (45 euros), Mas del Perié, La Pièce (49 euros) ;
  • Domaine de Cause, Notre Dame des Champs (18 euros).

Le millésime 2009 à Cahors

De l’avis des spécialistes locaux, il s’agit d’un vrai grand millésime à Cahors. Il a fait bien plus chaud qu’en 2008, avec des raisins plus sains, plus mûrs, et une absence d’incidents météorologiques toujours compliqués à gérer par les vignerons. S’il a fallu traiter entre 8 et 9 fois en 2008, le climat de 2009 a nécessité moitié moins de passages dans les vignes. On peut même dire que les conditions sanitaires ont été exceptionnellement bonnes. Les vendanges ont commencé vers la mi-septembre, avec des indices tanniques égaux à ceux de 2005.  Le résultat ? Des vins plus riches, plus souples et globalement bien plus faciles à déguster maintenant.

Dégustation des Cahors 2009

Les vins ont été dégustés en semi-aveugle en novembre 2011, groupés par série en fonction de leurs niveaux de prix en France. Dans cette série de 81 vins, la fourchette de mes notes va de 11/20 à 16/20. Quatre bouteilles sur les 81 étaient bouchonnées, donnant une proportion de près de 5 %. Deux autres vins étaient rendus imbuvables par une forte présence de Brettanomyces, cette souche de levure qui provoque une odeur très désagréable, proche de l’écurie.

Cette série était plus importante et globalement meilleure, mais pas aussi homogène que la série des 2008. J’ai retenu, avec des notes de 14,5/20 ou plus, près de 40% des vins. Or, le millésime 2009 étant bien supérieur au 2008, on est en droit d’attendre une proportion plus grande de bons ou de très bons vins. J’ai deux explications à ce phénomène peu logique. D’abord la jeunesse des vins et leur mise en bouteille, pour beaucoup, assez récente et des extractions excessives et/ou des élevages trop appuyés. Dans certains cas, et même s’il s’agit d’un vin de garde, on a trop voulu forcer une nature déjà généreuse.

Il est a priori assez surprenant que, parmi les vins très bien notés, beaucoup soient aussi les moins chers. Je pense simplement que les vins les moins concentrés ont plus vite trouvé leur équilibre.

Les vins notés 16/20

  • Château de Cayrou, La Tour de Cayrou (9 euros) ;
  • Côte d’Olt, Astrolabe (11 euros) ;
  • Château Plat Faisant, Cuvée des Générations (15 euros) ;
  • Château La Caminade, Esprit (32 euros).

Les vins notés 15,5/20

  • Château de Chambert, Grand Vin (23 euros) ;
  • Château de Cénac, Prestige (8 euros) ;
  • Clos d’un Jour, Un Jour (15 euros) ;
  • Château Vincens, Origine (7 euros) ;
  • Château Quattre (7,5 euros) ;
  • Clos Triguedina, au Coin du Bois (25 euros) ;
  • Château la Gineste, Grand Secret de la Gineste (16 euros).

Les vins notés 15/20

  • Château de Chambert (12 euros) ;
  • Domaine Dhoste Chevalier (12 euros) ;
  • Château de Mercuès (13 euros) ;
  • Château du Cèdre GC (32 euros) ;
  • Château Lagrezette (29 euros) ;
  • Château Lamartine, Expression (22 euros).

Les vins notés 14,5/20

  • Château Eugénie, Pierre le Grand (7,5 euros) ;
  • Château la Caminade, La Commandery (14 euros) ;
  • Domaine du Prince, le Chêne du Prince (7 euros) ;
  • Château de Rouffiac, Passion (7,5 euros) ;
  • Domaine de Prince, Rossignol (12 euros) ;
  • Domaine la Berangerie, cuvée Maurin (7,5 euros) ;
  • Domaine de Caplanel, Mythique (14 euros) ;
  • Château Armandière, Malbec Ancestral (8 euros) ;
  • Clos Triguedina, Prince Probus (20 euros) ;
  • Château Ponzas, Eternellement Cahors (15 euros) ;
  • Château du Cèdre, Le Cèdre (17 euros) ;
  • Clos Triguedina, New Black Wine (50 euros) ;
  • Château de Gaudou, Renaissance (15 euros) ;
  • Château Plat Faisant, cuvée de l’Ancêtre (15 euros).

Conclusion

Cahors est une appellation dont les progrès, depuis une dizaine d’années, sont spectaculaires. Autrefois dominants, les vins rustiques aux tannins durs et souvent verts, à l’acidité décoiffante et au corps squelettique, sont devenus très minoritaires. Les pionniers comme Le Cèdre, Triguedina, Lagrézette et quelques autres ont fait bien des émules, et il y a maintenant une bonne vingtaine de domaines de très bon niveau qui se signalent régulièrement dans les dégustations depuis quatre ou cinq ans. La plupart étaient présents dans cette double dégustation des millésimes 2008 et 2009, à l’exception notable de Troteligotte (dont les vins sont arrivés en retard pour la dégustation). On peut même, surtout avec des millésimes riches comme 2009, prendre certains vins de Cahors pour des malbecs d’Argentine, tant la maturité du fruit a été soignée et les tannins sont devenus civilisés. Mais en général il y a toujours, comme une signature, cette note de fraîcheur qui relève la finale et donne beaucoup d’éclat et de vigueur aux Cahors.

Commentaire (1)

  • La prochaine fois que vous La prochaine fois que vous passez à Cahors…faîtes moi penser à vous faire déguster notre vin Château de Mercues Icône !

    Sinon, à tout les amateurs de Cahors venez vous mesurer aux autres en répondant au questionnaire sur les vins de Cahors

    http://www.g-vigouroux.fr/quizz_cahors.html

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