Les Grés de Montpellier passent à table !

Les Grés de Montpellier passent à table !

Interrompue suite aux mesures sanitaires liées à l’épidémie de la Covid-19, la « balade gastronomique aux Grés de Montpellier » a repris cette année avec pour cadre les rives du Lez, une fleuve côtier traversant la commune de Montpellier. Elle s’est déroulée le 8 mai sur un tracé d’un pittoresque insoupçonnable dans un contexte péri-urbain. Suivant le principe de ce type de manifestation, 6 étapes gourmandes rythmaient son parcours, chacune correspondant à la partie d’un menu, depuis une mise en bouche jusqu’au dessert. A chaque halte, des vins sont servis très souvent par leurs auteurs eux-mêmes, vigneronnes ou vignerons.   

Chargé d’accompagner une cuisine inventive et des produits de qualité, les Grés mis en dégustation ont révélé dans leur ensemble une nature fruitée charmeuse et surtout un caractère si accompli que la question de leur statut ne vient pas à l’esprit ! Dès lors, le juste équilibre et l’amabilité de ces rouges les rend bien accommodant à table. Ce sont en tout cas les impressions que m’ont laissé ceux que je mentionne ci-après.

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Ce qu’il faut savoir sur les Grés de Montpellier

Il faut d’emblée retenir que « grés » en occitan signifie terrain pierreux et n’a donc aucun rapport avec le terme grès, avec un accent circonflexe, qui lui désigne une roche sédimentaire. Ainsi, le choix de ce vocable pour nommer l’appellation « Languedoc Grés de Montpellier » a été guidé par la volonté de trouver un dénominateur commun à des secteurs viticoles distincts par la nature de leurs sols, mais possédant une même identité climatique.      

L’appellation Grés de Montpellier est donc une AOC du Languedoc qui, comme son nom l’indique, s’inscrit dans le territoire de cette ville. Cependant, ce rattachement ne limite pas son aire à celle de l’agglomération montpelliéraine, et s’étend bien au-delà (voir carte). Avec une délimitation aussi vaste, on ne peut pas parler d’unité physique d’un vignoble qui épouse toutes les formes sédimentaires de cette zone, depuis la plaine littorale jusqu’aux nombreux reliefs de l’intérieur. Cette diversité morphologique se double de celle des sols au niveau local, avec notamment différents types de calcaires.

L’unité climatique des Grés vient d’une situation géographique entre mer et massifs d’arrière-pays, marquée par l’importance des vents, dans leur alternance et leur fréquence. Ainsi, tour à tour assaini par les courants venus du Nord et humidifié par les entrées maritimes, l’air ambiant subit de forts contrastes qui influent de manière cruciale sur la végétation. Pour la vigne, l’action des vents marins pendant la période de sa maturation agit incidemment et de manière positive sur l’équilibre et l’expression aromatique des vins.

Balade gastronomique 2022, accords mets-vins in situ

Bien que la balade soit placée sous le signe de cette appellation spécifique, les vins en dégustation n’étaient pas stricto sensu des Grés de Montpellier, ce label étant exclusif à des rouges. En effet, certains plats s’accommodant mieux d’un blanc ou d’un rosé, ces couleurs étaient représentées par des vins en AOC Languedoc issus de domaines produisant également en Grés, cela va de soi. De ce moment rare pour apprécier plus particulièrement les alliances que les rouges des Grés forment avec des plats, j’ai rapporté ces quelques impressions en soulignant les mariages réussis, selon mon propre palais.  

Crémeux de haricots blancs, tartare de calamars et tomates aux olives et aux câpres

Proposé en guise de mise en bouche, ce met dont la texture rappelle celle du houmous appelait plutôt un vin blanc, et c’est la cuvée « Comte Louis 2020 » de Château Claud Bellevue qui a eu ma préférence pour son parfum et son toucher raffinés. L’alternative d’un rosé sans exubérance était envisageable, en l’occurrence « Folia 2021 » de Château de Flaugergues, à la robe très pâle et délicatement tactile.

Bavarois d’artichaud, bouillon glacé, espuma de parmesan et truffe d’été

Une entrée froide aussi originale que difficile à marier, suggérant un accord de fraîcheur que j’ai trouvé particulièrement réussi avec le blanc « Cheveux d’Ange 2021 » de Mas d’Arcaÿ. Là-aussi, un rosé peut se concevoir, surtout s’il a de l’éclat à l’instar du millésime 2021 de Château de l’Engarran, par ailleurs intensément fruité.

Tortellini à la langoustine, asperge et crème safranée

Cet hors-d’œuvre chaud d’une composition audacieuse a montré la plasticité des Grés, et il n’en manquait pas d’exemplaires à cette étape. Cela dit, j’ai été plutôt sensible au grain savoureux de « Folia 2019 » de Château de Flaugergues, et séduit par le caractère chatoyant de « L’Exubérant 2020 » du domaine bien nommé Chemin des Rêves.

Tortellini à la langoustine, asperge et crème safranée

Paleron de bœuf confit, écrasé de pommes de terre nouvelles et tomates grappes, jus des garrigues réduit

Ce plat exécuté avec brio, a fortiori dans une structure ambulatoire, a été tout aussi brillamment servi par les rouges qui étaient en lice à cette étape. Ainsi, et mis à part un vin boisé peu seyant en situation, tous ceux dégustés m’ont donné satisfaction. Cela dit, mon palais s’est plus particulièrement réjoui du caractère cossu de la cuvée « Huit Clos 2018 » de Clos de l’Amandaie, de l’opulence gourmande de « Léma 2018 » de Domaine Roquemale et enfin de la nature scintillante du 2018 de Château de L’Engarran.

Duo laguiole et cabécou

Le premier de vache et l’autre de chèvre, ces fromages au lait cru appelleraient a priori un blanc, cependant, la bonne surprise est que des rouges allaient de pair avec eux. En plus de leur qualité propre, ce fut le cas du 2018 de Domaine Guizard, un vin plein d’allant, et du millésime 2020 de la cuvée « 1779 » de Mas d’Arcaÿ, une cuvée en tout point remarquable au point de pouvoir prétendre au titre de bel archétype des Grés. 

Nages de fraises et rhubarbe au basilic, crumble à l’huile d’olive

D’une fraîcheur délicieuse, bien de circonstance après un parcours sous la chaleur, ce dessert pouvait se passer de vin. Ceux servis à cette ultime étape faisaient dès lors bonne mesure, même si le Muscat de Lunel de Domaine Ampelhus y apportait une jolie ponctuation gourmande. Sa présence avait par ailleurs le mérite de montrer que l’aire de ce vignoble historique y autorise l’élaboration de rouges en Grés de Montpellier.  


Crédit photo : syndicat AOC Languedoc Grés de Montpellier

L’auteur de l’article : Diplômé en histoire de l’art, Mohamed Boudellal est journaliste et consultant en vins. Il a écrit pour la presse spécialisée, principalement pour la Revue du Vin de France et d’autres titres comme L’Amateur de Bordeaux, Gault & Millau et Terre de Vins. Co-auteur dans l’édition 2016 du « Grand Larousse du Vin ».

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