La force et la grâce des Rasteau

La force et la grâce des Rasteau

Le 24 novembre 2010, l’AOC Côtes du Rhône Villages Rasteau est officiellement autorisée à se dépouiller de son fastidieux intitulé pour s’appeler désormais AOC Rasteau, rejoignant ainsi, et à juste titre, le cercle restreint des crus du sud de la vallée du Rhône, où trône Châteauneuf-du-Pape. Ce statut récompense les efforts des générations de vignerons et de coopérateurs qui ont successivement œuvré sous les statuts de Côtes du Rhône (1937), Côtes du Rhône Villages Rasteau (1966), s’imposant à chaque étape des exigences accrues dans le mode de production. Cela dit, les spécificités du vignoble, pour ne pas dire ses dons, lui avaient valu d’être reconnu en 1944 comme AOC dans la catégorie de Vin Doux Naturel (VDN en abréviation) *, une lointaine et forte tradition locale qui se voyait alors consacrée au plus haut niveau. Quand on sait que l’élaboration d’un VDN se fait sans compromis sur la maturité du grenache, on validait là le potentiel d’un grand terroir bien avant l’heure de sa reconnaissance pour des rouges dits secs ou tranquilles. Aujourd’hui réduite à peau de chagrin, la production de ce vin spécifique ne pouvait ainsi trouver meilleur relais.

Dix ans sont donc passés depuis que les étiquettes arborent fièrement le label du cru, chaque acteur l’honorant au mieux en suivant son style. Faire le bilan d’une décennie n’a pas vraiment de sens dans une appellation qui se préparait à mériter cette distinction bien avant sa pleine consécration, cependant, il était loisible d’y faire une tournée avec cette commémoration pour prétexte. Ainsi, en recourant à la relative objectivité d’une dégustation à l’aveugle, j’ai sélectionné les domaines qui m’ont paru représenter dignement Rasteau dans son identité de cru, chacun affirmant une personnalité que j’ai tâché de cerner et de relater ci-après.

Ce regard exhaustif sur Rasteau m’a permis de distinguer plusieurs « écoles », qui toutes cependant se rallient à la bannière du grenache, son ADN pour ainsi dire. Imposé au premier plan dans la composition des vins, ce cépage les façonne littéralement en leur insufflant son fort tempérament, tandis que chaque acteur le modèle suivant son style, mais toujours dans la quête d’un grand équilibre. Sur la foi de mes dégustations, ce dessein est souvent accompli, parfois magistralement au point de confondre sur le présupposé de vin généreux ou « solaire » attaché au vocable Rasteau.  

* Le VDN Rasteau fait partie de la catégorie des vins mutés, à l’instar du Porto et des VDN du Roussillon (Banyuls, Maury, Rivesaltes). Pour en savoir plus : ICI

Les argiles bleues mais pas seulement…

Si par simplification on se plaît à citer les argiles bleues pour distinguer l’atout majeur du terroir de Rasteau, rien n’est plus vrai sauf que les argiles y sont de plusieurs espèces – distinguées par leur teinte – et surtout omniprésentes sur son aire. Il s’agit plus justement de marnes argileuses du fait qu’elles renferment du calcaire, alors que leur couleur témoigne de l’ère géologique de formation, s’agissant du Pliocène pour les bleues. Plus que toute autre forme argileuse, les marnes bleues sont celles qui possèdent le meilleur pouvoir de rétention hydrique, particulièrement bienfaitrice à la maturité des raisins en année de sécheresse. Ainsi, les vins qui en sont issus présentent un supplément de fraîcheur, à condition que le potentiel hydrique des sols ait été reconduit par les raisins. Si de multiples facteurs conditionnent cet effet de terroir, force est de constater qu’il semble préservé dans une majorité d’expressions nées sur des marnes bleues.

Cela dit, les autres types d’argiles, jaunes et rouges, ne déméritent pas pour autant et partagent de mêmes vertus. Les spécificités de chaque type dépendent alors de leur distribution sur l’aire de Rasteau. Les argiles rouges, qualifiées également de brun-rouge, composent les parties les plus basses en altitude, celles dudit Plan de Dieu, où elles forment avec des sables et des cailloux un complexe aux qualités drainantes. Quant aux argiles jaunes, des marnes lacustres à proprement parler, elles se trouvent sur les secteurs les plus élevés, là où abonde un lit caillouteux, facteur de la synergie sol/sous-sol privilégiant ce type de terroir. Ces dernières formations sont d’ailleurs prépondérantes sur l’aire d’appellation. Un examen de sa géologie permet de le constater (voir carte), tout comme il fait apparaître une localisation précise des marnes bleues, suivant une orientation sud/sud-est, avec une partie dominant le cours de l’Ouvèze.

Aux avantages procurés en profondeur par les argiles s’ajoutent ceux apportés en superficie par la couverture caillouteuse qui est constante sur l’ensemble du vignoble. Il est reconnu que cette pierrosité contribue à drainer efficacement l’eau des pluies ainsi qu’à réguler les températures à la surface des sols. Par endroits, la prédominance de cette typologie en vient à constituer un marqueur supplémentaire de terroir.  

Le caractère « solaire » que l’on attribue communément aux vins de Rasteau procède également d’une simplification, car les terrasses et les reliefs collinaires portant les vignes ne sont pas tous exposés plein sud, avec de présupposés raisins gorgés de soleil et un niveau d’alcool à l’avenant. Dans la réalité, le vignoble présente une grande variété d’exposition, et parcourt pratiquement les quatre points cardinaux ! Il est dès lors aisé de comprendre que l’uniformité n’est pas de mise dans le cycle de maturation des baies. Ainsi, chaque secteur composant l’aire d’appellation est soumis à un régime d’ensoleillement qui lui est propre. La tradition et l’expérience aidant, vignerons et viticulteurs connaissent la vocation de leurs différentes parcelles sur ce plan, car il faut aussi savoir que pratiquement aucun domaine de Rasteau n’est formé d’un seul tenant, la distribution des vignes obéissant à l’histoire de chaque entité viticole. Par conséquent, outre la nature et le relief des sols, leur exposition concoure au même titre à façonner les vins. Lorsque leur connaissance est bien assimilée, ces critères permettent de déterminer les bonnes adéquations sols-cépages et participe d’une gestion optimale de chaque unité de terroir, avec pour heureux corollaire une réjouissante diversité des expressions.

Carte géologique AOC Rasteau

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Une forte identité et ses interprétations

Outre un terroir bien identifié, de nombreux facteurs concourent à modeler le caractère et la silhouette du Rasteau, à commencer par les cépages qui forment le vecteur primordial de son identité. Voici quelques remarques à ce sujet.

Âme du Vin Doux Naturel, le grenache noir a été reconduit dans son premier rôle pour les rouges de Rasteau. Ce cépage rhodanien par excellence atteste d’une longue histoire qui se perpétue pour ainsi dire, puisque des plants centenaires fructifient toujours sur son vignoble. Sans atteindre cet âge vénérable, une majorité de ceps du cru flirte avec le demi-siècle, le meilleur témoin de ce patrimoine étant la coopérative dont l’important vignoble atteste en moyenne d’une telle longévité.

Décrire ce que le grenache apporte aux vins de Rasteau serait du même ordre qu’expliciter son rôle à Châteauneuf-du-Pape… Bien mûr, une condition qui ici va de soi, il métamorphose en suavité et en onctuosité sa légendaire richesse alcoolique, sans toutefois jamais verser dans l’opulence ni la lourdeur, la nature du terroir procurant un équilibre généralement remarquable, ressenti sous forme de fraîcheur à différents degrés. Perçue comme un paradoxe dans des expressions naturellement riches, cette constante de fraîcheur concoure à amplifier les profils, faisant rayonner la matière et innervant sa texture. Les Rasteau les plus accomplis reflètent ou se rapprochent de ce schéma, la manière vigneronne les personnalisant au goût de chaque auteur.

Les différentes interprétations du Rasteau commencent par l’art d’accommoder le grenache avec les autres cépages autorisés, et la syrah en premier lieu. Si le temps où elle fut déclarée cépage améliorateur est bien révolu et si l’on s’inquiète aujourd’hui de son comportement avec le réchauffement climatique, la syrah s’est adjointe au grenache avec succès, parfois avec bonheur. Force est de constater qu’elle contribue à la diversité aromatique des assemblages, y apporte ses qualités de corps et de structure. En tout cas, elle forme avec le grenache un duo qui est très souvent à l’origine de plus belles expressions de Rasteau, y compris lorsque la syrah est très minoritaire. D’autres variétés, en l’occurrence le mourvèdre et plus marginalement le carignan, apportent une touche opportune à la composition des vins quand il s’agit d’affirmer une individualité, un style. Découvrons-les…

… et ses meilleurs interprètes

Fruit du principe relativement objectif d’une dégustation faite strictement à l’aveugle, la sélection qui suit a été effectuée suivant des critères élémentaires de qualité, tout prenant en compte ceux d’une identité présumée. Sur ce dernier point, il n’a pas été question de faire un classement en se référant aux différents styles de Rasteau, si tenté qu’on puisse les définir comme tels, et même si j’ai parlé plus haut des « écoles » qui rassemblent de mêmes conceptions du Rasteau. J’ai alors choisi d’aborder ce sujet sans systématisme à travers mes propos. C’est donc le seul ordre alphabétique qui départage les domaines méritant une mention dans ce tableau d’honneur.   

