Côte de Nuits Villages rouges, des bourgognes plus abordables (partie 1)
Tout amateur de vin qui se respecte sait que certains vins de Bourgogne sont des merveilles de finesse et de subtilité. De tels vins sont capables de m’émouvoir aux larmes. Ainsi que de trop nombreux amateurs à travers le monde. Je dis trop, non pas pour dénigrer les bons vins de Bourgogne, ni leurs amateurs, mais à cause de leur trop grande rareté, de la pénurie frustrante que cela engendre, et donc des prix qui les rendent hors de portée pour le commun des mortels. Chasser les bons bourgognes est trop souvent un sport réservé à une élite fortunée, certes œnophile, mais parfois aussi un peu snob. Le « name-dropping » est un corollaire malheureux de cette condition, comme dans d’autres régions d’ailleurs.
Cépages et climat de la côte de nuits
Voyons les bases de cette affaire. Ce sont d’abord deux cépages mythiques, pinot noir et chardonnay, et un système d’appellations axé sur la spécificité de chacun des « climats », ces parcelles nommées qui ornent souvent les étiquettes en plus des noms de villages.
Ajoutons-y un climat semi-continental qui ne fait que rarement de cadeaux. La combinaison entre une surface globale réduite (27.000 hectares environ, dont seulement 12% classé en premiers ou grands crus), une multiplicité de petites appellations divisées entre de nombreux propriétaires et un climat qui donne souvent le hoquet aux rendements engendre une pénurie presque structurelle.
Les prix ont grimpé en flèche ces dernières années, rendant les stars locales totalement inaccessibles. Pour les autres, l’amateur a intérêt à s’armer d’une bonne littérature car un nom aussi prestigieux soit-il sur une étiquette n’est absolument pas une garantie de qualité.
Géographie de la côte de nuits
Pour le même amateur de pinot noir bourguignon, la zone mythique est indiscutablement la Côte de Nuits, qui s’étend de Fixin au nord à Corgoloin au sud.
La majeure partie de cette zone est subdivisée en une série de villages dont les noms font monter les prix et les ambitions : Gevrey-Chambertin, Morey St. Denis, Chambolle Musigny, Vosne Romanée, Nuits St. Georges. Mais quelques villages inclus dans cette zone, dont les surfaces se situent de part et d’autre de la D974 (ex N74), n’ont pas choisi au moment de la création des AOC d’avoir leur nom sur une étiquette. Ils sont donc regroupés sous la bannière commune de Côte de Nuits Villages. Il s’agit de Fixin et Brochon, au nord de la Côte de Nuits juste en dessous de Marsannay, et de Prémeaux-Prissey, Comblanchien et Corgoloin au sud, après Nuits St. Georges. Le cas de Fixin est un peu à part car ce village bénéficie aussi d’une appellation spécifique avec la présence de quelques premiers crus sur son aire.
Tout cela ne pèse pas très lourd en termes de taille, car la surface de cette appellation, géographiquement divisée, est de 170 hectares seulement. Le vin rouge en constitue la production largement majoritaire, à hauteur de 95%.
L’absence de nom de village célèbre, et encore plus de Grand Cru, constitue a priori un avantage pour le consommateur à la recherche de bourgognes rouges plus abordables que la moyenne. Une récente dégustation à l’aveugle d’une soixantaine de vins de cette appellation m’a donné l’occasion de tester cette hypothèse.
Dégustation : Côte de Nuits Villages rouge (millésimes 2012 à 2014)
Dégustation à l’aveugle au Château D’Ardhuy en décembre 2015 d’une cinquantaine de cuvées. Mes préférés :
Domaine Dupaquier 2014
Un très joli fruité aux contours précis autour de la cerise amère. Un vin séduisant qui, dans son profil, m’a fait penser à un bon cru du Beaujolais par sa combinaison particulière entre fruit et structure.
Domaine Chauvenot-Chopin 2014
Vin plus sombre en couleur et plus charnu dans sa matière que la plupart. La grande maturité du fruit y est pour quelque chose. Très bon, car équilibré. (12,50 €)
Maison Ambroise 2014
Un très beau nez qui donne tout l’éclat que j’aime au pinot noir. Ce vin est aussi long que charnu. Un des meilleurs de toute la série. (16 €).
Domaine Philippe Livera, 2013
Robe relativement intense. Bon fruit et matière en harmonie.
Domaine Naudin-Ferrand 2013
Une vraie gourmandise de pinot noir au nez, d’une très belle pureté. Au palais, acidité marquée mais c’est fin et d’une grande élégance. (20 €)
Domaine Dubois 2013
Le nez est assez intense. Au palais, bonne structure, un fruité mûr et une impression d’honnêteté et de clarté.
Domaine Petitot, Les Vignottes, VV, 2013
Robe de moyenne intensité, nez de fraises et cerises. Vin frais et délicat, avec une pointe d’amertume pas déplaisante en finale. (14 €)
Domaine Desertaux Ferrand, Les Perrières, 2013
Le nez est important, en partie par la place prise par l’élevage, encore très présent. Mais le jus est fin et l’ensemble a du style. (12,50 €)
Dufouleur Frères 2013
Robe sombre. Le nez de ce vin montre aussi un peu trop son élevage sous bois, mais la qualité du fruit est là, la longueur bonne et l’ensemble est plaisant.
Domaine D’Ardhuy 2013
Ce vin vise clairement un style de garde moyenne, car il sera sûrement meilleur dans deux ou trois ans. Un peu raide pour le moment, campé sur une bonne structure où tannins et acidité sont bien en évidence, mais entouré d’une très belle qualité de fruit.
Desertaux-Ferrand 2012
Le nez est richement expressif. Très beau vin, aux tannins significatifs mais très bien intégrés. Aussi un vin à garder quelques années.
Credit photo : BIVB IBANEZ
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