Cahors, le retour
Ces vins rouges du Lot, autrefois durs et rustiques dans l’ensemble, ont, depuis quelques années, acquis une toute nouvelle dimension : des textures bien plus aimables et une qualité de fruit inconnue auparavant. La séduction est donc là, mais sans aucune perte de caractère car le malbec, le grand cépage local, et ce lieu particulier y veillent. Une large dégustation d’une soixantaine de cuvées me l’a confirmé.
Le vignoble de Cahors est un cas un peu à part dans la mosaïque des appellations du Sud-Ouest de la France. S’il forme un paysage doux et paisible au fond de la vallée serpentine, il se transforme très rapidement et radicalement dès que l’on grimpe de part et d’autre de la rivière, en des zones souvent escarpées, arides en été, glissantes en hiver, mais caillouteuses partout et ferrugineuses par endroits. Cela faisait une paire d’années que je n’avais pas dégusté tant de vins de Cahors. Tous mes remerciements à l’interprofession des vins de Cahors (UIVC) d’avoir rendu la chose possible. C’est une appellation chaleureuse, sympathique et dynamique, qui a beaucoup fait pour sortir de la crise dans laquelle est était engluée depuis longtemps et si le chantier est en cours, les résultats sont là, notamment sur le marché américain.
Je voulais déguster un millésime ayant un peu d’âge, en l’occurrence le 2010, mais les ventes ayant décollé et le millésime étant de faible rendement, bon nombre de domaines ont envoyé des 2011 ou des 2012, voire quelques 2013. Température des flacons impeccable, bouteilles masquées, crachoirs irrigués et fonds blancs des tables, beaux verres et tranquillité : bref, des conditions parfaites de dégustation. Les 66 échantillons étaient divisés en deux séries : la première pour les vins de la vallée et des terrasses, la seconde pour les vins issus du plateau ou Causse, car c’est ainsi que se subdivisent les zones de production, partant des méandres du Lot. Et c’est aussi le nouveau chemin pris par l’appellation qui a un dossier en cours à l’INAO afin d’autoriser des mentions « terrasses » ou « plateau » pour des vins qui en sont issus. Aboutissement prévu dans deux ans. Le cépage phare de Cahors est le malbec, et il est de plus en plus mis en avant (et, je dirais, en valeur) depuis que les Argentins ont ouvert une brèche bienvenue dans la toute puissante trilogie cabernet/syrah/pinot noir dans l’esprit des consommateurs, et particulièrement les Anglophones. Pour passer vite sur les vins que j’ai moins aimé, mes critiques touchent à trois aspects : une rusticité persistante dans certains cas, avec des tannins durs et une absence de fruit ; un usage immodéré du bois dans d’autres cas ; enfin des extractions parfois trop appuyées qui donnaient à quelques vins une dimension certes de puissance et d’intensité mais qui manquaient de ce que j’apprécie le plus dans les malbecs cadurciens : c’est-à-dire la fraîcheur. Pour le reste, j’ai aimé d’abord le résultat d’ensemble : 30 bons vins sur 66, proportion assez remarquable dans une série si importante. Et les prix très abordable de nombre de cuvées. Je retiens ici les vins à moins de 15 euros.
Série « Vins de la Vallée »
Domaine Le Bout du Lieu 2010 (90% malbec, 10% merlot) : Un nez frais pour un vin gourmand, aux tanins fins. Il conserve sa séduction jusqu’à sa finale qui est empreinte de la note de fraîcheur qui, souvent, marque les bons vins de Cahors. Un rapport qualité/prix remarquable rajoute à ses atouts. 7 euros
Château Eugénie, cuvée Pierre le Grand 2010 (85% malbec, 15% merlot) : Le boisé est un peu marqué, mais ce vin a un joli fruité et une belle texture qui ne masque pas un fond intéressant. 8,10 euros
Château Lamartine, cuvée Particulière 2010 (90% malbec, 10% tannat) : intense, charnu, très mur (est-ce « particulier » ?), qui m’a fait penser davantage à un style « Nouveau Monde ». C’est bien fait dans une approche volontairement moderne. Prix : 11,50 euros
Clos d’Audhuy 2011 (100% malbec) : Une très belle matière intense et soyeuse. Un beau vin dont la longueur et l’équilibre impressionnent. Un de mes préférés, sinon mon préféré, dans cette première série. 13 euros
Château Haut Montplaisir, cuvée Prestige 2010 (100% malbec) : de la finesse et une bonne définition des saveurs, malgré des tannins légèrement crayeux, il me semble. 12,50 euros
Château Lamartine, cuvée Expression 2010 (100% malbec) : une belle matière pleine de gourmandise. Tannins et fraîcheur sont en bon équilibre. Deuxième cuvée sélectionnée de ce domaine toujours très fiable. 14,50 euros
Série « Vin du Causse »
Château Quattre 2010 (100% malbec) : un beau nez qui évoque prune et pruneaux. Tannins serrés. Joli vin classique qui respire le Causse. 7,50 euros
Prieuré de Bovila 2010 (100% malbec) : Un bon compromis entre vivacité et intensité. C’est long et vibrant. 8 euros
Métairie Grand du Théron prestige, 2011 (100% malbec) : le nez est réduit au départ, car ce vin a une certaine intensité de matière. Mais c’est très bien fait, lisse de texture et travaillé avec soin dans un style moderne assumé. 10 euros
Métairie Grand du Théron prestige, 2012 (100% malbec) : Beaucoup de relief et d’élégance. Tannins bien intégrés. Une belle réussite et une des meilleures affaires de toute ma dégustation. 10 euros
Clos Troteligotte, K-or 2013 (100% malbec) : un vrai délice par son fruité juteux et gourmand qui tire un peu vers la pâte de fruits. Prix : 9 euros
Domaine de la Bérangeraie, Les Quatre Chambrées 2010 (100% malbec) : Ce vin est clairement destiné à une garde et ma note en tient compte, car il n’est pas très accessible aujourd’hui. Les tannins sont très denses et masquent une peu le fruit à ce stade, mais il y a tout ce qu’il faut en dessous et je le reverrai avec plaisir dans quelques temps. 12 euros (ce qui est très raisonnable pour un vin de garde)
Rigal, Les Pierres Blanches 2010 (100% malbec) : La belle fraîcheur domine un peu l’ensemble, mais ce vin a sa place pour sa finesse. 15 euros
Rigal, Les Terres Rouges 2010 (100% malbec) : Beaucoup d’intensité et toujours cette texture serrée autour de la fraîcheur. Une belle longueur avec une pointe d’amertume agréable en finale. 15 euros
Château Pech de Jammes 2011 (100% malbec) : bon vin, bien fait dans un style « middle of the road », c’est à dire sans excès et accessible. 15 euros
Crédit photo : Hervé Lalau
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