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Domaine de Beaurenard

Domaine Caroline Bonnefoy

Domaine Bressy-Masson

Cave de Rasteau

Domaine La Collière

Domaine des Coteaux de Travers

Domaine des Escaravailles

Domaine Les Evigneaux

Domaine Gramiller

Domaine Les Grands Bois

Domaine Grand Nicolet

Domaine La Luminaille

Domaine La Soumade

Domaine de Trapadis

Xavier Vignon

Domaine Wilfried

Domaine de Beaurenard

Propriété de Châteauneuf-du-Pape dont les frères Daniel et Dominique Coulon ont porté haut la renommée, le Domaine de Beaurenard possède également un vignoble sur Rasteau. Aujourd’hui, les fils de Daniel, Antonin et Victor les ont rejoints pour continuer à y œuvrer dans le sillage de leurs aînés.

Leurs vignes se répartissent en deux îlots bien distincts géographiquement. Celui qui en constitue le cœur, pour ainsi dire, est un coteau parcouru de veines d’argiles bleues situé au lieu-dit Le Bourget, limitrophe de la commune voisine de Roaix. L’autre partie des vignes se trouve sur La Montagne, un secteur localisé tout au nord du village de Rasteau, avec des sols d’argiles rouges. Un repérage des parcelles sur des argiles bleues a donné lieu à une cuvée à part entière, baptisée du nom éponyme à ce type de terroir et dont le premier millésime coïncide avec la naissance du siècle présent. Une pratique culturale suivant les préceptes de la biodynamie renforce d’autant plus son bien-fondé que son mode d’élaboration bénéficie de l’exigence présidant celle de leurs Châteauneuf-du-Pape. Ainsi, tout autant pour cette cuvée d’exception que pour la cuvée classique, les Rasteau du domaine sont stylés par le soin apporté à leur élaboration et notamment un élevage ajusté à leur vocation respective. Il en résulte des vins d’une expression moins immédiate, un brin réservés en jeunesse, mais d’un profil somptueux qui est moins l’apanage des expressions conçues pour séduire de prime abord. Davantage élancée que corpulente, leur silhouette suggère classe et raffinement, des qualités qui sont celles de vins plus racés que proprement épicuriens. 

Le 2019 de la cuvée générique répond fidèlement à cette description, avec un fruit qui commence à poindre et d’une structure bien sentie et déjà aimable pour l’apprécier. Quant à « Argiles Bleues » 2018, proposée actuellement, si arômes et flaveurs sont sensiblement sous la coupe de l’élevage, l’esquisse de sa plénitude laisse sans voix, tandis que des tanins aussi fins que denses présagent avec assurance d’un grand potentiel de garde.  

En VDN, le domaine n’élabore que du Grenat, mais quel Grenat ! Et c’est à travers un 2015 que l’on ressent toute l’habileté d’une élaboration jouant avec les limites des règles imposées au profit d’une expression tout en finesse et en élégance. Conçu de manière à contenir une richesse en sucre et en alcool des plus modérées pour sa catégorie, il dispense une rare senteur de laurier et ne montre aucun penchant onctueux qui caractérise communément les VDN traditionnels. Transfigurant la sensation de douceur, il dévoile toute la majesté du grenache lorsqu’il s’exprime à travers « l’alchimie » du mutage.     

Trois générations de la famille Coulon, de gauche à droite : Daniel, Dominique, Victor (en bas), Paul et Antonin

Rasteau 2019

S’exprimant avec distinction et en voie d’épanouissement, l’expression aromatique laisse poindre un caractère frais et séveux sur une dominante épicée, avec en contrepoint des notes d’olive noire et de réglisse. L’amplitude en bouche favorise la sensation d’une matière ondoyant avec grâce et souplesse avant de se muer en une texture juteuse, qu’imprègne d’un goût particulièrement intense et pénétrant encore peu détaillé. Des tanins ronds et fondants structurent l’ensemble avec une grande justesse.  


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Domaine Caroline Bonnefoy

Œuvrant majoritairement sur l’aire de Valréas, Caroline Bonnefoy forme un tandem original avec Gilles Phétisson, son compagnon dans la vie, chacun signant ses propres vins tout en partageant le cadre de production et la pratique d’une viticulture en bio. L’autre singularité de son métier est de travailler des vignes acquises en Ventoux, Beaumes-de-Venise et Rasteau bien sûr. Caractérisant encore sa différence, son vignoble sur Rasteau, une terre familiale de très longue date, a été gagné sur la nature puisqu’inexploité jusqu’en 2006, bien que située sur l’aire de ce qui n’était encore que l’AOC Villages Rasteau. Il s’agit du secteur le plus en altitude de l’appellation, situé à plus de 300 m et en partie sur le lieu-dit La Ratanaud, avec une exposition sud/sud-ouest. Repris cette année-là à l’état de garrigue, le terrain est défriché et planté de manière atypique, en haute densité, contrevenant alors à la tradition rhodanienne et aux préconisations du décret en la matière. Malgré tout, ce choix a très vite payé puisque son tout premier vin, un Rasteau 2009, a été primé alors qu’il était issu de très jeunes vignes !

Né sur un sol très caillouteux comportant des galets imposants, son Rasteau rend la suavité d’une pleine maturité sans pour autant verser dans une sensation capiteuse. La fraîcheur intrinsèque à sa nature tempère ainsi son caractère et se déploie à travers sa matière en créant d’appréciables pleins et déliés. Cette expressivité le doit aussi au métier de la vigneronne et son parti pour des vins sans excès de concentration, structurés à leur mesure, souples, fins et parfaitement digestes. C’est ainsi le portrait de son 2017, celui d’un Rasteau accompli où le grenache et une forte proportion de syrah fusionnent pour le meilleur d’une vocation épicurienne.

Caroline Bonnefoy

Rasteau 2017

Exprimées en nuances, des notes fraîches et vivaces de baies noires et d’épices douces font tout son attrait et son charme aromatique. Un même agrément caractérise le palais, suscitée par une grande fraîcheur de constitution et une délicatesse de texture, le tout s’exprimant dans un ensemble épanoui, orné de saveurs pénétrantes concordant aux arômes et de tanins fondants particulièrement savoureux. 


Domaine Bressy-Masson

Il y a encore peu ce domaine était la propriété de Marie-France Bressy-Masson, une vigneronne respectée de Rasteau qui lui avait donné tout son lustre. Elle a ainsi passé la main à son fils Paul-Emile en 2019. Emmené avec l’entrain de son nouveau vigneron, le domaine repart, fort d’une alliance avec la famille Bréchet, propriétaires d’autres entités viticoles, et surtout du Château de Vaudieu, un producteur historique de Châteauneuf-du-Pape. Paul-Emile se voit ainsi associé à ses nouvelles destinées, ayant auparavant acquis son métier à Vaudieu même. Cette mutation s’est accompagnée d’une approche différente des vins, celle prônée par l’œnologue Philippe Cambie, où prévaut la notion de plaisir avec tous les facteurs qui y concourent. L’exploitation du vignoble a ainsi été revue avec méthode, attribuant une cuvée à chacun des trois secteurs qui le constituent, et jouant à chaque fois sur le même type d’assemblage où le grenache prédomine largement, la syrah et le mourvèdre venant en complément. Le travail des vignes s’accorde sur cette nouvelle ambition par l’adoption progressive du désherbage mécanique, doublée d’une campagne assidue pour remplacer les nombreux pieds de grenaches manquants sur une vigne du lieu-dit Le Jas, là où des terrasses ont été récemment aménagées pour produire une cuvée qui fait déjà la fierté du renouveau du domaine.

Produit des parcelles situées dans l’environnement de la cave, sur les secteurs de Plan de Dieu et de Crapon, le Rasteau inaugurant la gamme joue en 2019 la carte d’un fruit gourmand et offre une jolie synthèse entre cet aspect engageant et d’indéniables qualités de fond. Séduisant mais sans concession sur son statut de cru, il apparaît comme un bel exemple du Rasteau « moderne » et une digne introduction à une gamme ambitieuse. 

Récoltée plus en altitude, sur le quartier Saint-Didier, au lieu-dit nommé paradoxalement La Plaine, la cuvée « Paul-Emile » donne une interprétation plus riche de ce millésime, traduite par un fruit généreux et un rendu d’ensemble raffiné, à la texture épanouie et dotée de son propre charme. 

La cuvée « Le Jas » 2019 apparaît quant à elle comme le témoin le plus flagrant des nouvelles orientations œnologiques, avec notamment un élevage systématique en fûts de chêne de grande contenance (demi-muids), nouvellement adoptés dans l’équipement de la cave. Issue d’un terroir généreusement ensoleillé, elle le restitue sans ambages par une puissance débordante, qui devrait cependant s’amadouer au vieillissement. Un élevage aux effets sensibles compose habilement avec un fruit superlatif en maturité, et contribue à amplifier son profil et à raffiner son rendu, ceux d’une expression prometteuse née sur un terroir d’exception.

Paul-Emile Masson et Laurent Bréchet

Rasteau « Paul-Emile » 2019

Riche et enjôleur, le nez rend une fraîcheur de garrigue, des épices orientales ainsi que du noyau de cerise. D’une ampleur manifeste, la bouche se prévaut en outre d’un corps tactile aux formes bien soulignées, où s’exprime le charme d’un fruit kirsché encore un peu pris dans l’élevage. Le plaisir se prolonge dans une finale peaufinée par le velours des tanins.    

Rasteau « Le Jas » 2019

Sa fraîcheur et sa densité aromatique captivent en fleurant un complexe épices-fruits noirs d’où ressortent des notes de myrtille et la marque discrète d’un élevage noble. Saisissante par une ampleur proverbiale et l’équilibre qu’elle suscite, la bouche affirme sa haute teneur et sa puissance, et les dispense généreusement à travers l’opulence du fruit. L’expression se conclut par des tanins encore serrés, mais fins et de belle facture.


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Cave de Rasteau

Bientôt centenaire, puisque créée en 1925, la coopérative de Rasteau est d’ailleurs l’une de ses doyennes dans les Côtes du Rhône. Elle est de très loin l’acteur le plus important de l’appellation, produisant environ la moitié des volumes en AOC. Cette suprématie sur le plan quantitatif s’exerce non sans mérite, puisque son emblématique cuvée « Tradition », loin d’être confidentielle, c’est le moins qu’on puisse dire, pourrait faire office de digne ambassadeur de Rasteau, tant ses qualités satisfont les bons critères du cru. Pour parvenir à un tel résultat, la coopérative dispose d’un véritable patrimoine de vieilles vignes puisque leur âge moyen est de 45 ans, avec un cœur de vignoble planté entre 1930 et 1950 et une petite part (5 %) constituée de ceps plus que centenaires. A cela s’ajoute une configuration d’ensemble (pour 3/4 des surfaces) en coteaux, épousant tous les types de reliefs. Son exploitation répond en outre à un ensemble d’exigences culturales, avec notamment un travail mécanique des sols très dominant, ancré dans la tradition vigneronne locale. Sous cette discipline, les vendanges sont très majoritairement faites à la main et les apports sont sanctionnés par une échelle qualitative d’au moins 5 niveaux.

Au-delà du rôle qui incombe à chaque viticulteur, la totalité du vignoble est supervisé par Hervé Icole, dont la tâche ô combien cruciale consiste à déterminer le potentiel de chacune des 775 parcelles, ce qui n’est pas une mince affaire, étant donné que cette tâche est renouvelée tous les étés, en rapport étroit avec la nature de chaque millésime. Ainsi, les facteurs conditionnant le potentiel du raisin sur chaque unité sont examinés et consignées : rendement, taille des grappes, surface foliaire, etc. Cette équation aux données multiples est de surcroît résolue au mieux au moment des vendanges, grâce à la vigilance qui préside la phase des apports, lesquels s’effectuent d’ailleurs parcelle par parcelle. Fondée sur ce quadrillage du vignoble, la gamme de ses Rasteau s’échelonne en conséquence, suivant des produits obtenus sans techniques particulières, par des procédés d’élaboration dit traditionnels. Seuls des élevages spécifiques en fûts de chêne distinguent certaines cuvées haut de gamme, où leur incidence est justement recherchée.

Bien que nommée « Tradition », un vocable dont le sens usuel désignerait plutôt un vin aux accents surannés, cette cuvée présente ici une allure bien trouvée, celle d’une expression déjà accessible s’agissant d’un 2019, et qui pour autant ne concède en rien à l’identité d’un Rasteau. Un fruit franc et épicé atteste ainsi du registre qu’on en attend, tout comme la puissance qui en émane, d’ailleurs bien maîtrisée et compensée par une fraîcheur de constitution d’autant plus appréciable qu’elle s’accompagne d’une corpulence modérée. Accompli dans sa vocation, ce vin ne résume pas tout le savoir-faire de la coopérative, celui mis en œuvre pour son « Prestige », une cuvée bien moins produite, issue d’une sélection de parcelles et assemblée avec davantage de syrah. Façonnée par un élevage patient, marginalement en fût de chêne, elle est proposée dans un millésime épanoui, actuellement le 2015. Portant le schéma de fraîcheur du « Tradition », elle a en outre préservé une surprenante vitalité de fruit et voit à présent sa structure fondue au terme d’une longue maturation. Cuvée sensiblement plus marginale, provenant également de vignes appropriées à son ambition, « Les Hauts du Village » est le produit d’un assemblage singulier où grenache, syrah et mourvèdre sont peu ou prou à parts égales. A l’instar du « Prestige », le vin est commercialisé après un long vieillissement, ainsi aujourd’hui le 2014, avec sa nature épicée et un caractère fondu invitant à l’apprécier sans attendre. En cela, il est un reflet fidèle d’un millésime qui n’avait pas vocation à faire des vins de garde.

Patrick Paolucci (maître de chai) et Hervé Icole (responsable vignoble)

« Séries limités », des exercices de style

Nantie d’une gamme bien représentative de son potentiel, la Cave de Rasteau a d’autres cordes à son arc, et le démontre à travers des expressions de Rasteau certes plus démonstratives qu’authentiques, qui ont néanmoins le mérite d’attirer à elles des amateurs d’absolu. 

Le « Domaine de Pisan » est une petite entité (environ 7 ha) indépendante au cœur du vignoble en coopération, mais propriété de la cave. Il donne lieu au vin éponyme, fruit de vignes situées en haut de coteau. Sur la foi du 2015, une année très favorable, il apparaît riche et concentré, mais d’une générosité contenue, et habilement structuré. Un élevage ambitieux, effectué en bonne partie en fûts neufs, lui donne une allure apprêtée comparativement à l’ensemble de la gamme. Cette remarque n’empêche en rien de savourer ses qualités de fond, celles d’un bel étalon de Rasteau.

Si « Domaine de Pisan » ne jure pas avec l’essentiel de l’identité du cru, ce n’est pas le cas pour « Icône », une cuvée ostensiblement ambitieuse, élaborée avec soin et exigence, depuis un choix drastique des raisins jusqu’à l’emploi de techniques idoines à un tel objectif. En dégustant le 2012, le résultat est pour le moins convaincant, avec toutes les impressions et la suavité que peut procurer un vin méditatif, où la transparence du terroir ne prime pas.


Rasteau « Prestige » 2015

Surprenant par sa vitalité, le nez dispense tout un concert d’arômes où l’on distingue des notes fraîches d’essence épicée, boisée, de raisins secs, de pinède… Un même caractère enlevé définit une bouche littéralement façonnée par un courant de fraîcheur où la matière gagne de la souplesse et du relief tout en exprimant un registre résolument balsamique. Perçus sensiblement en rémanence, les tanins se laissent néanmoins apprécier. 

Rasteau « Les Hauts du Village » 2012

La fougue qui émane de son entière expression ne laisse en rien supposer son âge, hormis un registre aromatique aux notes tertiaires. Ce sont ainsi des flaveurs balsamiques ou évoquant un sous-bois de pinède qui le définissent et en forge le caractère. Ce contexte de grande fraîcheur délie un corps d’une belle étoffe et profondément suave au profit d’une texture juteuse et douce, puis rejaillit sur la perception des tanins en en ressortant un aspect salivant.  


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Domaine La Collière

« Les plus mauvaises années à Rasteau, c’est là où on fait les plus grands ». Par cette annonce paradoxale, Georges Perrot apparaît comme un vigneron de défis, qui vont jusqu’à se concrétiser dans un vin aussi inattendu qu’un effervescent, surtout en vallée du Rhône ! Ce défi, il le relève encore dans sa « Cuvée Oubliée », un Rasteau dont la composition varie au gré des années en consacrant à chaque fois un cépage unique. Sorti de la coopérative il y a près de 20 ans, Georges conduit aujourd’hui un domaine respectable d’une trentaine d’hectares, majoritairement classés en Rasteau et dont le produit est aujourd’hui entièrement commercialisé par ses soins. Les vignes jouxtent en partie une cave située à l’orée du village, sur la « plaine » de Rasteau, tandis que d’autres parcelles occupent ses meilleurs terroirs, aux lieux-dits ayant pour noms Les Girards, Les Chaberts et Saint-Didier. Depuis cette nombreuse palette de sols, il conçoit trois cuvées dont le caractère commun est un remarquable équilibre, confondant sur une richesse sans compromis, comme il sied pour de dignes représentants de l’appellation. Notre vigneron incarne ainsi et au mieux cette nouvelle génération d’acteurs qui ont œuvré à son renouveau et au bénéfice d’expressions plus épurées et incidemment plus digestes. Ce résultat le doit à un travail adéquat des sols et des rendements maîtrisés, sans être trop restreints. Dans la lignée des 2002 et 2008, issus eux aussi d’années difficiles et restés dans la mémoire du vigneron, ses 2018 répondent également à son adage et témoignent pleinement d’un style achevé qui de surcroît n’exclue pas l’élégance. « Esprit d’Argile » 2018 est exemplaire en ce sens, parfumé sur un accent de garrigue, juteux à souhait, frôlant la gourmandise et peaufiné de tanins veloutés, signes d’une saine jeunesse.

Entre ses mains, le Vin Doux Naturel gagne une interprétation éloignée de la tradition, assurément moins passéiste et avec une parenté de goût avec un Porto Vintage ou encore un Maury Grenat. Né sur les argiles bleues formant le haut du secteur de La Fontaine, il est élaboré les seules années que son auteur estime dignes de faire un VDN fidèle au style qu’il recherche, celles où l’essence du vin initial prime sur la sensation de douceur. En aparté, pour sortir du sempiternel accord avec le chocolat, Georges suggère de l’apprécier sur une salade de fruits d’été ou un crumble aux pommes. L’éclectisme de son métier s’étend à une production assidue de blancs, avec pas moins de 3 cuvées dont l’une pourrait constituer un virtuel Rasteau blanc, « Les Bergeronnettes », privilégiant le grenache blanc et désaltérant à souhait, autre paradoxe dans un vignoble réputé « solaire ».  

Georges Perrot

Rasteau « Esprit d’Argiles » 2018

Remarquable par sa fraîcheur et sa fougue, le nez se campe sur un fort accent de garrigue d’où s’échappent des notes d’olive noire et de violette. D’un volume parfait, comme sphérique, la bouche contient une matière que magnifie un caractère pulpeux profondément savoureux et fidèle aux arômes, et que ceignent des tanins fondants et très plaisants par leur velouté et un fruit réglissé qui les anime à merveille. 


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Domaine des Coteaux de Travers

Robert et ses enfants Marine et Paul joignent leurs compétences en 2016 pour conduire en trio ce domaine entrée dans la famille Charavin il y a plus d’un siècle. Cette lointaine ascendance ne rime pas pour autant avec un ancrage dans une tradition et le passéisme qu’elle sous-entendrait. En effet, dès 1984, c’est en pionnier que Robert Charavin convertit l’exploitation de son vignoble à l’agriculture biologique avant d’adopter la biodynamie comme mode de conduite en 2013. Autre signe de son actualité, le style des vins s’inscrit a contrario de ce que Marine stigmatise comme « une triste réputation de vin de garde » ou encore « une image de vin d’hiver ». D’ailleurs, elle assume volontiers ce que la nature a donné en 2020, « un millésime facile à boire ».

Dans sa configuration, le domaine symbolise parfaitement la typologie des exploitations de Rasteau, avec un vignoble éclaté sur plusieurs lieux-dits ou quartiers. En plus de ça, le savoir-faire s’y exprime avec tout le discernement et l’intuition du vigneron, puisque chaque parcelle est bien identifiée quant à sa destination, constituant alors la source de telle ou telle cuvée. Ainsi, sa première cuvée, « Les Travès », provient majoritairement du secteur de Grangeneuve, avec ses sols pauvres, et plus partiellement de Font de Bouzon, mieux nantie avec ses marnes bleues. C’est donc des terroirs aussi contrastés qui engendrent la vocation d’un Rasteau « de tous les jours », comme Marine le qualifie. Une même conception entoure la naissance de la « Mondona », une haute expression du Rasteau qui puise ses racines dans les mêmes marnes bleues que sa cadette, et forcément dans celles du lieu-dit qui a donné son nom à la cuvée. Par surcroît, sa complexité et sa profondeur le doivent aux vieilles vignes plantées sur des secteurs caillouteux (La Brune, Les Marcels), où des carignans avouent plus de 80 ans. 

Appréciables dès sa prime jeunesse, la cuvée « Les Travès » a été élaborée avec cette intelligence, conçue dès la vendange puisque ses constituants – pour une moitié grenache, syrah et mourvède pour l’autre – y sont assemblés pour être vinifiés ensemble. Récoltée à juste maturité, élaborée sans heurts, son 2020 s’offre déjà en souplesse, sur la fraîcheur de son fruité et une structure bien ajustée pour répondre à une vocation de vin plaisir.

Issue des plus vieilles vignes du domaine choisies sur les parcelles qui lui sont dédiées, la « Mondona » n’a pourtant rien d’un vin ostentatoire. Elle fait alors valoir son statut davantage par de hautes qualités de forme et de fond exprimées sans excès ni rigueur, comme un juste milieu entre amabilité et promesse. Tel apparaît un 2019 au potentiel parfaitement esquissé.

Cuvée rarissime, « Paul » l’est assurément puisque son volume correspond à un fût de 600 litres, soit 800 bouteilles ! Son constituant majeur provient de l’essence de grenaches presque centenaires pour certaines, et de la quintessence du seul jus de goutte. Il est produit les seules années propices à un vin d’exception et patiemment élevé, au point que le 2014 est celui commercialisé à l’heure actuelle.

Aux Coteaux des Travers, le genre du VDN est choyé et largement honoré, car hormis le Rosé toutes les catégories y sont représentées dans l’échelle des âges et des genres, depuis le Grenat jusqu’au Hors d’Âge dont le 2012 sera bientôt délivré. Au-delà de la maîtrise qui préside à leur achèvement, il y a la vigne singulière qui les engendre et leur est même dédiée. Située au quartier de La Barthalasse, elle entoure ce qui constitue son symbole tutélaire, devenu l’emblème du domaine : un chêne pluriséculaire, dont l’âge est estimé entre 400 et 500 ans !

Marine, Robert et Paul Charavin

   

Rasteau « Les Travès » 2020

D’un abord velouté, le nez oscille agréablement entre le croquant et le gourmand d’un fruit éclatant sur de la myrtille et des épices douces. Ample et étoffée, la bouche exprime un caractère puissant à travers un goût semblable aux arômes, tandis que des tanins tendres confirment sa vocation pour être appréciée dès sa jeunesse.

Rasteau « La Mondona » 2019

Un nez envoûtant le doit aux exhalaisons suaves d’un fruit très mûr, à la limite du capiteux, allié à des parfums enivrants de garrigue. A cette approche engageante répond une mise en bouche non moins prenante par la perfection de son volume, un cadre de choix pour accueillir une texture pulpeuse, admirable par une densité de sève encore sous la coupe d’un léger boisé et d’une structure affirmée, mais aux contours émoussés.


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Domaine des Escaravailles

« Escaravay » signifie scarabée en occitan, c’est le nom du lieu-dit où se situe le cœur du domaine, c’est aussi son emblème… Son vigneron, Gilles Ferran, ne se contente pas d’être l’auteur de Rasteau hors-pair, car ses VDN figurent également parmi les expressions les plus individualisés qui soient. Créé par son grand-père au début de années 1950, le domaine regroupe des vignes sur les secteurs les plus élevés de l’appellation, jusqu’à 350 m d’altitude. Les incidences d’une telle configuration se perçoivent dans la fraîcheur de constitution qui caractérise à merveille le profil de ses vins. Importante, sa superficie est exploitée avec discernement et s’ajoute à toute une gamme issue d’AOC voisines – Cairanne et Roaix – de vignes en Côtes du Rhône ou hors catégorie (Vin de France), s’agissant de blanc ou de rosé. Ce tableau éclectique atteste d’une maîtrise accomplie de son métier, où la passion tient une place certaine. Pour autant, la conception d’ensemble le doit à la rigueur d’une formation d’œnologue, acquise sur les mêmes bancs que Philippe Cambie, devenu quant à lui un consultant de grand renom en vallée du Rhône et officiant aux Escaravailles comme conseiller et ailleurs comme partenaire. En effet, l’exploitation en commun d’un petit vignoble non loin de Rasteau les réunit au point qu’ils y élaborent un vin à quatre mains. Cette complémentarité des compétences s’exerce ici avec succès et se concrétise dans pas moins de cinq cuvées, l’une synthétisant le fruit de jeunes vignes, les autres reflétant les lieux-dits où se répartit le vignoble. Ainsi, La Ratanaud, La Ponce, Les Fouquesses et Les Sambiches engendrent autant d’expressions, baptisées respectivement « Les Coteaux », « La Ponce », « Héritage 1924 » et « Argilla ad Argillam ». Marqueurs spécifiques du terroir de Rasteau, les argiles sont forcément très présentes à l’endroit des Escaravailles, quoique de natures différentes. Leur influence sur les vins est remarquable, a fortiori lorsqu’il s’agit de vignes enracinées de longue date, à l’instar des grenaches qui composent strictement « Héritage 1924 » puisque plantées sur des argiles bleues en… 1924. Cette quintessence de grenache est d’ailleurs judicieusement préservée par un élevage garant de son intégrité, effectué en cuve béton. Dans cette considération, les autres types de sols ne sont pas en reste, comme ces argiles rouges qui diffusent leur minéralité à travers « Argilla ad Argillam », cuvée où la syrah joue un grand rôle, accentuant une singularité qui s’étend à un élevage en amphores d’argile !

Gilles Ferran

L’orfèvre du VDN

En Vin Doux Naturel, Gilles Ferran travaille en orfèvre, soucieux de trouver les équilibres sans lesquels ces vins si particuliers n’exprimeraient pas toute la séduisante gourmandise inhérente à leur genre, perturbée qu’elle serait par un penchant sucré ou alcooleux. Pour cette heureuse perspective, il a détecté les parcelles les plus aptes à produire des raisins très mûrs tout en possédant d’un bon potentiel d’acidité, ce qui est le cas au lieu-dit Combe de L’Eoune , un secteur propice aux blancs, davantage calcaire qu’argileux. Apparu en 1992 aux Escaravailles, le VDN blanc a été le premier du genre produit sur l’appellation. Le 2018, son dernier en date, témoigne d’un équilibre optimal et d’un style au meilleur de sa catégorie, où le fruit ne doit présenter aucune altération par le temps, il se caractérise en l’occurrence par une expression tonifiante rappelant l’amande amère. A contrario du précédent et issu classiquement d’un pressurage de grenache noir, l’Ambré assume sa robe et exprime les nuances gagnées par un vieillissement de 30 mois en vieux fûts, sans ouillage*. Fleurant typiquement la noix, il séduit au palais par un goût de frangipane, pénétré par la succulence de notes acidulées. Atypique par sa composition de grenache blanc et d’une pincée de clairette, ainsi que par un intitulé énigmatique, TPMG** est un autre VDN Ambré affiné encore plus longuement, soit un laps de temps de 5 ans. A la faveur de ce séjour, il revêt un aspect tactile et gagne l’univers du rancio et ses inénarrables nuances sensorielles. Quant au Grenat, après avoir été peaufiné à peine quelque mois en fût, il délivre tout le plaisir procuré par la douceur et la pulpe d’un jus coulant d’une brassée de fruits sur un lit de tanins au grain rond.      

* L’ouillage est une opération qui consiste à maintenir au niveau maximal le contenant d’un vin, de manière que celui-ci ne soit pas en contact avec l’air, auquel cas il s’altère par oxydation. En l’occurrence, ce dernier état est recherché pour gagner des arômes spécifiques, typiquement de noix.

** Il s’agit bien de l’acronyme bien connu !


Rasteau « La Ponce » 2018

Au nez, l’impression de richesse est superbement modulée par une vibration d’arômes sur des épices douces. En bouche, un grand équilibre orchestre une expression où la matière se trouve chantournée pour le plaisir du palais, lequel puise autrement sa source dans un fruité affriolant. Des tanins admirables par leur délicatesse et leur succulence rajoutent à sa nature épicurienne.   

Rasteau « Argila Ad Argillam » 2018

Une sève profonde et suave s’en dégage en fleurant une variation infinie d’épices. Une insigne fraîcheur conditionne l’expression en bouche, modelant et lissant sa forme, et faisant jus de sa texture, là où s’impriment des saveurs pénétrantes transposées des arômes dans une définition plus douce. La ponctuation finale revient à des tanins raffinés et délectables. 


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Domaine Les Evigneaux

Apparaissant comme un négoce, le cœur de métier de la Maison Lavau reste toutefois l’achat de raisins, leur vinification et l’élevage pour les vins que le requièrent. Conduite par Benoît et Frédéric Lavau, elle est également propriétaire de domaines et notamment de l’estimé Château Maucoil en Châteauneuf-du-Pape. C’est en 2015 qu’elle agrandit son patrimoine par l’acquisition de vignes sur Rasteau, celles d’un domaine alors adhérent de la coopérative et dont l’atout majeur est d’être morcelé en pas moins de 20 parcelles sur les coteaux tout autour du village, et comportant nombre de très vieilles vignes. Une telle répartition lui permet de disposer de sols et d’expositions variés qui, ajoutées aux différents cépages, permettent de reconduire un style d’une année sur l’autre en jouant sur ces différents facteurs. Ainsi, le Rasteau du domaine s’avère être la synthèse d’une « recette » jamais figée et dont la manière puise dans la syrah, le mourvèdre, le carignan et le cinsault, compléments à l’indispensable grenache pour respecter l’expression recherchée au gré de la nature de chaque millésime. Fruit d’une viticulture soignée par tous les travaux manuels qu’elle nécessite, le vin bénéficie d’un élevage à l’avenant, où il est peaufiné grâce à un passage dans des contenants de différents types, chacun apportant sa touche à une partition d’ensemble où l’élégance donne la mesure. Tout est donc mis en œuvre pour obtenir un Rasteau fiable et porteur d’une distinction qui ne sacrifie pas l’identité du cru, avec du tempérament et la juste structure pour être apprécié dès à présent. 

Benoît et Frédéric Lavau

Domaine Les Evigneaux – Rasteau 2018

Velouté et élégant, le nez exhale un fruit pur sur des épices douces et une note de liqueur de cerise. D’une rondeur harmonieuse, la bouche est constituée d’une matière aux contours élégants, coulante et puissante sur un fruit épicé d’où ressort un goût sapide sur le noyau de cerise, agréablement rémanent en arrière-finale. Des tanins fins et bien agencés pour son profil le structurent de leur soyeux.


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Domaine Gramiller

Ce domaine a été créé en 2017 par Frédéric Julien après qu’il a été adhérent durant 15 ans à la Cave de Rasteau. Fait singulier, son vignoble est exploité en agriculture biologique depuis 2007, un atout que cette coopérative n’a étonnamment pas mis en valeur. C’est cependant cet engagement qui sera à la base d’une gestion consciencieuse de sa production, avec notamment des vinifications en levures indigènes et un sulfitage minimal de ses vins, quand il ne s’agit pas de cuvées élaborées sans cette protection.

Ses deux cuvées en Rasteau sont remarquables en ce sens qu’elles sont déterminées par des terroirs très distincts et délivrent par conséquent des expressions bien caractérisées. Portant le nom du domaine, « Gramiller » reprend en fait celui d’un lieu-dit de la Montagnette, un secteur orienté au levant et composé de sols variés à dominante argileuse. Son exposition et la nature du terrain favorise la fraîcheur des textures, ainsi qu’on le ressent dans un 2019 dont l’identité épicée compose avantageusement avec un aspect charmeur du fruit. Complétés de syrah, des grenaches âgés dominent largement sa composition tandis les plus vieilles vignes de cette variété, plus que centenaires, insufflent leur sève à l’autre Rasteau du domaine, « Les Marcels ». Reprenant lui aussi le toponyme d’un lieu-dit, ce vin tire parti d’une exposition au couchant, à l’inverse de « Gramiller ». Les marnes qui modèlent largement ce terroir sont très caillouteuses en surface, permettant un épanouissement complet des grenaches à l’origine d’un Rasteau d’exception tant il y respire l’équilibre et la grâce. C’est une texture aérée à la hauteur de sa concentration qui conquiert ainsi le palais, tandis qu’une finition exemplaire caractérise sa ligne de structure.

L’alliance des deux terroirs se traduit dans une nouvelle cuvée, créée en 2019 et encore en attente de son nom de baptême ! Unissant uniquement les grenaches de chaque origine, elle délivre un vin hors norme, résultant de maturités très poussées. Il s’en suit une expression superlative sur le plan de la puissance, rendue voluptueuse par le croisement d’une essence très généreuse et d’un fruit opulent.

Affectionnant les blancs, Frédéric Julien n’en élabore pas moins de trois cuvées, forcément en Côtes du Rhône, son « Rêve Blanc » pouvant préfigurer ce que serait un Rasteau dans cette couleur. Cet assemblage original d’un bourboulenc dominant et de clairette plaiderait en effet pour cette cause, car le résultat est édifiant en matière de fraîcheur. Jamais à cours d’ambition, le vigneron a créé comme l’alter ego en blanc des « Marcels », également en 2019. « Le Jas » est donc un blanc de pure clairette vinifiée et élevée en barrique, dont la production est si confidentielle qu’elle se résume à l’équivalent d’une seule barrique ! Embaumant un parfum d’anis vert, cette cuvée inaugurale atteste de la réussite qu’inspirent sa richesse de séveux et la minéralité qui le sillonne. Un virtuel Rasteau blanc ? Assurément…

Frédéric Julien

Rasteau « Gramiller » 2019

Le caractère discret du nez contraste avec l’expressivité d’une bouche particulièrement ample, agile et juteuse, où s’épanchent des saveurs rappelant des fruits secs, rehaussées de notes de garrigue. Bien sensibles, les tanins n’en sont pas moins fins, et forment une trame soyeuse et pénétré de fruit.

Rasteau « Les Marcels » 2019

La profondeur et la fraîcheur du fruit captivent une olfaction qui se focalise sur des senteurs d’épices douces évoquant du paprika ou du piment d’Espelette. En bouche, un équilibre suprême fait que la matière se palpe à souhait, cela d’autant mieux qu’elle est servie par un goût à la fois intense et charmeur par sa nature fruitée. Des tanins magistraux par leur fini et leur sapidité soulignent son degré achèvement.


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Domaine Les Grands Bois

Mireille, Marc et leur fille Philippine forment le trio vigneron de ce domaine établi à Sainte-Cécile-les-Vignes, commune où se trouve la majorité de ses vignes et dont les vins bénéficient depuis 2016 d’une appellation à part entière, répondant à la fastidieuse nomenclature officielle de Côtes du Rhône Villages Sainte-Cécile-les-Vignes. Bien investis dans la promotion de ce « nouveau » vignoble avec des rouges exemplaires, nos vignerons s’appliquent avec autant de brio sur Cairanne et Rasteau, où ils ont acquis des vignes en 1998. Sur Rasteau, ils disposent seulement de 4 ha en 2 îlots, situés sur les terrasses formant la partie tabulaire de l’aire classée, le mieux doté des deux étant composé d’argiles jaunes et de bleues en profondeur. Replanté pour répondre aux dispositions légales du cru, l’ensemble de ces vignes produit du Rasteau depuis 2004, estampille du premier millésime. Les parcelles sur ce cru sont travaillées en agriculture biologique, et comme d’ailleurs l’ensemble domaine, bénéficient même d’emprunts à la biodynamie sur le plan du calendrier lunaire. Cette exploitation consciencieuse s’ajoute aux compétences œnologiques acquises par Mireille, et plus récemment par Philippine, faisant de fières héritières du legs familial.

Tous les vins produits, et la gamme est étoffée, reflète un savoir-faire accompli et sans faille, avec notamment un remarquable Côtes du Rhône blanc, baptisé « Malorie », entièrement élaboré en barriques et avec le mérite d’être proposé à point aux amateurs de blancs raffinés, s’agissant d’un 2017. Spécialité du domaine en quelque sorte, le Sainte-Cécile rouge « Philippine » ferait un ambassadeur de choix de ce « Villages » tant son 2018 est pétri de qualités sur un bel accent de garrigue. A l’instar de toutes les cuvées, reprenant les prénoms de la famille, étendus aux filleul-les, le Rasteau est désigné par celui de « Marc ». Il se distingue par une composition qui fait la part belle à la syrah et au mourvèdre, assemblés à parité entre elles avec l’indispensable grenache. Élevé soigneusement pour moitié en demi-muids (grands fûts de 600 litres), il laisse apprécier sa netteté de fruit, ainsi qu’une enviable fraîcheur de constitution. L’expressivité du 2018 doublée de qualités bien en évidence permet déjà de le savourer, ce qui n’est pas encore le cas pour « Émilien », une nouvelle cuvée qui a vu le jour en 2019. Atypique par sa forte teneur en syrah, élevée de surcroît en cuve, ce Rasteau ne donne pas encore sa mesure. Cela dit, ceux qui auront la chance de s’en procurer une bouteille ne devraient pas être déçus, à condition de pouvoir acquérir l’un des 1356 exemplaires, précisément ! 

Mireille, Marc et Philippine Besnardeau

Rasteau 2018

Très franc et d’un joli velouté, le nez exprime pleinement un fruit épicé enrichi de notes de garrigue et d’une pointe d’olive noire. D’une rondeur élégante, la bouche fait apprécier son toucher de matière et les reliefs qui l’animent, tandis qu’un goût puissant donne du souffle à un fruit répliquant les arômes sur un ton gourmand. Des tanins magnifiquement intégrés en font un Rasteau parmi les plus accomplis.


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Domaine Grand Nicolet

En épousant Véronique Leyraud, Jean-Pierre Bertrand devient le vigneron de ce domaine familial qu’il rejoint en 1989 pour le prendre en main en 1994. Majoritairement situé sur Rasteau, le vignoble est exploité en fonction de son potentiel suivant trois cuvées dont la vocation est déterminée par la nature et la situation des sols, ainsi que l’âge des vignes. A ces critères s’ajoute de l’ambition attachée à l’élaboration de chacune d’elle. Dénommé « Terre des Bertrand », un Rasteau d’entrée de gamme, mais sans compromis de qualité, est issu des parties hautes de l’appellation (300 m) où abondent les galets roulés. A l’opposé, « Les Esqueyrons », du nom du lieu-dit éponyme, exprime toute l’exigence mise au service d’un terroir riche en argiles et comportant des marnes bleues, emblématique des dons du cru. Incarnant un paroxysme de maturité, le millésime 2015 de cette cuvée témoigne de l’équilibre fastueux permis par ce terroir, quand le savoir-faire est là. D’un caractère tempéré par une bonne part de mourvèdre, la cuvée « Vieilles Vignes » a pour pivot les grenaches les plus âgés du domaine, de l’ordre du demi-siècle et dont certains atteignent 80 ans. 

Depuis ses débuts, Jean-Pierre Bertrand est conseillé par l’œnologue Philippe Cambie, dont il loue la science quand il s’agit d’assembler un vin. Il faudrait ajouter son respect pour le parti du vigneron, ce qui bien le cas ici où les vins ne dénotent d’aucune manière apprêtée même quand l’ambition s’y ressent. C’est plutôt un naturel attachant et une forme d’authenticité qui s’en dégagent.

Mieux qu’un long discours autour d’un supposé style, j’ai préféré rapporter ici les impressions de la dégustation d’une décennie de cuvée « Vieilles Vignes », la plus emblématique de la propriété.

2010 : témoin d’un millésime fastueux et propice à la garde, il montre quelques signes d’évolution, mais garde de la vitalité, avec des senteurs mentholées et une bouche alerte qui fait apprécier des saveurs de fruits secs étonnamment variées (raisins secs, dattes, figues…). Les tanins ont gardé de la mâche, sans déplaisir.

2011 : une année réputée facile et généreuse en raisins a donné ici un vin au parfum de garrigue, juteux et foncièrement goûteux, couronné d’une structure tendre.

2012 : ce beau millésime gâté en outre par de petits rendements a inauguré l’apport de mourvèdre (10 %). Le nez respire des notes fraîches de sous-bois, agrémentées d’accents floraux et mentholés, annonçant ainsi une fraîcheur de constitution d’autant plus remarquable qu’elle allège la sensation d’une matière concentrée, intense et autrement puissante. Les tanins y sont encore énergiques, bien accommodés à son profil. 

2013 : les grenaches ayant souffert cette année-là d’un phénomène appelé coulure*, leur déficit dans la composition de la cuvée a été compensée par une part accrue de syrah (30 %). Celle-ci est sensible au nez par les incidences de son élevage en fût de chêne. Cela étant, on a du plaisir à boire ce vin à la texture légère sans maigreur, digeste et paré de tanins fins.

2014 : ce vin ne se ressent pas des pluies qui ont perturbé la période des vendanges, bien au contraire ! Il est par ailleurs le reflet de vinifications désormais moins poussées. On est d’emblée conquis par la joliesse d’exhalaisons de garrigue fraîche, puis séduit par une bouche accueillante par son ampleur et sa générosité faite fruit, et une structure bien ajustée.

2015 : un bon millésime, une évaluation que notre vigneron nuance en parlant de sa nature structurée, comme en 2010. Effectivement, les tanins y sont encore présents, mais bien appréhendés, tandis que son profil généreux et puissant reflète sa haute maturité native. Pour autant, l’ensemble procure l’agrément de sa fraîcheur aromatique et d’une matière tout en relief.   

2016 : on a parlé d’une année mémorable, et ce très digne représentant en atteste parfaitement à tous les niveaux de sa perception. La magnificence du fruit, une plénitude parfaitement esquissée et une forme tannique riche de promesses sur son potentiel, sont les traits les plus marquants de ce vin d’anthologie. Commentaires plus complets ci-dessous.

2017 : a contrario du précédent, quoique bien nanti, ce millésime s’avère déjà épanoui sur la foi de l’expressivité de ce vin au arômes engageants, mettant en valeur son étoffe ainsi que des tanins d’une qualité hors-pair. Commentaires plus complets ci-dessous.    

Jean-Pierre Bertrand

* Coulure : lorsque la floraison est perturbée par de mauvaises conditions climatiques, le fruit ne se forme pas dans toute la grappe et seules quelques baies y subsistent, entraînant un important déficit de production.


Rasteau « Vieilles Vignes » 2016

C’est un fruit très mûr et concentré qui préfigure une olfaction captivante par ses nuances et la nature de senteurs sur un air prenant de garrigue, tout en déclinant des notes épicées, de fruits secs, chocolatées, de kirsch… L’ampleur en bouche sublime la perception d’une matière dont l’onctuosité entre en communion avec un fond généreux où le fruit donne néanmoins de la voix. Rentrés dans le corps du vin, les tanins émergent à peine par un très fin soyeux en laissant poindre une touche de noble amertume.

Rasteau « Vieilles Vignes » 2017

Sur un ton franc et élégant, le nez exprime sa richesse à travers de séduisants arômes unissant garrigue (thym) et épices douces. Ample et étoffée, la bouche s’affirme avec l’énergie d’un goût en résonance avec les arômes tout en y apportant un accent réglissé revigorant, qui s’imprime au cœur de tanins parfaitement agglomérés et admirablement intégrés dans l’expression globale.


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Domaine La Luminaille

Bien que formée en sommellerie et ayant œuvré pour de grandes tables, Julie Paolucci ne se destinait pas à devenir vigneronne quand son père disparaît en 2014. Elle décide alors de reprendre courageusement l’exploitation familiale pour l’émanciper de la coopérative et fonder le Domaine de la Luminaille l’année suivante. Elle incarne ainsi la 5ème génération en charge du domaine et la toute première à lui donner une nouvelle et tout autre destinée. Pour le moins remarquables, les dispositions naturelles de son vignoble ne peuvent que conforter sa louable ambition. Cas rare, sinon unique sur Rasteau, la propriété est pratiquement constituée d’un seul tenant, avec de surcroît la cave en son centre géographique. En fait, seule une vigne vouée à du blanc en est détachée. Ses autres atouts ne sont pas des moindres, et en premier lieu une configuration strictement en coteau, avec les avantages qui lui sont liés, notamment une exposition sud/sud-ouest parmi les plus ensoleillés de l’appellation, avec d’heureuses incidences sur les maturités. La nature des sols n’est pas en reste. Riches de veines d’argiles bleues et d’argiles jaunes, le terroir est paré contre les fortes sécheresses et engendre incidemment des vins plus frais et plus structurés que la moyenne.

Les singularités de La Luminaille ne s’arrêtent pas là, puisque son encépagement ne manque pas de carignan, une variété marginalisée dans le cahier des charges du cru. Ici, il concoure même à une cuvée à part entière. Nommée « Apis », il s’agit d’une expression entièrement façonnée par le carignan et, de ce fait, étiquetée en Vin de France. Élaboré sans sulfites ajoutés, son 2020, le millésime inaugural, montre à l’évidence le potentiel du cépage sur Rasteau. Dans les proportions permises par le décret d’appellation, des carignans âgés de quelques 40 ans entrent dans la composition de « Luminaris », le vin phare du domaine, tandis que d’autres façonnent largement « Garance », une cuvée parcellaire produite sans concession. Dans le concert rastellain, « Luminaris » se distingue d’ailleurs par une composition peu répandue, incluant 5 variétés, lesdites « accessoires », carignan et cinsault, venant épauler les plus usités, en l’occurrence les grenache, syrah et mourvèdre. Cet assemblage varié n’est pas pour rien dans la large palette expressive qui caractérise son 2019, un reflet fidèle d’une année riche et disposée à la garde. Ce millésime révèle également les dons du terroir dans de telles circonstances, lui faisant bénéficier d’un équilibre et d’une fraîcheur enviables, où le fruit préserve de son acuité, sans propension à la générosité caractérisant bien des 2019. 

Julie Paolucci

« Garance » et « Grenat », vins rares et accomplis

« Garance » est un Rasteau pour le moins confidentiel, car issu d’une parcelle d’à peine un demi-hectare, complantée de grenache et de carignan. Âgés de 80 ans, les grenaches y insufflent toute leur sève, celle recueillie par une vinification en amphore d’argile et préservée par un élevage neutre en cuve béton. L’assemblage qui la fonde est modulé au gré des années, ainsi par une pointe de syrah en 2018 et une de mourvèdre en 2020. Ses racines uniques et une conception cousu-main n’en fait pas pour autant une expression démonstrative, mais plutôt un vin influencé par le grenache, sans caractère forcé et doué d’un profil élégant, tout en gardant un aspect structuré. Sa grandeur n’est pas de l’ordre de la sensation, mais plutôt d’une quintessence du goût et d’une harmonie d’ensemble peu commune. D’ailleurs, en regard de la jeunesse du domaine, la progression de cette cuvée vers plus d’achèvement se perçoit dans un 2020 qui donne toute la mesure d’une année très équilibrée. A la faveur de ce millésime favorable, « Garance » semble avoir gagné en pureté et en profondeur dans un contexte de belle fraîcheur. Il en émane d’ailleurs comme un air de Châteauneuf-du-Pape !         

« Grenat » est un Rasteau VDN que Julie Paolucci s’évertue à produire depuis 2016, considérant qu’il s’agit d’un patrimoine à préserver. Cependant, rien de passéiste ne caractérise un style où notre vigneronne privilégie le croquant du fruit au détriment d’aspects confiturés immanquables à des maturités poussées, une pratique commune dont elle se garde cependant. Il en résulte une expression dont la douceur reste contenue, laissant libre cours à un fruit nuancé, fait d’une déclinaison heureuse sur le thème de la cerise.   


Rasteau « Luminaris » 2019

Doué d’un « grand » fruit frisant l’opulence et d’un penchant gourmand, il fleure une large palette de senteurs joliment définies, apparentées à du coulis de cerise et des épices douces. D’une ampleur remarquable et sur une assise puissante, la bouche déploie une matière équilibrée, élégante et tendre au toucher, où le fruit s’exprime dans sa succulence, celle que des tanins communiquent à travers leur nature soyeuse.  

Rasteau « Garance » 2019

Velouté et suave, campé sur un fruit très mûr évoquant la cerise, le nez exhale par ailleurs des odeurs bien mariées de garrigue et d’épices douces. En bouche, la matière épouse une forme parfaitement ronde avant de revêtir l’aspect d’une texture élégante au prolongement juteux sur un goût kirsché. Une mâche fine souligne judicieusement l’ensemble de son effet structurant.   


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Domaine La Soumade

André Romero est une figure de Rasteau, c’est le moins qu’on puisse dire, et bien qu’officiellement retirée de son exploitation, il continue de veiller aux destinées de la Soumade prétextant en homme madré, « en paysan la retraite se fait jamais ». Retiré de la coopérative en 1979 par son grand-père, le domaine a été, sous sa houlette, le premier à libérer le rouge local de ses atavismes et lui faire gagner le chemin de l’ambition. Sa réussite a d’ailleurs convaincu bien au-delà des frontières nationales et a rejailli positivement sur une appellation qui n’était alors qu’en Côtes du Rhône Villages. Loin de se vanter de ce statut enviable, le vigneron apparaît a contrario comme une personne affable et possédant un sens amusant de la formule.

Éloigné du genre précoce qui caractérise aujourd’hui bon nombre de Rasteau, le style de ses vins respecte une conception sans compromis, qui fait toute la valeur d’un cru. « Pas prêt à boire » s’est plus à le répéter André Romero lors de la dégustation en cave de ses 2018, déjà en bouteilles, et a fortiori des 2019 encore dans les limbes de leur élevage. Pour autant, ces expressions révèlent de bons indices pour une issue heureuse, dévoilant des senteurs typées de garrigue et esquissant une plénitude à venir. Indéniable, l’air de famille qu’elles partagent n’en fait pas des vins sortis d’un moule, les millésimes les façonnant au gré de leur nature, un constat flagrant en 2020, année ayant délivré des rouges déjà aimables et gourmands. Procurant une sensation d’achèvement, l’ensemble de la production est le fruit d’une discipline culturale plutôt vertueuse, pratiquée de longue date et dont l’aboutissement se traduit aujourd’hui par une certification en bio. Le cadre d’élaboration est plus efficient que purement architecturé, son maître d’œuvre étant le vigneron lui-même, qui s’était assigné un grand principe pour son projet, qu’il résume ainsi à sa manière : « tu prévois trois fois ce qu’il te faut ! ». La cuverie a été étudiée pour le pigeage, une technique de vinification réputée douce, alors pionnière dans la vallée du Rhône. L’élevage se fait en cuves traditionnelles et en grands fûts (demi-muids), auxquels s’ajoutent des foudres en chêne de haute origine, « mes meubles » dixit André Romero ! En tout cas, l’empreinte du chêne reste mesurée dans l’enveloppe aromatique des vins.

Quatre cuvées composent sa gamme de Rasteau, étagée suivant l’âge des vignes, les plus vieilles, certaines centenaires, composant la « Cuvée Confiance » et « A Johanne », celle-ci baptisée en hommage à sa petite fille, et composée presque entièrement de grenache. D’ailleurs, toutes mettent ce cépage largement à l’honneur, présent dans chacune d’elle à hauteur de 70 % au minimum. Obéissant moins à une hiérarchie qualitative, ces vins forment plutôt un crescendo avec pour critères la profondeur de goût et la concentration.

En vigneron discret, son fils Frédéric s’applique à perpétuer une œuvre à laquelle le vignoble de Rasteau est hautement redevable.  

André et Frédéric Roméro

Rasteau « Cuvée Confiance » 2018

A ce stade, le nez ne se détermine pas encore et reflète l’incidence de l’élevage sur un singulier parfum d’écorce de bois frais. Une même impression caractérise la bouche où ce registre se retrouve au cœur de saveurs dont la puissance et la vitalité animent une forme ample, mouvante et de belle consistance, que viennent garnir de tanins bien ajustés et salivants.

Rasteau « Cuvée Prestige » 2018

Encore sur sa réserve, un nez dense et séveux laisse poindre des notes de fruits noirs ainsi qu’un soupçon d’épices et de boisé. Le profil en bouche atteint un équilibre tel qu’il délivre de sa pesanteur la sensation de matière et fonde ainsi son harmonie. A cette distinction s’ajoutent celle d’une puissance feutrée et l’effet suscité par des tanins racés. A l’instar des arômes, les saveurs sont encore à l’état d’esquisse dans cet ensemble hautement prometteur.    


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Domaine de Trapadis

Assurément, les vins d’Helen Durand ont de la personnalité, celle que leur confère un tempérament particulièrement frais, qui surprend dans le concert des Rasteau, et peut même déconcerter ceux qui n’attendent du cru qu’amabilité et générosité. Pour singulier qu’il soit, le parti du vigneron correspond à une vision plus globale et partagée par ses confrères vignerons qui s’attachent à concevoir des vins d’une meilleure buvabilité. A travers ce terme il pointe du doigt des vins jouant la carte d’une séduction immédiate et facile, tablant pour cela sur des critères organoleptiques flatteurs, comme la sensation de sucrosité ou une matière avec du moelleux. Pour obtenir la trame de fraîcheur qui caractérisent l’ensemble de ses vins, il n’y a pourtant nul compromis sur la maturité des raisins. Dans ce résultat, il faut voir avant tout d’une grande discipline culturale, celle qu’impose la biodynamie et à laquelle le vigneron s’astreint pour préserver le précieux capital d’acidité qui fait toute la vie de ses vins.

Chez Helen Durand, l’engagement à ne pas saturer le palais, mais plutôt à le rafraîchir vaut pour ses blancs et notamment pour celui qui serait de la trempe d’un hypothétique Rasteau blanc. Issu du quartier des Ponchonnières et d’un secteur délimité en Rasteau, « Les Plans » est donc ce blanc ayant le potentiel d’un cru, sans compromis sur la teneur et surtout sans concession sur la fraîcheur qu’inspire une nature fruitée tonique. C’est d’ailleurs ce même terroir d’argile rouge qui est à l’origine de son Rasteau « Les Cras », une cuvée où le grenache bénéficie de l’escorte des carignan, mourvèdre et syrah. Forcément déterminée par un axe de fraîcheur, la sensation de matière n’en est que plus allégée, tandis que le fruit penche vers un registre nerveux et acidulé, évoquant alors une variation autour de la cerise, et faisant saliver en conséquence. Le 2019 correspond à ce profil, tandis que le 2018, d’un épanouissement plus précoce, permet d’apprécier encore mieux le style d’une cuvée à l’opposé du genre capiteux. « Orange sanguine » dit d’ailleurs le vigneron pour qualifier l’essence juteuse qu’elle sécrète.   

Avec « Les Adrès », on passe au Rasteau de garde, puisque le 2017 a été consciencieusement conservé pour être livré seulement aujourd’hui aux épicuriens patients. Pour ce faire, sa source se situe en coteau, dans des marnes bleues, et son vecteur majeur est constitué de vieux grenaches d’une soixantaine d’années. Il n’y a rien de sorcier dans son mode d’élaboration si ce n’est un élevage savamment dosé entre différents types de contenants : jarre en argile, barrique ancienne de chêne et cuve béton. Il en résulte un vin plus étoffé et plus généreux que son cadet « Les Cras », sans toutefois voir sacrifiée la dynamique de fraîcheur qui ordonne également son profil. Encore compact et peu détaillé, le 2019 invite donc à la garde, alors que son prédécesseur, le 2018, annonce sa prochaine plénitude et dévoile mieux son fruit tout en perpétuant la signature du domaine : un effet de structure né d’une noble acidité. Avantagée par une belle année, « Les Adrès » 2017 montre les avantages liés à son temps de vieillissement et offre un ensemble harmonieux dans son agencement, épanoui en arômes et velouté dans son fruit.

Si Helen Durand s’applique à transcender la générosité des rouges tranquilles de Rasteau, il œuvre dans un même esprit pour son Vin Doux Naturel, là où il s’agit de détourner les sens de la sensation sucrée. Et il y parvient grâce à une conception structurée du VDN. C’est ainsi qu’apparait son « Grenat » 2018, un vin qui se mâche plutôt qu’il ne sirote, pour ainsi dire ! Et si les chiffres attestent bien d’une confortable richesse en sucre, son ressenti fait plutôt apprécier une douceur faite gourmandise. Et pour couronner le tout, son parfum nous dépayse en fleurant un aspect mentholé évoquant du poivre de Sichuan.     

Helen Durand

Rasteau « Les Adrès » 2017

Expressif sur un accent surprenant évoquant du noyau de cerise, le nez pointe des senteurs guillerettes de garrigue (thym), de fruits secs, tandis que d’aucuns pourraient trouver comme du chocolat amer. En bouche, la sensation d’amplitude fait que la matière se trouve superbement mise en valeur en se laissant littéralement palper et faire apprécier sa finesse sur une assise puissante d’où filtrent des saveurs en écho aux arômes. Tissés d’un grain fin et noblement astringents, les tanins se savourent.


Xavier Vignon

A côté de son activité d’œnologue, Xavier Vignon officie comme négociant avec cependant une particularité, et non des moindres, puisque les domaines qui le fournissent sont aussi ses clients en matière de conseil. Sa connaissance du terrain est plutôt large puisqu’il agit depuis une vingtaine d’années sur tout le sud de la vallée du Rhône et propose une gamme de vins en conséquence dans sa partie négoce. Cette gamme comprend d’ailleurs tous les crus, dont Rasteau évidemment. Dans son mode opératoire, il fait œuvre d’assembleur, mais sans faire systématiquement appel aux mêmes domaines d’une année sur l’autre, de manière à donner au vin final le style qu’il affectionne, tout en tenant compte du caractère du millésime. Cela dit, il avoue sa fidélité à ceux dont il apprécie la constance dans leur ouvrage, tout en se permettant de faire l’impasse sur une récolte qu’il n’estime pas apte à son attente en matière de profil, ainsi celles de 2014 et 2018 en Rasteau. S’approvisionnant essentiellement en vin, il travaille en étroite collaboration avec les vignerons qui le fournissent, avant de prendre entièrement à sa charge l’opération d’élevage, qu’il effectue dans ses propres locaux. Soucieux de préserver les qualités premières de ses acquis, et notamment le fruit, il utilise essentiellement des cuves en béton affranchi ou en verre, et partiellement des fûts de grands contenants (demi-muids) en chêne de noble origine.  Sillonnant l’appellation depuis quasiment le début de son activité, il a suivi sa progression vers le cru et assimilé ses mutations, dont les conversions successives en bio, une certification qu’il avantage désormais dans ses sources. Sans être confidentielle, sa production reste limitée et représente l’équivalent de 4 ou 5 hectares de vignes. Il se fait enfin un devoir de ne commercialiser que des vins prêts à être pleinement appréciés, ainsi le millésime 2016 décrit ci-dessous.

Xavier Vignon

Rasteau 2016

Toujours bien alerte, le nez pointe des fruits rouges et des senteurs d’épices orientales, ainsi qu’un registre frais, de nature mentholée. Ample et faite d’une chair pulpeuse, la bouche présente un profil harmonieux, formant un cadre de choix pour apprécier la vigueur d’un fruit épicé de haute teneur. Des tanins fins et serrés rajoutent à sa tenue et l’assurent d’un bon potentiel de garde.


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Domaine Wilfried

Alliant étroitement leurs compétences, Wilfried Pouzoulas et sa sœur Réjane conduisent ce domaine en tandem, incarnant la 5ème génération de vignerons de ce qui fut l’une des toutes premières caves indépendantes sur la commune de Rasteau. En plus de celles sur l’aire rastellaine, ils possèdent presque autant des vignes en appellation Cairanne, située dans son voisinage et également cru à part entière. Son vignoble se situe sur le secteur de Blovac, riche en argiles bleues. La singularité de leurs Rasteau vient d’une approche que Réjane résume par une forme de profession de foi : « on aime les vins qui bourguignonnent ». Les vins d’ici se gardent ainsi des atavismes de la tradition, ainsi que du jusqu’au-boutisme imposé par certaines conceptions très actuelles. Ainsi, dans la quête d’un genre gracieux et sur le fruit, ils ont commencé par soigner son géniteur, le raisin, par une viticulture respectueuse de la plante et son environnement. Certifié en bio depuis bientôt 10 ans, le domaine était déjà inscrit dans cette alternative des années auparavant. L’élaboration des vins suit un cycle d’où sont exclus les excès et les artifices, avec notamment des élevages strictement accomplis en cuve. Enfin, pour respecter leur temps de maturation, les vins sont commercialisés seulement après quelques années de vieillissement. Leur Rasteau 2017 répond complètement à cette philosophie et affiche une palette aromatique épanouie et qui fascine par sa diversité, fruit d’un assemblage judicieux où le carignan tient sa place. Son profil et sa constitution rendent de surcroît l’authenticité d’un terroir à l’ensoleillement généreux, tout en préservant les équilibres nécessaires à sa pleine appréciation. Initiée en 2015 et d’une production très confidentielle, la cuvée « Septentrion » porte haut les qualités attachées au style du domaine, et qu’ont permis d’atteindre une sélection parcellaire de vignes orientées au nord. Ce creuset propice à pousser la maturité du raisin est à l’origine de la symphonie de fraîcheur qui orchestre l’entière expression d’un 2016 d’un rare degré d’achèvement, tout en portant les gages d’un avenir prometteur.        

Réjane et Wilfried Pouzoulas

Rasteau 2017

Au nez, on distingue un fruit frais et chatoyant d’une rare complexité, fleurant de la cerise burlat, des notes suaves de garrigue et d’épices douces comme le paprika, du chocolat à forte teneur en cacao, etc… Si les saveurs ne reprennent pas cet éventail de flaveurs, elles apparaissent comme leur fusion et s’expriment en puissance et en persistance dans un cadre d’expression avantageux par son ampleur, son étoffe et son penchant juteux. Des tanins à peine fermes, mais sans rigueur, ponctuent la finale sans déparer l’impression d’ensemble, qu’ils gratifient de leur sapidité.

Rasteau « Septentrion » 2016

Riche et suave, le nez s’avère d’une grande classe, ce que confirme la densité d’un fruit qu’exalte une teneur fraîche unissant des tonalités d’épices douces et de garrigue sur un horizon kirsché. En bouche, l’ampleur notable de sa silhouette s’accompagne d’une remarquable fraîcheur de constitution, créant ainsi un équilibre magistral où la matière gagne en élégance et répand avec grâce et souplesse un filet juteux au goût raffiné et sans emphase, encore appelé à s’épanouir. Affirmée, la structure a cependant de la finesse et du soyeux, et reconduit en son sein le perlant du fruit.


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Vieux ceps de grenache sculptés par le temps…

Je tiens à remercier le Syndicat des Vignerons de Rasteau, et tout particulièrement Émilie Rachenne, son animatrice, d’avoir prêté son concours et apporté son soutien à cette publication.


Crédits photos : Leopoldo Lares (D. Caroline Bonnefoy) – Guy Chauvin (Cave de Rasteau) – ©1870 Vins & Spiritueux (D. La Collière) – ©Vitisphère (D. Les Evigneaux) – ©Leymarie (D. Gramiller) – ©ODG Cairanne (D. Les Grands Bois) – ©Drink Rhône (D. Grand Nicole) – ©Intervinum AG (D. La Soumade) – Guillaume Atger (D. de Trapadis) – ©Boires (D. Wilfried).

L’auteur de l’article : Diplômé en histoire de l’art, Mohamed Boudellal est journaliste et consultant en vins. Il a écrit pour la presse spécialisée, principalement pour la Revue du Vin de France et d’autres titres comme L’Amateur de Bordeaux, Gault & Millau et Terre de Vins. Il est co-auteur dans l’édition 2016 du « Grand Larousse du Vin ». ».

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